Comment utiliser un chronographe de voiture
L'horlogerie à la conquête des automobilistesQu'ils soient en acier, en argent ou en or, les vieux chronographes de poche ont un charme extraordinaire. Témoins de l'essor industriel, de l'évolution des performances sportives, de la science appliquée aux armées et de l'évolution de l'automobile, ils furent le premier équipement permettant de mesurer la vitesse d'une voiture sur une distance parcourue quand les tableaux de bord ne comportaient pas encore de compteurs de vitesse.
Il y avait ceux qu'on installait sur un support en cuir ou en laiton fixé au tableau de bord et ceux qui restaient dans la poche du conducteur ou passager avant, un peu plus à l’abri des chocs inévitables sur les routes pavées et cabossées. Les plus matheux des conducteurs pouvaient évidemment calculer leur vitesse moyenne avec un modèle classique mais ce que voulaient les automobilistes était une lisibilité instantanée de leur vitesse.
Les fabricants de chronographes allaient rapidement leur offrir l'instrument chronographique adapté à leurs besoins. Au milieu des années 1880, les premières automobiles fabriquées en (petites) séries atteignent 40 à 60 kilomètres par heure. Les chronographes sont vite adaptés pour permettre à l’automobiliste de connaître sa vitesse moyenne. L'offre de chronographes dotés de tachymètres s'étend vite à de nombreux fabricants et Omega comprend sans doute parmi les premiers, l'intérêt de sa présence sur ce marché. Zenith qui diffuse dès les années 1890, des chronographes dotés de mouvements Valjoux, propose en 1913 son premier chronographe équipé d'un mouvement de manufacture fabriqué en interne.
Comment utiliser son chronographe en voiture ?Quels qu'en soient les fabricants, les chronographes destinés aux automobilistes sont fondés sur le même principe de lisibilité par un affichage simplifié. Le tachymètre est ainsi mis à la portée de tous. L'usage est simple mais il s'est embrumé dans la nuit des temps de sorte que peu d'utilisateurs, aujourd'hui, sauraient l'utiliser pour calculer leur vitesse. Voilà pourtant un jeu parfaitement adapté sur nos autoroutes modernes pour les enfants, afin de rappeler à leurs parents noyés dans les bouchons, que la vitesse moyenne peut être inférieure à ce à quoi pourrait prétendre un piéton.
Ainsi donc, au moment où l'on passe devant une borne kilométrique, on presse sur le poussoir pour déclencher le chrono. La grande aiguille tourne. Devant la borne kilométrique suivante, on presse à nouveau sur le poussoir et on arrête le chrono. La grande aiguille s'immobilise. Il faut regarder sur quelle zone de couleur s'est arrêtée la petite aiguille du totalisateur des minutes (petit cadran à 3 heures). Cette couleur correspond à une zone de chiffres. La grande aiguille s'est arrêtée sur l'un d'eux. Ce chiffre permet de déterminer instantanément la vitesse.
Exemple : on enclenche le chrono en pressant sur le poussoir, la petite aiguille du totalisateur se fixe sur le rouge lorsqu'on arrête le chrono. On va regarder en périphérie du cadran dans la zone écrite en rouge. La grande aiguille donne la vitesse. Ainsi avec la petite aiguille dans le rouge, on va voir en zone rouge où la grande aiguille s’est arrêtée ce qui nous donne un chiffre rouge sous 60 kilomètres par heure. Si on a dépassé la minute la petite aiguille est en zone bleu foncé et donc on a roulé plus lentement et le chiffre indiqué par la grande aiguille sera plus faible.
