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Sujet: Actu: Jusqu'où ira Bernard Arnault 21/3/2008, 08:01
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Jusqu'où ira Bernard Arnault Magazine Challenges | 20.03.2008 |
Carrefour, Les Echos... L'homme le plus riche de France ne sera-t-il donc jamais rassasié ? Probablement pas, car ce qu'il veut, c'est «continuer à accroître [son] avance sur les autres».
Il pourrait s'arrêter, souffler un moment, et, du haut de la pyramide des milliards accumulés en trois décennies à peine, contempler son empire dont les oriflammes sont griffées Dior, Vuitton, Fendi, Kenzo, Berluti, Guerlain, Hennessy, Yquem, Cheval Blanc... Mais, au faîte de sa puissance, Bernard Arnault, treizième fortune du monde - plus de 23 milliards de dollars - selon Forbes, n'a pas la moindre intention de ralentir le rythme. «Je m'amuse», confie-t-il à Challenges au cours d'un long entretien, accordé devant un Picasso. Détendu, souriant, il répond à toutes les questions, même les plus sensibles, loin de l'image du personnage froid et distant qui lui colle à la peau. «J'aime être en avant, me battre pour la compétition. Ce qui m'intéresse, c'est de continuer à accroître l'avance de LVMH sur les autres.»
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Un îlot très fréquenté Arnault peu presse de passer à la caisse Le luxe toujours, sans ostentation Toutes les Enquêtes Dans les cinq ans avenir, LVMH doit doubler ses profits. Tout en poursuivant le développement des marques stars, le groupe compte sur celles qui vont entrer dans une zone de fort potentiel - Fendi, Givenchy, Loewe... Ensuite, les pays émergents offrent un extraordinaire réservoir de clientèle, tout comme les Etats-Unis où le groupe pourrait être plus puissant. En écho, Pierre Godé, le fidèle parmi les fidèles, remarque : «La phase actuelle de développement du groupe est pour nous aussi excitante que celle de la conquête initiale. Est-ce parce que nous avons changé ? Je crois plutôt qu'on ne peut développer que ce qu'on a d'abord conquis.» Sans doute. Mais LVMH, grâce à sa force de frappe financière, n'hésitera certainement pas à miser sur la croissance externe. Même si le capital des belles griffes est, dans la plupart des cas, verrouillé et si le prix à payer est élevé, certaines situations pourraient se débloquer à l'avenir : Armani, Bulgari, Hermès... «Il sait exactement ce qu'il veut, note un observateur. Et il est en situation de force : il a pour lui le temps et l'argent.»
Investir tous azimuts La croissance spectaculaire de LVMH ne suffit pas à étancher la soif de nouvelles affaires de Bernard Arnault. Au sein de Groupe Arnault, son holding personnel, il fait feu de tout bois. Il investit dans le private equity en compagnie de fonds comme Carlyle ou Colony, avec lequel il a pris pied dans Carrefour (lire page 74); dans la pierre, avec Immobilière George V; en compagnie de LVMH, dans L Capital, qui intervient aux frontières du luxe pour acquérir des «marques aspirationnelles» qui ne sont pas directement concurrentes de LVMH et ne trouveraient pas leur place dans le giron du groupe; avec Albert Frère, son modèle et son partenaire le plus sûr; avec Financière Agache Investissement, piloté par l'ancien patron d'Accor Jean-Marc Espalioux (lire page 81)... Arnault n'a pas davantage renoncé au stock picking, qui consiste à chercher la plus-value sur des valeurs prometteuses, une activité qui a