Ebel : Des poignets à la poche
Ebel est née avec les montres bracelet quand en 1911, un couple formé par Eugène Blum et Alice Lévy a créé à La Chaux-de-Fonds en Suisse, une manufacture de montres. Lui, Eugène était détenteur du savoir faire technique, elle, Alice, se passionnait pour la mode, le design et l'esthétique. Elle donna à Ebel une fibre de modernité et d'originalité par des créations audacieuses et se démarquant de la concurrence. Il faut dire que le début du siècle fourmillait de maisons horlogères en pleine expansion dans un monde où l'heure devenait un bien que chacun voulait s'approprier. La volonté de détenir individuellement l'heure juste allait de pair avec le développement industriel au point de créer une demande de la part du public à l'égard de montres fiables et précises.
La généralisation de l'échappement à ancre 50 ans plus tôt avait considérablement contribué à l'essor de l'horlogerie en facilitant la production industrielle de pièces pour lesquelles l'interchangeabilité des composants permit un abaissement des coûts de fabrication.
En 1914, Ebel reçoit la médaille d'or de l'Exposition Nationale de Berne pour ses « montres-bague brevetées, avec échappement à ancre et mise à l'heure cachée ». C'est là une caractéristique d'Ebel de se faire reconnaître pour des produits marqués pour leur originalité. En 1925, la manufacture reçoit le Diplôme commémoratif de Grand Prix pour les montres Haute Joaillerie, présentées à l'Exposition Internationale des Arts Décoratifs de Paris. Cette exposition fera date comme un marqueur de son temps immortalisé par des numéros spéciaux du magazine "l'Illustration".
Ebel fut créé alors que la montre de poche commençait à être bousculée par les montres bracelets d'abord considérées comme des accessoires féminins puis reconnues comme mixtes lorsque la première guerre mondiale rendit les montres de poches inaccessibles à cause des redingotes des uniformes militaires. En quatre ans, la montre avait basculé de la poche au poignet. Malgré tout, il faudra attendre les années 1940 pour que définitivement la montre bracelet se vende davantage que la montre de poche. Celle-ci ne mourra pas complètement malgré tout et jusqu'au début des années 1960, nombre de manufactures ont encore des modèles de poche dans leurs collections.
Le cas d'Ebel est particulier. Tandis que la plupart des maisons font évoluer leurs collections en passant de la poche au poignet, Ebel qui est particulièrement créatif de pièces de poignet étend son activité aux montres de poche pour ne pas se détourner d'une clientèle masculine en recherche de tradition. La réputation de la marque est toutefois ancrée dans les montres bracelet et les pièces de poche seront globalement assez peu nombreuses. Parmi les pays les plus demandeurs, l'Italie, l'Espagne mais aussi l'Amérique du sud. Avoir une montre de poche Ebel résonne un peu comme un paradoxe, une sorte de contradiction qui s'éteindrait en fusionnant la modernité de la marque et la tradition du type de pièce sur laquelle son nom est affiché.
En 1929, Charles-Eugène Blum, fils des fondateurs, rejoint la société Ebel. Son effort portera sur la précision qui est au centre des travaux de toutes les grandes maisons à ce moment là, et sur la qualité la plus recherchée. Il va élargir les collections et faire conquérir à la maison fondée par ses parents des pas décisifs dans son implantation mondiale. Il sera présent avec sa marque en 1930 à la première foire de Bâle aujourd'hui Baselworld. Celle année là, Ebel reçoit à Barcelone un prix d'Honneur lors de l'Exposition Internationale qui a eu lieu du 20 mai 1929 au 15 janvier 1930 .
Charles-Eugène Blum crée également un site de production de mouvements qui va non seulement assurer la fabrication pour les montres de sa marque mais qui va aussi favoriser l'expansion de la manufacture en la rendant capable de sous-traiter pour d'autres maisons la fabrication de calibres. L'intérêt d'Ebel pour la précision passe par le réglage des mouvements. En 1935, Ebel devient ainsi la première manufacture horlogère suisse à utiliser le système « Western Electric ». Cette invention n'est autre que l'ancêtre du vibrographe. C'est le premier appareil capable de mesurer la précision des mouvements. Pendant la deuxième guerre mondiale, Ebel sera le principal fournisseur de montres de l'armée britannique. Charles-Eugène veut faire des montres pour tous, accessibles à tous et participer ainsi à la conquête sociale de l'acquisition de l'heure juste par chacun.
En 1957, Ebel participe également à la création du “Contrôle Technique des Montres” (CTM), dont la mission est de contribuer à améliorer les critères de certification du Contrôle Officiel Suisse des Chronomètres (COSC), l'organe officiel suisse accordant la certification de chronomètre. Ebel est ainsi au cœur de l'histoire de l'horlogerie avec un rôle fondamental dans le contrôle de la précision des montres et la mise en œuvre de normes permettant de la mesurer.
La manufacture volera de succès en succès se faisant remarquer pour ses designs audacieux dans l'esprit de sa cofondatrice et son soutien à l'architecture. Ebel est ainsi notamment dans le sillage de Le Corbusier, l'architecte suisse sans doute le plus réputé. Ebel subira les crises horlogères de plein fouet mais la marque est toujours présente notamment sur le marché américain où elle est reconnue pour sa créativité et son originalité.
Droits réservés - Forumamontres - Décembre 2017 - Joël Duval