Un chef cuisinier étoilé, mais je préserverai son anonymat, m'a fait visiter sa cuisine. Bon d'accord, j'ai un peu tendu la perche. Sa passion pour les montres l'a conduit à m'ouvrir ce lieu magique qu'est la cuisine. Il m'a expliqué qu'il était devenu mono-marque de montres faute de temps et parce qu'il revenait toujours aux mêmes modèles. Le jour de ma visite, il était Sea-Dweller. "Je la fait réviser tous les 5 ans, sans faute car les vapeurs de cuisine, la chaleur et l'humidité d'une cuisine ça bouffe les joints". Il m'a confié avoir un problème, il y a quelques années après avoir oublié de réviser une Day date qui a fini par avoir de la buée après quelques cuissons vapeur.
Mine de rien, j'ai fait le provocateur en lui citant d'autres montres d'autres marques réputées étanches. Ca n'a pas marché car comme il dit" Avec mes Rolex, je prends mon pied"
Ce chef est aussi un passionné de couteaux … Ca ne s'invente pas. Je vais tenter de me faire adopter….
Dans un coin, son coin où les apprentis n'ont même pas le droit de jeter un œil, il a 3 ou 4 couteaux différents, des couteaux en provenance du Japon où il les a achetés et 3 ou 4 autres couteaux en damas eux aussi et en particulier des Santoku (non, ce n'est pas une grossièreté). Le Santoku est un couteau avec une haute lame qui sert à émincer notamment et dont la lame peut être alvéolée pour ne pas accrocher ce que l'on coupe (du poisson cru par exemple). Ce qui m'a captivé c'est qu'il y avait finalement 4 couteaux quasi identiques sur une plaque aimantée collée ou scellée au mur. Il se trouve que je suis à fond dans l'achat de quelques couteaux et effaré de l'offre, de l'absence des Français sur ces modèles de couteaux avec des aciers haut de gamme et l'omniprésence des Chinois avec des aciers magnifiques presque autant que ceux des Nippons.
Le chef m'a placé les lames sur sa table coté marque vers le bas et m'a demandé de les classer par ordre décroissant de valeur estimée.
La qualité des manches en bois exotique ou en micarta allait me guider mais il m'a arrêté car cette vision est fausse. Visuellement à part un couteau, les autres semblaient très proches. Intuitivement et parce que je connais un peu ces aciers, la version en damas unique a eu ma préférence et puis j'ai testé les lames avec le doigt…. Je suis revenu sur mon opinion.
Après 2 ou 3 minutes, il m'a dit qu'il y avait un couteau à plus de 1200 euros et un autre à moins de 30, un autre à 70 et un à 245. L'épaisseur de la lame de l'un d'eux et la qualité du manche le détachaient un peu mais à peine et les 3 autres étaient honnêtement difficiles à distinguer. Mais je tentais un classement.
J'avais bien identifié le plus cher mais le bois du manche et la qualité de la garde "tranchaient". Pour le reste j'ai mis le couteau le moins cher à égalité de celui à 70 et les ai placés au milieu et au plus bas, la version à 245. Ensuite, j'ai tranché ...Viande et fruit (sans savoir). Le poids du plus cher m'a conquis, les 3 autres étaient à égalité avec un avantage au moins cher (manche plastique plus léger). Finalement les valeurs me furent révélées. Le plus cher venait d'un artisan japonais qui en fait 3 ou 4 par mois. Le moins cher venait de Chine, celui à 70 d'origine probable du Pakistan et le dernier de Chine mais avec un acier japonais.
Visuellement, la plus belle lame était celle de celui à 70 euros. Le chef m'a expliqué qu'il les utilisait tous et plus facilement celui à 30 euros. Pourquoi ? "Parce que celui-là, je le remplace facilement…" Et là, il m'a dit que les Rolex, il les aimait car il savait que dans 10 ou 15 ans, s'il voulait en changer, il retrouverait la même facilement, alors que les autres, ce serait impossible.
Ce n'est pas si bête, je trouve ….
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Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).