dégagé 20% de rentabilité en 2007. «Ca l'amuse, note un banquier. Il a un sens inné du deal et raisonne différemment de la masse. Il a réalisé des gains importants sur des investissements dont vous n'entendrez jamais parler. Bien sûr, il y a parfois des steaks qui sont sortis brûlés. Il est capable d'en rigoler, mais il ne remettra pas les doigts dans la porte. Il est joueur, mais avec un risque limité. Il ne fera jamais banco.» Ce que Jean Peyrelevade, qui a financé nombre de ses activités quand il était patron du Lyonnais, illustrait alors par ce commentaire : «Il mène ses affaires comme il skie : sans jamais tomber.» Pourtant, l'été dernier, il a donné le sentiment de trébucher. Après avoir englouti près de 150 millions d'euros pour redresser, sans succès, La Tribune, il s'en est délesté pour racheter Les Echos au prix fort. Ce qui, à ses yeux, devait être une promenade de santé s'est transformé en un éprouvant parcours du combattant. Les journalistes se sont mobilisés pour lui barrer la route, des centaines de responsables économiques et politiques ont signé une pétition appelant à l'indépendance de la presse, occupant des pages et brouillant son image. Quelle mouche avait bien pu le piquer, sinon celle qui taquine bien des tycoons, avides de posséder un empire de presse, signe ultime de leur puissance ? Philippe Labarde, directeur de la rédaction de La Tribune à l'arrivée d'Arnault en 1993, l'avait pourtant mis en garde : «Il m'avait alors demandé à quelle heure de la nuit il pourrait voir la une. Je lui ai répondu : «Le matin, comme les lecteurs, ça vous permettra de bien dormir». Après, il m'a fichu une paix royale. J'étais serein : j'avais décidé de partir.» Cette première rebuffade à une question qui révélait plus une méconnaissance de la presse qu'une volonté d'intervenir ne l'a pas dissuadé, quinze ans plus tard, de replonger. Décodage d'un expert du dossier : «L'achat des Echos lui permet d'échanger un journal qui perd de l'argent contre un qui en gagne. Aujourd'hui, il est prêt à prendre son temps, soit pour sortir par le haut de son aventure dans la presse, soit pour construire un groupe puissant.» La prochaine cible serait-elle le Financial Times, au prétexte que le quotidien saumon est la marque mondiale des médias, comme Vuitton est la référence du luxe ? «Le rêve a ses limites», commente sobrement Bernard Arnault. Mais en aucun cas il ne déclare l'opération impossible. Car la première fortune française ne voit plus depuis longtemps ses ambitions confinées aux frontières de l'Hexagone. A preuve, cet échange avec une figure du monde parisien des affaires qui, des années après, en reste coi. Ayant demandé à Arnault quel effet cela faisait d'être aussi riche et de voir son patrimoine monter ou baisser de centaines de millions au gré des fluctuations de la Bourse, il s'entendit répondre : «Oui, mais il y a Bill Gates.» Son interlocuteur lui faisant remarquer que le statut du patron de Microsoft, alors première fortune du monde, n'était plus un objectif puisqu'il en donnait 90% à des oeuvres caritatives, Arnault balaya la réflexion d'un geste de la main : «C'est son problème.» Une réflexion qui n'empêche pas Bernard Arnault d'intervenir, à titre personnel, dans le mécénat médical. Mais il répugne à le faire savoir. «Je ne crois pas que ce soit bien d'en parler. Et puis, il se trouvera toujours quelqu'un pour prétendre que je me fais de la pub avec le malheur des autres.»
