Quand 1917 renvoie à la seconde guerre mondiale
La seconde guerre mondiale provoque, dès 1939, un immense besoin horloger. Il faut alors équiper chaque navire de guerre, chaque soldat, chaque officier, dans tous les corps d'armée et dans un délai très court. L'armée américaine tente de ne pas renouveler ce qui s'était produit lors de la première guerre mondiale où il avait fallu faire appel massivement aux fabricants suisses. Cette fois, les manufactures américaines sont largement mises à contribution au point, pour certaines d'entre elles comme Hamilton, de cesser pendant la guerre, la production civile et de privilégier la fabrication pour les armées.
Un modèle « standard » pour l’armée américaineAu début de la guerre, même s'il subsiste des utilisations bien précises pour les montres de poche ou de bord, l'essentiel "en volumes" de la commande militaire porte sur des montres bracelets simples à trois aiguilles. Selon les besoins, les cadrans sont noirs ou blancs crème et, la plupart des aiguilles et cadrans, sont peints avec une matière luminescente à base de radium pour faciliter la lecture nocturne de l'heure.
Si les premières livraisons sont en métal chromé, on voit apparaître dès la fin de la guerre et surtout après celle-ci, des montres militaires avec des versions de boites en acier inoxydable, en particulier chez le fabricant de boites "Star", qui sera ensuite relayé par la maison Keystone. Pratiquement toutes les maisons américaines sont sollicitées pour emboiter des quantités considérables de montres aux mouvements de qualités variables, mais dont la précision est en général constante. De 7 à 17 rubis, les petits calibres "Size 8" soit 23,7 mm ou 10,5 lignes ont une finition qui varie de « sommaire à soignée ».
Trois modèles réglementaires de l'US Army
La dynastie Hamilton Parmi les mouvements les plus intéressants, les plus anciens sont les 987 et 2987 d’Hamilton. Ils offrent l’intérêt d’un empierrement de 17 et 18 rubis qui les classent dans le haut de gamme. Par la suite, le plus beau calibre « courant » de montre bracelet est sans doute le 747 à 17 rubis d'Hamilton avec ses ponts anglés et sa décoration à côtes. Le mouvement produit de 1947 à 1954 est, comme ses prédécesseurs, d'une redoutable précision. Il équipe nombre de montres civiles après 1948. Parallèlement, le ministère de la défense américain recycle des montres livrées à la fin de la guerre en métal chromé et y fait adapter des boites en acier inoxydable. Les quantités sont si importantes qu'il est difficile de discerner ce qui est une montre "reconditionnée", une montre "dans son jus" c'est à dire produite pendant la période de conflit et une montre totalement postérieure. Les gravures de fond de boites ne semblent pas être un critère pertinent même si elles apportent une certitude quant au passé militaire de la pièce. Les numéros de série gravés sur les mouvements participent au faisceau d’indices quant à l’origine de la pièce.
La qualité des calibres était une condition d'accès aux marchés des armées
Parmi les montres bracelets militaires du département américain des armées, on recense des pièces à cadran noir ou à cadran blanc, des montres sans trotteuse, à trotteuse centrale ou à petite trotteuse à six heures. Hamilton, Elgin, Waltham, Bulova en sont les principaux fournisseurs avec d'autant plus de ressemblance visuelle que les boites sortes de la même usine. Conçues pour être étanches, ces montres ont un diamètre de 32 mm hors couronne et 36 mm avec celle-ci car les couronnes sont épaisses pour faciliter le remontage et la mise à l'heure. Cette caractéristique inscrite dans le cahier des charges militaire est commune à toutes les montres. Le fond vissé « à pas long » qui bute sur un joint, contribue à l’étanchéité efficace des boites.
Le calibre 554 d’Elgin Elgin livra à l'US Department (ministère de la défense) son calibre 554, fabriqué de 1943 à 1952. Celui-ci, était reconnu pour la précision chronométrique de son mouvement. Empierré seulement de 15 rubis et doté d'une finition simple, la performance est d'autant plus remarquable que la manufacture Elgin en produisit jusqu'à 450 000 exemplaires par an en 1950 et 1951. Sur la totalité de la période de fabrication, Elgin fabriqua presque 2 millions de mouvements 554 ! Un chiffre qui aujourd'hui ferait rêver plus d'un fabricant pour une seule référence de calibre.
Vers un nouveau service actif civilSi les montres de petit diamètre sont passées de mode, les versions militaires demeurent des pièces de collection, portées par les amateurs éclairés en raison de leur histoire. Les modèles en métal chromé produits pendant la guerre ont des boites souvent usées laissant apparaître le métal blanc chargé de nickel allergisant dont le contact avec la peau peut laisser des traces désagréables. Il est donc plus facile de porter au quotidien les versions plus tardives avec des boites en acier inoxydable. Celles-ci au passé tout aussi militaire n'ont certes pas servi pendant les années de guerre mais sont ouvertes à de nouvelles années de service actif auprès des amateurs. Le radium encore présent sur les aiguilles et sur les cadrans fera sans doute hésiter à les porter durablement mais le danger est surtout présent lors du démontage de la montre ou du dépôt du verre.
Les modèles sont visuellement identiques d'un fabricant à l'autre
Les modèles plus tardifs de montres bracelets militaires de l'armée américaine ont plus généralement un cadran noir, un diamètre plus large de 33 mm hors couronne et une trotteuse centrale. Les mouvements sont le plus souvent à 7 rubis sans pour autant perdre de leur précision. Les finitions sommaires témoignent d'une recherche d'économie. Les très gros volumes fabriqués notamment pendant la guerre du Vietnam ont pour conséquence de limiter la cotation des pièces et de les rendre facilement accessibles aux amateurs. On assiste toutefois, ces dernières années, à une augmentation du tarif chez les marchands.
Les montres montées sur un bracelet Nato retrouvent une nouvelle jeunesse
On porte en général ces pièces sur un bracelet en textile de type Nato ou sur un cuir brut. Les anses étroites de 16 mm sont mieux adaptées à un bracelet tissé. Ces montres s'intègrent facilement sur les poignets féminins. Elles tendent d'ailleurs à être recherchées par les dames. Elles trouvent avec cet usage mixte hommes/femmes une nouvelle carrière inattendue, éloignée des exercices militaires des années 1950. C’est en quelque sorte une pacification d’un instrument militaire.
Droits réservés- Joël Duval - Forumamontres Avril 2019