Ici, le chrono Zenith permet de mesurer la vitesse jusqu'à 240 km/heure et la pièce Omega jusqu'à 250 km/heure. Des vitesses extrêmes pour l'époque. Evidemment ces vitesses n'étaient pas celles des voitures de monsieur tout le monde ou des trains mais l'industrie automobile évoluait extrêmement rapidement et en 1910 déjà, Barney Oldfield atteignit la vitesse de 210 km/h sur sa Blitzen Benz. Onze années plus tôt, le record n'était que de 100 km/heure et s'envolait en 3 ans de 20 km/heure. Pour se positionner sur les chronométrages sportifs, il était donc nécessaire de pouvoir mesurer ces vitesses et quand Zenith proposait son chronographe, la manufacture avait ajusté l'affichage de son cadran aux performances automobiles de l'époque avec une faible marge de progression.
Hélas, il n'y avait aucune couleur standard et d'une marque à l'autre, la référence de couleur pouvait changer. La première minute, rouge chez Zenith, est bleue chez Omega et peut être verte chez un autre fabricant.
Une offre technique diversifiée Le système évitait de lourds calculs. Ces chronographes d'automobilistes étaient évidemment l'accessoire complètement indispensable pour calculer sérieusement sa vitesse mais aussi pour ensuite, attester de ses exploits. Il existait des chronographes à compteur à aiguille trainante, l'aiguille progressait au fur et à mesure que s'écoulaient les minutes, à saut semi-instantané où l’on voyait progresser l’aiguille dans les derniers moments de la minute engagée c'est-à-dire lorsque s'enclenchait la préparation du saut d'aiguille et à saut instantané lorsque l'aiguille sautait d'un seul coup vers la minute suivante.
Zenith a conçu son chrono avec saut instantané quand Omega laissait au client le choix de son mode de comptage instantané ou semi instantané. Le Chronographe Zenith est assez rare car fabriqué en petits volumes. Il s’en est assemblé dans l'atelier de Boudry, au Locle et à Besançon. Le marché français était en général fourni par la filiale Franc-Comtoise et il est donc exceptionnel de trouver une pièce avec le poinçon d'or français alors que Zenith France devait prendre en charge ce marché.
Ces chronos indiquaient aussi l'heure à la différence des compteurs de sport trop souvent appelés Chronographes, à tort puisque ces derniers ne donnent pas l'heure. L'indication de l'heure juste avait elle aussi une grande importance et la mise en marche ou l'arrêt du chronographe ne devait pas avoir d'incidence sur la bonne marche de la montre qui profitait du même barillet et donc du même ressort pour tirer toute son énergie.
Le choix d'une savonnette Les modèles Lépine (montre classique) côtoient les savonnettes (avec couvercle devant le coté du cadran). La savonnette n'est pas adaptée à l'installation sur le tableau de bord et se veut élégante et discrète. C'était la version la plus chère, en particulier pour les modèles en or. La version Lépine, de loin la plus courante, facilitait la présentation de montres de grands diamètres. Sans nul doute, l'automobiliste qui avait une main sur le volant, une autre sur le levier de vitesse et tenait en même temps son chrono pour le déclencher, l'arrêter et ouvrir le couvercle de la montre pour mesurer sa vitesse, était-il un as du volant !
L'usage du chronographe automobile s'est perdu avec la généralisation des compteurs de vitesse. Ford en a installé en série dès 1910 sur certains de ses modèles. Le chronographe sera encore utile pour calculer des vitesses moyennes de ville à ville, mais c'est là une autre utilisation. Il n'est évidemment pas étonnant de retrouver des manufactures horlogères derrière la fabrication de Tachymètres, de montres de bord ou de compteurs de vitesse. C'est le cas entre autres, de Jaeger ou Zenith.
La production de ces chronographes fut assez abondante. Il reste de nos jours peu de modèles de luxe de cette époque. Les fontes répétées d'or au gré des cours élevés du métal précieux ont fortement amputé le patrimoine historique de ces modèles. Les arracher des mains des fondeurs est donc une noble cause pour préserver une page de l'histoire de nos grands-parents et de leurs premières voitures à moteur.
Droits réservés - Forumamontres - Joël Duval - Mai 2015