Consolider l'empire Certains s'étonnent toujours en effet de son âpreté au gain. «Il est respecté et admiré, s'il était plus généreux, il serait adulé», juge un chef d'entreprise qui déplore qu'il s'octroie un quart des stock-options de LVMH. A cela Bernard Arnault répond que ces options ne coûtent rien à l'entreprise. «C'est la preuve que je crois au développement du groupe. Ce qui m'énerve dans ces classements sur les fortunes, c'est d'apparaître aux côtés de gens qui ont hérité ou spéculé. D'être présenté comme l'homme le plus riche de France et non comme celui qui a créé le numéro un mondial du luxe, créé des emplois, participé au rayonnement international de notre pays. Ce n'est pas de l'argent gagné en dormant. En outre, je ne peux pas en disposer comme je veux. Il est investi dans LVMH.» Ses milliards, Bernard Arnault en jouit, certes, mais ils lui servent surtout à consolider son empire et à le développer. Comme tous les grands prédateurs, il a longtemps vécu dans la hantise qu'on lui fasse ce qu'il a fait aux autres : se retrouver sous la menace d'une attaque en règle. «Arnault a besoin de cet argent, justifie un proche. Dans sa conquête de LVMH, il a mis en place toute une ingénierie financière très sophistiquée, et il a longtemps été endetté.» Situation que Pierre Godé commente en ces termes : «Bernard Arnault crée du cash dans le haut du groupe pour financer les activités industrielles du bas.» Albert Frère, qui s'y connaît en milliards, comprend l'insatiable appétit de celui qui est devenu mieux que son complice, son ami : «Bernard est dur en affaires, ce qui lui permet de se faire respecter. C'est un professionnel dans toute l'acception du terme. Il est également très exigeant et aime «challenger» ses équipes.» Michael Burke, le patron de Fendi, qui le connaît depuis les années 1980, quand l'affaire d'immobilier de Bernard Arnault ne comptait que 125 salariés, en donne un éclairage inattendu : «Il bouillonne de l'intérieur. Pour moi, ce n'est pas un homme du Nord, c'est un Latin. Perfectionniste, il est à la recherche de la beauté, pas seulement de l'argent. Sinon, il n'aurait pas été aussi patient avec Dior et Fendi. Mais c'est vrai qu'il ne connaît pas la peur. Il est sûr de lui.» Bernard Arnault n'est pas quelqu'un qui s'autoanalyse en permanence. Ses actes parlent pour lui, il ne ressent pas le besoin de les commenter. Avec lui, il n'y a pas de temps mort. Il est toujours dans l'étape d'après, impatient que le projet en cours ne soit pas encore réalisé. «Il a une vision très précise de ce qu'il doit faire pour gagner encore plus d'argent avec le talent des créateurs qu'il emploie, commente l'un de ses conseillers, Jean Jacques Picart. Plusieurs fois, j'ai vu passer sur son visage comme un flash Par exemple, le jour où je lui ai présenté Hedi Slimane. Je suis sûr qu'il s'est dit : «Voilà de quoi constituer un booster de plus pour que Dior ait encore plus de succès.» Ce qui le motive, c'est d'être le premier, comme tout grand créateur.» Le patron de LVMH lui-même reconnaît : «Etre insatisfait est une des conditions pour se remettre en question sur tout et tout le temps. Sinon, on s'endort.»
Etre attentif à tout Si le diable s'habille en Prada, il se niche aussi dans les détails. «Il a un regard d'aigle, voit de haut et fond sur les détails», analyse Philippe Pascal, président de la branche montres et joaillerie de LVMH. Ce que Marc-Antoine Jamet, secrétaire général du groupe, confirme : «C'est le Yann Arthus-Bertrand des affaires : il a une vision aérienne et planétaire de sa stratégie. Puis, lorsqu'il tient un projet, il mobilise ses forces et le mène jusqu'au bout.» Nicolas Bazire, chargé du développement et des acquisitions, le trouve «incroyable aux manettes. Il est au courant de tout. Il est très accessible, car il s'occupe tout le temps de ses affaires. Il a une capacité exceptionnelle à passer d'un dossier à l'autre en quelques minutes». Personne ne connaît mieux que Bernard Arnault les centaines de produits proposés par la cinquantaine de marques de LVMH. Le samedi, le boss va lui-même visiter ses boutiques - Dior, Vuitton, Le Bon Marché... -, attentif à l'agencement des rayons, aux réactions des clientes, n'hésitant pas à donner un coup de main. A décerner bons et mauvais points, aussi. «R m'est arrivé de vendre moi-même