Omega Speedmaster 125, Un millésime !
La célébration d'un anniversaire pour une manufacture de montres est un moment important. Plus qu'une ponctuation dans la vie de l'entreprise, c'est le marqueur d'une étape, un indicateur patrimonial de son expérience accumulée au fil des ans. Si aujourd'hui, le plus généralement, une maison limite ses anniversaires à la production d'une série limitée en modifiant à la marge un modèle de sa collection et en se cantonnant à un marquage spécial sur le cadran ou sur le fond de la montre, il en allait différemment dans les années 1970.Un chronomètre d’exception pour 125 ans au service de la précisionEn 1973, Omega célèbre ses 125 ans. La maison qui a vu le jour en 1848 souhaite faire de cet instant un moment particulier marqué par la présentation d'un modèle innovant susceptible de marquer les mémoires. La Speedmaster qui a accompagné la conquête de la Lune et les voyages spatiaux est sans aucun doute, aux yeux de la Direction d’ Omega, le modèle le plus emblématique de la collection. Omega a certes très bien réussi à promouvoir son chronographe et ses versions dérivées mais la maison a pris du retard face à la concurrence dans la présentation d'un modèle à remontage automatique. Zenith, Heuer/Breitling/Dubois-Depraz/Buren et Seiko qui ont chacun, dès 1969, présenté leurs modèles de chronographes qui se remonte avec le mouvement du poignet, font figure de conquérants.
Omega décide donc dès 1972 que son modèle anniversaire sera à la fois une Speedmaster et donc un chronographe et qu'il sera doté d'un remontage automatique du mouvement. Mais la manufacture de Bienne va plus loin et veut que son modèle soit aussi certifié chronomètre avec une "mention d'exception", ce qui en fera une référence. Par ailleurs, la marque décide de ne pas se contenter d'un emboitage courant mais d'innover en créant une boite tout à fait spéciale. Celle-ci sera constituée d'un double boitier où le mouvement est emboité dans une sorte de calotte container suspendue par un joint O, dans une carrure "Tonneau" massive, fraisée dans l'acier. La boite est soumise à brevet déposé par Ervin Piquerez qui a conçu la plupart des boitiers des Omega emboitant des calibres 1040.
Le modèle est lourd et s'avère, de fait, être un véritable « bunker » qui protège d'autant mieux le mouvement que la lunette porte un verre minéral tachymétrique plat, proche de celui de la Speedmaster Professional Mark II, avec l'échelle du tachymètre sous le verre. La montre fut également disponible avec une échelle pulsométrique, télémétrique ou décimale.
Un mouvement exclusif conçu pour un seul modèle Le mouvement conçu par Lémania porte la référence 1041 dans la lignée des autres chronographes qu’Omega produit. Il fut exclusif à ce modèle et jamais emboité dans un autre. La montre, étanche à 60 mètres, n'est pas très large car son diamètre n'est que de 42 mm mais elle est très épaisse et son bracelet en acier intégré contribue à lui conférer un poids qui dépasse ce qui se fait habituellement. La Speedmaster 125 pèse en effet près de 50 grammes de plus qu'un modèle classique de Speedmaster Professional, soit 183 grammes contre 135 pour la version habituelle. Le verre est de type minéral trempé ce qui lui donne une résistance aux rayures meilleure que les verres en acrylique de l'époque. Certes, la pièce fabriquée à environ 20 000 exemplaires - sans doute un peu plus en réalité - n'a pas connu la notoriété de la Speedmaster Professional, mais c'est elle qui en 1978 équipera le cosmonaute russe Vladimir Dzhanibekov lorsqu'il reste dans l'espace, à bord de la station soviétique Saliout 6-Soyouz 26, 145 jours et 16 heures ce qui est un record à ce moment et lui laisse le temps de multiplier les chronométrages. Cela rassure au passage ceux qui auraient pu douter du bon fonctionnement d'une pièce à remontage automatique en situation d'apesanteur dans l'espace.
Le mouvement 1041, dans la filiation de la version 1040, est plus qu'innovant, car au-delà de sa certification officielle en qualité de chronomètre, il évolue à 28 800 alternances par heure quand la plupart des autres mouvements de la marque sont à 21 600 alternances par heure. Son rotor, c'est à dire le dispositif qui en permet le remontage, est monté sur un roulement à billes spécialement mis au point. Il fut fabriqué deux versions du calibre 1041. L'une dotée de 22 rubis, la plus courante, et une seconde version à 17 rubis pour le marché américain qui surtaxait toute montre porteuse d'un nombre de rubis supérieur à 17. Le calibre était réglé dans les 5 positions, chronomètre oblige.
Un grand cru La Speedmaster 125 offre une lecture instantanée du jour/nuit, indication précieuse quand on vit éloigné des caractéristiques du jour et de la nuit, et elle dispose d'une mise à la date rapide sans avoir à faire tourner les aiguilles sur 24 heures. S'il faut admettre que ce chronographe ne profite pas d'une lecture intuitive avec ses 4 aiguilles sur un l'axe central et ses 2 compteurs dont un à double lecture pour le disque lumineux 24 heures, il est néanmoins avec quelques minutes de prise en main, une pièce très performante et finalement bien lisible.
Omega aurait-il ainsi inventé la montre parfaite de l'espace ? Vladimir Dzhanibekov n'a eu qu'à se féliciter de son exemplaire qui n'a connu aucune défaillance. Le cadran profite de marquages traités au Tritium "lumineux" de nuit et d’un relief tant de la lettre que du nom d'Omega ainsi que de la mention 125 en couleur acier ce qui accroît le bon équilibre dans la lecture des indications de la montre. La carrière commerciale de ce chronomètre s'arrête en 1978 après 5 années consécutives au catalogue. La fabrication des mouvements 1040 et 1041 fut alors abandonnée au profit du calibre Omega 1045, connu sous la référence 5100 chez Lémania, beaucoup moins cher à fabriquer.
On recommandera l'excellent ouvrage virtuel à télécharger gratuitement de Grégoire Rossier, Anthony Marquié et Andy kulas "Speedmaster 125 Only" qui fait office de référence sur l'histoire de cette montre d'exception. https://www.watchbooksonly.com/
Droits réservés - Forumamontres - Décembre 2019 - Joël Duval