Que de statistiques, chiffres et expertises ! Notre société génère non pas des spécialistes mais des experts en toutes matières. Infectiologues, virologues, climatologues, experts en développement durable, loisirologues, historiens, politologues, économistes, sociologues, psychologues etc ... L'horlogerie invente et innove avec les "futurologues" ... Eux seuls voient le futur en visionnaires et experts des marchés et des comportements des consommateurs.
Il n'est pas un jour sans que des informations contradictoires ne viennent éclairer la journée. Du "Tout va bien" auto-satisfait au "C'est un marasme économique", toutes les interprétations circulent et chacun y va de ses chiffres. Plus aucun CEO n'a un avis sur ce que va devenir le futur horloger et le futur de sa marque dans ce futur collectif. Cela devient risible à force d'être contradictoire.
Celui qui parle aux actionnaires peut avoir besoin de les rassurer ou de les inquiéter et s'il faut justifier de lâcher des détaillants ou du personnel, alors la catastrophe est là si par contre une semaine plus tôt il a fallu rassurer les clients (détaillants) alors tout allait bien.
Qui eut crû lors des Geneva Days qu'Ulysse Nardin préparait pour la semaine suivante 100 licenciements secs au sein de ses effectifs ? Quand chez Richemont on ressent un frémissement de reprise, de quelle marque parle-t-on ? Le fameux marché chinois qui tend à se redresser justifie-t-il qu'on veuille relancer le marché français dont on se rend compte qu'on l'a sous-estimé ? Mieux encore, comment gérer les statistiques qui démontrent que les ventes ou plus exactement les faits générateurs d'actes d'achat sont inférieurs sur les réseaux sociaux à ce qu'ils sont partout ailleurs ?
La marée haute de chiffres contradictoires et souvent étayés par des études manifestement peu scientifiques et peu rigoureuses débouche sur un tsunami d'informations dont il ne peut être rien ni déduit, ni récupéré.
Personne ne ment vraiment et c'est bien là le problème. Le verre perçu ici comme à moitié plein est interprété depuis un autre point de vue comme à moitié vide. Tout le monde a raison ! 50% des boutiques fermées c'est une catastrophe mais 50% encore ouvertes, c'est une performance dans un contexte un peu plus incertain chaque jour. Une marque qui vend 100% de plus qu'en 2019, c'est un exploit mais si ces 100% ne sont que 2 pièces, quand en 2019, on en vendait une seule alors c'est un marasme. "Nous sommes en bonne santé, notre collection s'agrandit de 20 nouveautés !" la déclaration est rassurante mais si la deuxième partie de la phrase est "Nous en ferons une petite série de 5 par modèles", alors c'est inquiétant.
Une marge nette qui augmente après avoir licencié 100 personnes, est-ce un pas en avant ou en arrière ? Une maison qui fait une conférence de presse devant 20 journalistes muets pour annoncer un nouveau slogan sans rien derrière, le rideau peut-il suffire à assoir son avenir ?
On l'a compris, cette guerre des chiffres c'est l'arbre qui cache la forêt, on devrait dire la jungle, une jungle qui nous fait prendre l'Helvétie pour une lanterne.
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Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).