ZEN Rang: Administrateur
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| Sujet: Actu: Pierre-Yves Donzé, un Jurassien au Japon Lun Oct 15 2007, 11:41 | |
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- Pierre-Yves Donzé, un Jurassien dans l'autre pays de l'horlogerie
15 Octobre 2007
De vulgaires copieurs, les Japonais? Des plagiaires, venus espionner le savoir-faire des horlogers suisses pour ensuite leur damer le pion avec leurs montres à quartz? La vision est communément répandue dans la patrie de la Swatch. Un Jurassien, Pierre-Yves Donzé, s'est mis en tête de démêler le vrai du faux. Il y a une année, il a tourné la clé dans la serrure de son appartement neuchâtelois et pris l'avion avec son épouse et leur fillette. Destination: Kyoto, ses temples, ses cerisiers, son université et, aussi, la famille de Madame.
Une histoire mondiale de l'horlogerie
Après une dizaine de voyages d'agrément vers l'Empire du Soleil levant, Pierre-Yves Donzé souhaitait «approfondir sa connaissance de la langue et du pays.» Le Fonds national de recherche lui en a donné les moyens en lui accordant une bourse pour sa recherche sur l'histoire de l'horlogerie à l'échelle mondiale.
Car l'histoire est la passion et le métier de ce Bruntrutain de 34 ans, qui lorsqu'il vivait de ce côté-ci de la planète partageait son activité professionnelle entre le Centre jurassien d'archives et de recherches économiques (CEJARE), à Saint-Imier, et l'Université de Neuchâtel, où il a décroché son doctorat en 2005.
Avec les encouragements des Suisses
Entre le pays n°1 de l'horlogerie et son challenger nippon, «l'espionnage a existé, on ne peut pas le nier», confie le Dr Donzé. Mais le savoir-faire helvétique a emprunté d'autres chemins, moralement plus défendables, vers l'archipel japonais. «L'industrie horlogère japonaise est le résultat d'un transfert de technologie particulièrement bien réussi au cours des années 1880-1930», écrit Pierre-Yves Donzé dans un article publié en décembre 2006, le premier fruit de ses recherches1.
Machines prévôtoises, esprit japonais
Et ce transfert, souligne l'historien, les négociants helvétiques l'ont d'abord encouragé pour répondre à leurs propres besoins en main-d'œuvre locale - assurer le service après-vente de leurs produits. De jeunes Japonais ont ainsi été formés dans les écoles d'horlogerie suisses.
Cela dit, les Japonais ont rapidement développé «une politique volontariste» en la matière, poursuit Pierre-Yves Donzé. Ainsi, le fondateur de Seiko, distributeur officiel de Longines jusqu'au début des années 1970, importait des montres terminées mais aussi des mouvements et d'autres pièces qu'il plaçait dans ses propres boîtes. «La terminaison des montres lui donne l'occasion d'acquérir des connaissances techniques qui lui servent à développer et améliorer ses propres calibres», écrit le Dr Donzé.
Les Suisses ouvrent les yeux... trop tard
Le savoir-faire helvétique a également débarqué au Japon avec le matériel de production. En 1890 déjà, le fondateur de Seiko achetait en Europe, entre autres chez Tornos et Petermann à Moutier, des machines et des outils qu'il copiera... en les adaptant: «En Suisse l'assemblage se faisait encore à la main. Les Japonais, eux, ont cherché le moyen de l'industrialiser. Tous les ingénieurs de Seiko qui ont visité Longines dans les années 1960 ont trouvé que leurs méthodes n'étaient pas intéressantes, pour cette raison-là», raconte Pierre-Yves Donzé.
«Pour les horlogers suisses, l'expérience est amère», constate le jeune chercheur. Eux qui considéraient les premiers pas de l'horlogerie japonaise d'un œil «plein de condescendance» ont soudain vu se dresser devant eux un redoutable concurrent qui, suprême offense, les combattait avec les armes qu'ils lui avaient eux-même fournies. En 1930 le Journal suisse d'horlogerie critique d'ailleurs vertement «ceux qui se sont lancés dans la voie d'inculquer aux petits Jaunes nos nombreuses connaissances techniques», rapporte l'historien ajoulot.
Plus tard la recherche de Pierre-Yves Donzé - et sa famille - se déplaceront aux Etats-Unis. Mais le Japon les retiendra une année encore: les archives de Seiko, à Tokyo, et les bibliothèques du Ministère de l'économie, à Osaka, n'ont pas fini de livrer leurs secrets.
1 La Suisse et les débuts de l'industrie horlogère japonaise, dans le bulletin n°53 de la Société suisse de chronométrie. Le document est téléchargeable sur Internet en passant par le site du QJ, www.lqj.ch.
«Je me sens au Japon comme dans mon deuxième pays» «Je me sens chez moi, mais pas Japonais». Y a-t-il un accent de regret dans la voix de Pierre-Yves Donzé? Même pas. C'est une simple constatation: «Quand on n'a pas l'air asiatique, on est toujours un peu étranger, même après des années.» Même quand on parle japonais et qu'on lit les trois alphabets de la graphie nippone, comme le jeune historien jurassien.
Le «ninjo» japonais...
Marié à une Japonaise, Pierre-Yves Donzé a noué des liens familiaux avec l'Empire du Soleil levant. Mais en y posant ses valises pour deux ans, il a trouvé d'autres raisons de s'attacher au pays et à ses habitants. Voyez ce qu'il répond lorsqu'on lui demande ce qui lui manquera lorsqu'il quittera le Japon: «C'est le ninjo qui me manquera. C'est un mot difficilement traduisible («sentiments d'humanité») qui décrit cette attitude typiquement nippone selon laquelle les Japonais comprennent les sentiments des autres sans que ceux-ci aient à les exprimer trop profondément. C'est cela qui rend parfois le Japon compliqué et difficilement compréhensible pour les Occidentaux (on ne sait jamais ce que les Japonais pensent ou ressentent). Mais quand on commence à maîtriser la langue et à intégrer cette culture, cela devient au contraire très plaisant. Dans une société où tout bouge rapidement et où tout est strict et hiérarchisé, le ninjo apporte du calme, de la tendresse et une certaine affection.»
...contre la nature jurassienne
Et à l'inverse? Quelle absence (hormis celle de ses proches, bien entendu) Pierre-Yves Donzé ressent-il lorsqu'il invoque des images jurassiennes? «Peut-être la nature, lâche-t-il après un moment de réflexion. La forêt toute proche, la densité moindre du pays. Ici où qu'on aille il y a du monde.»
Le «miso» et la Saint-Martin
C'est qu'au Japon l'espace est compté: Pierre-Yves Donzé et sa petite famille vivent dans un appartement de 44 m2, tout à fait conforme aux standards japonais. Un autre exemple: «Quand on veut acheter une voiture, il faut prouver qu'on a une place de parc. Sinon c'est impossible.»
Au pays du miso (une pâte fermentée salée) et de la sauce soja, un Helvète élevé à la fondue et à la saucisse d'Ajoie trouve-t-il son compte? Sans problème, assure Pierre-Yves Donzé.
Certes il vaut mieux apprécier la gastronomie japonaise, et c'est son cas. Mais en cas d'urgence fromagère, par exemple, «on trouve du gruyère dans les supermarchés (au prix fort cependant, n.d.l.r) et il y a un Swiss Chalet à Tokyo qui sert de la fondue. Rien ne peut manquer... Peut-être la Saint-Martin?» Il rit: «En un repas de Saint-Martin on ingurgite autant de calories qu'en une semaine de vie quotidienne au Japon!» Le Quotidien Jurassien - Claire Jeannerat www.lqj.ch _________________ Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).
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alemmar Passionné de référence
Nombre de messages : 3128 Localisation : marseille Date d'inscription : 24/12/2006
| Sujet: Re: Actu: Pierre-Yves Donzé, un Jurassien au Japon Lun Oct 15 2007, 20:40 | |
| ce Monsieur a publié des choses passionnantes sur les flux de technologie horlogère, je m'en suis inspiré (plus que ça mm) pour comprendre l'histoire de Seiko. Qu'il en soit remercié. |
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