Pour ma première mini-revue, j'ai choisi la SEULE rolex dont on ne parle pas ici (avec, peut être, la Lady Oyster perpetual): la Turn-O-graph (aka « TOG » ou « Thunderbird »).
La vie est étrange.
Lorsque j'ai eu ma première belle montre (mécanique c'est-à-dire), j'avais choisi une Reverso avec l'idée parfaitement arrêtée que les Rolex, pouah, n'étaient que des montres de m'as-tu-vu déplaisants.
Et puis un jour (il y a de cela deux ans) j'en ai passé une au poignet et, depuis, en ai acheté quelques autres: Explorer I, GMT II, Sub Tudor (Merci Laurent B!), etc. Depuis ce jour, je les aimais toutes, et j'ai bien faillicraquer pour chaque référence du catalogue. Toutes? Pas vraiment: il y avait, pour moi, LA Rolex qu'on ne pouvait pas porter, celle qui ne ressemblait à rien, dont on se demandait ce qu'elle pouvait bien faire sur le présentoir, entre une SD et une Day date: la Turn-O-Graph.
Et puis un jour (l'histoire se répète), je passe devant une vitrine toulousaine et j'avise une drôle de Datejust, avec ce qui ressemble à une grosse lunette canelée et un (sublime) fond ardoise mat. C'est les vacances, je me promène, je n'ai rien à faire et, donc, j'entre pour l'essayer... C'était fini: je l'adorais, c'était la plus belle, la moins courante, la mal-aimée donc la plus désirable. Bon, cela dit, à 4900 euros la bête, je ne craque pas tout de suite...
J'attends quelques semaines, je fouine sur les forum spécialisés, comme on dit, et je m'aperçois que cette montre, je l'ai toujours voulue, que son (relatif) insuccès commercial est un scandale, et qu'il faut donc faire quelque chose pour la maison Rolex avant qu'elle ne jette l'éponge. Depuis hier, elle est à mon poignet. (La montre, pas la maison Rolex)
C'est elle:
Pour votre culture personnelle, quelques info sur ce modèle assez peu connu, à la fois en marge des collections « habillées » et des Oyster professionnelles (qui, pourtant, lui doivent tout disent les connaisseurs):
La première TOG est apparue en 1953, sous la référence 6202, motorisée par le calibre 1035. Il s'agit, à ce moment, d'une Oyster perpetual sur laquelle a été greffée une lunette tournante graduée de 0 à 60.
Les aiguilles Mercedes ne font leur apparition que quelques années plus tard:
En somme, il s'agit à l'origine d'une évolution assez timide de l'Oyster perpetual, à laquelle l'ajout de cette lunette rotative permet de mesurer approximativement des laps de temps plus ou moins court (selon qu'elle est employée avec l'aiguille des secondes ou des minutes).
Le slogan publicitaire vise d'ailleurs clairement la population masculine « active »: « For timing every activity ».
Rolex n'hésite pas, même, à proclamer sa lunette rotative une
invention révolutionnaire ("Revolutionary Time recorder") ...
La carrière commerciale de la TOG ne sera jamais brillante, de toute évidence en raison du lancement, en cette même année 1953, de la Submariner, qui va incarner la Rolex Toolwatch pour des décennies et occuper presque seule le devant de la scène alors que s'enrichit progressivement de la gamme professionnelle.
Rolex maintiendra tout de même la TOG au catalogue, lui faisant subir quelques lifting en même temps que la Datejust dont elle dérive étroitement. La TOG a ainsi été montée avec plusieurs modèles de lunette:
Et, il faut bien l'avouer, l'insuccès du modèle paraît parfois mérité:
Dans sa dernière version, avant le modèle de 2004, la TOG se présentait ainsi, c'est-à-dire comme une simple Datejust à la lunette quelque peu modifiée:
Au salon de Bâle 2004, Rolex présente la nouvelle TOG, qui manifeste clairement l'intention de la vénérable manufacture de donner une nouvelle vie à la TOG en lui donnant une identité propre, décalée par rapport à la - presque - immuable Datejust.
La TOG dernière mouture:
(Oui, je sais, la photo est mieux que la mieux là haut.)
Cette tentative ne semble pas avoir été complètement couronnée de succès. Si la TOG se vend relativement bien sur certains marchés (notamment le marché japonais:
),
elle est, en France, atteinte par une cruelle mévente. De fait, il est rare, sur ce forum, d'en entendre parler. La cause en est probablement le côté un peu "bâtard" de ce modèle qui, sans correspondre à l'image assez conventionnelle de LA Datejust, n'est pas non plus perçue comme une Rolex professionnelle. Par surcroît, ses 36 mm de diamètre (amplement suffisant pour moi) ne sont pas de nature à plaire à ceux qui, à notre époque, préfèrent porter un carillon au poignet.
Pour ma part, je lui trouve bien des qualités:
- d'abord, justement, elle n'est pas trop grosse et tranche agréablement avec ce que l'on voit majoritairement aujourd'hui;
- ensuite, elle a ce petit côté décalé d'une montre habillée (la lunette en or gris y est pour beaucoup, mais aussi le cadran gros ardoise qui est, le mot n'est pas trop fort, à se damner), tout en étant un peu "technique" (trotteuse rouge pétant et date itou);
- enfin, si le propriétaire de Sub ou de Datejust croise souvent sa montre au poignet d'un autre, l'heureux possesseur d'une TOG (c'est moi) a la satisfaction d'amour propre de se croire seul à l'avoir.
Bon, de toutes façons, c'est la dernière pour laquelle j'ai craqué et c'est donc la plus belle! (Pis mon pote fifi l'aime aussi, alors...);-)
Elle est là: