Actu: Derrière la controverse de la Nano

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Derrière la controverse de la Nano


Jean-Claude Péclet
Lundi 14 janvier 2008


Un lecteur est «sidéré» par le commentaire du Temps considérant que la petite voiture à 2500 dollars du constructeur indien Tata représente un progrès technologique et peut-être même un exemple pour l'Occident. De son côté, Nicolas Hayek déclare au Matin de samedi que «La Tata Nano (ndlr: nom du nouveau modèle) ne contient aucune des nouvelles technologies nécessaires pour le futur».

On peut comprendre ces critiques jusqu'à un certain point. Une voiture dotée d'un moteur à explosion de 623 cm3 qui consomme entre 4 et 5 litres d'essence aux 100 km n'est pas un modèle d'efficacité énergétique. Sur ce plan, l'engin se rapprocherait plutôt des deux-roues dont il s'inspire, et dont le rendement est mauvais. Côté écologie, la Nano respecte les normes européennes, ni plus ni moins, et on peut imaginer que son prix attractif fera que des centaines de milliers d'exemplaires circuleront bientôt sur les routes indiennes, ce qui augmentera la pollution et un trafic déjà très congestionné.

Mais c'est ici que l'argumentation écologiste montre ses limites. La plupart des Indiens qui peuvent s'offrir la Nano possèdent déjà un véhicule, généralement une moto ou un trois-roues plus bruyant, polluant et dangereux. Veut-on leur interdire d'en changer? Au nom de quelle morale à deux vitesses? Bien sûr que tout irait mieux dans le meilleur des mondes si les pays émergents faisaient d'emblée tout juste ce que nous avons fait tout faux et consacraient l'ensemble de leurs moyens aux transports collectifs. Il se trouve que l'Inde fait de gros efforts dans ce domaine, comme Le Temps en a rendu compte récemment (8.12.07), mais l'amélioration de la mobilité individuelle y est aussi nécessaire. Le fait que plusieurs constructeurs européens emboîtent le pas à Tata montre qu'ils ont flairé non seulement un marché dans ce pays, mais un potentiel pour innover ailleurs.

Quant aux critiques de Nicolas Hayek, ce sont celles d'un homme qui connaît mieux le marketing horloger que l'industrie automobile. «Henry Ford avait déjà fait ce que propose Tata», affirme le fondateur de Swatch (UHR.VX) Group. Faux. Il n'y a rien de commun entre les chaînes de montage dont sortira la Nano et celles d'il y a seulement 30 ans. «La main-d'œuvre bon marché» ou «l'absence de certains éléments garantissant la sécurité» n'expliquent pas, de loin, que la Tata Nano soit vendue 2500 dollars. La raison majeure tient à la conception même du véhicule, à cette chasse au moindre gramme et au moindre centime qui est aujourd'hui au centre de l'innovation automobile. C'est aussi un enjeu écologique, car «l'empreinte» d'une voiture, pour user d'un mot à la mode, ne se mesure pas qu'à sa consommation, mais aussi à la matière et à l'énergie utilisées pour la produire. A cette aune, l'«écologique» Prius de Toyota est loin de convaincre, tandis que la Nano intéresse.

Il est piquant qu'en faisant la leçon à Tata, Nicolas Hayek ne s'interroge pas une seconde sur l'échec de la Swatchmobile qui devait, il y a quinze ans, offrir toutes les nouveautés technologiques dont il nous parle aujourd'hui (énergie électrique, mini-moteurs dans les roues, etc.). Si cet ambitieux projet a finalement donné la Smart, voiture biplace dont les premiers prototypes avaient tendance à se retourner sur le toit lors du test dit «de l'élan», c'est justement qu'on ne s'improvise pas constructeur automobile et que dans cette industrie, contrairement à l'horlogerie, le coût de production de masse est au cœur de tout.

Aujourd'hui, Nicolas Hayek revient à la charge avec un projet baptisé «Clean Power». Celui-ci reprend pour l'essentiel les développements et réflexions menés par le Centre de recherches Michelin (ML.PA) à Givisiez et l'Institut Paul Scherrer (voir notre supplément «L'année de l'Entreprise» 2006). Les enjeux sont multiples: produire l'énergie électrique du véhicule à bas prix, de façon décentralisée et renouvelable. Cela revient à bousculer des intérêts considérables. Peut-être des sociétés électriques stimulées par la libéralisation s'y essaieront-elles sérieusement. La tâche est énorme, mais pas impossible.

L'autre révolution automobile, la principale peut-être, concerne la gestion même du trafic. Que ce soit en Inde ou sur l'A1 entre Lausanne et Genève, la conduite individuelle a atteint ses limites. Ce n'est pas en ajoutant des pistes qu'on résoudra le problème. Seul un pilotage automatique sur les grands axes, basé sur les technologies GPS et de détection d'obstacles, en plein essor, pourra optimiser les flux et ainsi réduire la pollution.

L'avenir appartient à une combinaison inédite de transport collectif et individuel. Pour qu'il se réalise, un partenariat public-privé d'une ampleur inédite à ce jour devra se mettre en place. Voilà où est l'enjeu. Il ne se situe ni dans l'ego de Ratan Tata ni dans celui de Nicolas Hayek.

http://www.letemps.ch/template/transmettre.asp?page=23&contenuPage=&article=223241&quickbar=

Vraiment intéressant, merci Zen (et bonjour) .

(septique )...Jour' tout le monde...

Le serpent de mer de Hayek: ambitieux, voyons la suite....

Un trafic plus fluide, oui mais si il y autant de voiture la pollution sera la même, ou alors les voitures a 50km/h sur autoroute.
Connerie, c'est pas gagné...