Zenith : Le prototype El Primero en acier Damas
Préambule La création de pièces d'horlogerie suit un cycle complexe fait d'une alchimie des idées et d'une symphonie des envies et des talents. Sans cela, il n'est donné naissance qu'à une montre qui ressemble à tant d'autres. Zenith tenait en 1999, depuis 30 ans, un mouvement hors norme avec l'El Primero quand l'envie de l'habiller autrement est née des amours d'un amateur de couteaux avec des lames d'acier Damas et de mouvements de montres de pointe. Il ne suffisait alors pas d'avoir l'idée mais il fallait s'associer le talent d'un spécialiste du design et des aciers. Le damas en inox est en effet un alliage complexe composé de poudres d'aciers travaillées selon une recette secrète digne des grands chefs étoilés qui sont le fleuron des grandes cuisines. La création du modèle fut imaginée par Marc Alfieri qui devint ensuite designer de Richard Mille entre autres grands créateurs de pièces mythiques d'horlogerie. En spécialiste des aciers, il mit au point une pièce dont les surfaces planes étaient découpées dans une barre d'acier damas et dont les surfaces courbes étaient fraisées dans le titane. Ce chef d'orchestre de la maîtrise des métaux, artiste designer des temps modernes choisit un cadran de Rainbow Flyback monochrome pour tester un cadran noir, le plus neutre possible pour mieux faire ressortir les dessin du damas révélés par un traitement à l'acide. Le résultat fut bluffant mais limité à deux exemplaires de sa montre.
Génèse On est en 1999, François Manfredini, Directeur Général de Zenith et Didier Leibundgut, à l'époque Directeur Marketing travaillent sur un projet de nouveau boitier qui viendrait compléter la collection Chronomaster et Rainbow. L'équipe s'associe le concours d'un journaliste français, Stephan Ciejka, qui propose de faire appel à un jeune designer spécialiste des aciers et capable de tailler une boite totalement originale. Ce jeune designer est Marc Alfieri qui exerce ses talents du coté de Marseille et travaille beaucoup sur des couteaux d'art très sophistiqués et conçus comme des bijoux.
Marc Alfieri qui n'a pas encore la carrière de designer qu'on lui connait et n'a pas encore travaillé, en particulier, avec Richard Mille est sans doute l'un des designers les plus tendance que la manufacture ait sollicité. Celui-ci va concevoir une montre qui fusionne les matériaux à savoir le Titane, l'acier et le damas inox de l'allemand Schneider, ingénieur qui a conçu un damas inox sur lequel se précipitent les couteliers. En effet, si le damas est très à la mode dès la fin des années 1990 dans la coutellerie, celui-ci est en général en acier carbone oxydable ce qui n'est pas compatible avec toutes les utilisations de couteaux. Le damas est un acier traditionnel profondément ancré dans la culture des travailleurs de l'acier et ses racines, en Inde, remontent au Xème siècle. En Europe, il est devenu un acier recherché à partir du haut moyen âge.
Après un peu plus de deux mois de travail, la montre est réalisée sous forme de deux prototypes et présentée à l'équipe de direction de Zenith. En voici l'un des deux exemplaires... Le second est une variante légèrement différente car le Damas présente l'intérêt de proposer un aspect différent pour chaque pièce, la rendant totalement unique.
A l'époque, le principe de la fusion, comprenons le mélange des matériaux, est dans l'air mais Zenith est un précurseur dans la culture de cette idée. En voyant les prototypes pourtant, l'équipe qui préside aux destinées de Zenith hésite. La crainte est que la clientèle soit déroutée de voir des produits trop inhabituels dans un univers horloger où l'audace esthétique peut dérouter les amateurs. Par ailleurs, l'acier damas inox de l'époque comporte un taux de nickel et de carbone que la technologie ne permet pas encore de rendre anallergique à la différence des aciers d'aujourd'hui.
Tandis que la réflexion avance, faisant naître l'envie de porter un tel modèle dans la collection, Zenith est revendu presque par surprise par Paul Castella, son propriétaire, à LVMH. Les nouveaux propriétaires n'ont pas connaissance de ce projet et c'est sans doute fort dommage car il aurait apporté à Zenith une innovation majeure dans ses collections.
Ce prototype est fort rare et il est le témoin d'une démarche créative fortement imprégnée de différences qui restent d'une actualité troublante.
Droits réservés - Forumamontres - Mai 2020 - Joël Duval