des sacs chez Dior, confirme Bernard Arnault. Le contact direct est essentiel. Par exemple, en discutant avec nos vendeuses Dior au Bon Marché, j'ai appris que le premier réflexe de certaines clientes était de s'asperger avec la crème Or de Vie de Dior : elles croyaient, au vu de la photo de publicité, que c'était un parfum. On a en conséquence revu la communication immédiatement. Mais si je fais cela, c'est aussi, et surtout, parce que ça m'amuse.» Peu expansif en public, Bernard Arnault peut vous glacer le sang lorsque son oeil bleu métallique se charge de nuages. Il peut se montrer ulcéré, irrité. Mais ne se met jamais en colère. «Il ne cache pas ses sentiments, c'est vrai, reconnaît un proche. Mais il ne s'en prend pas aux gens. D'ailleurs, il leur donne souvent une chance de se rattraper. S'ils ne font pas l'affaire, il les envoie ailleurs dans le groupe. Il est paradoxalement d'une grande tolérance avec ceux qui se trompent. Il admet un échec mais pas plusieurs.» De fait, les principaux barons du groupe sont là depuis dix, vingt, voire trente ans. Procédurier, bardé des meilleurs avocats, disposant d'un réseau puissant, Arnault est craint. Jean-Paul Claverie, ancien du ministère de la Culture, aujourd'hui responsable du mécénat culturel de LVMH, se souvient de la réflexion inquiète de Jack Lang qu'il prévenait de sa première entrevue avec un Bernard Arnault dont la réputation était alors «épouvantable» : «Vous n'y allez pas tout seul, j'espère ?» Le patron de LVMH s'agace de cette image qui lui colle à la peau : «Je dis les choses brutalement mais en face. Dire la réalité, ce n'est pas bien vu, ni médiatiquement payant, mais c'est ainsi. Je ne mens jamais. Dans les affaires, on peut bluffer, pas mentir.» Vraiment ? «Sauf par omission», corrige-t-il. Bernard Arnault possède également l'art consommé de masquer ses sentiments. «Quand on lui présente une campagne de pub, note un responsable d'agence, il ne dit jamais rien. Juste : «Très intéressant. Merci.» Avec lui, toutes les options restent ouvertes jusqu'à la fin. C'est une force extraordinaire.» A quoi un collaborateur ajoute : «Quand il ne veut pas comprendre, il fait semblant de ne pas comprendre.» Et un autre de préciser : «Quand il ne répondpas, c'est qu'il ne veut pas répondre. Il est très mitterrandien à cet égard.»
Ne rien laisser paraître Cette froideur apparente repose sur le fait qu'il ne mélange jamais l'affectif et les affaires, l'intime et le public. «Ce sont deux registres différents, souligne-t-il, ajoutant qu'il n'a pas «une propension excessive» à la communication. «A cet égard, c'est l'anti-Pierre Berge ou l'anti-Sarkozy, commente Christophe Girard, adjoint au maire de Paris chargé de la culture et directeur de la stratégie de la division mode de LVMH. Lors du décès de sa soeur, il n'a pas souhaité de manifestation d'émotion. Il voulait faire son deuil de son côté.» Jusqu'à présenter les résultats annuels du groupe, le lendemain, sans rien laisser paraître de sa douleur. A l'approche de la soixantaine, pourtant, l'homme paraît plus ouvert. «Depuis trois ou quatre ans, il s'est beaucoup détendu», note un proche, qui ajoute : «Et si vous le voyiez dans l'intimité, il n'est pas seulement drôle, il est charismatique.» Bon père, Bernard Arnault rentre fréquemment déjeuner chez lui pour profiter de sa famille, et il suit pas à pas la scolarité de ses enfants. Récemment, le jeune Alexandre, 15 ans, n'a été autorisé à exercer ses talents de DJ au cours de la fête donnée à l'occasion de l'ouverture du nouveau magasin Fendi, à Paris, qu'à la condition expresse d'avoir terminé ses devoirs de physique. Mais la grande passion d'Arnault reste la création, quitte à décevoir parfois les opérationnels. «Il ne nous considère pas assez, car il pense qu'en matière de gestion il est infiniment meilleur que nous, regrette un ancien dirigeant. En revanche, les créateurs le fascinent, car ils ont une part de génie qui lui échappe et qu'il envie.» Jamais Bernard Arnault n'est aussi heureux qu'avec des artistes, surtout lorsqu'il réussit à mettre le bon créateur au bon endroit. Même si la prise de risque est maximale, comme ce fut le cas voici dix ans avec John Galliano chez Dior. Beaucoup ont pensé que c'était une folie. Or c'était un coup de génie. «J'admirais son talent créatif, se souvient Bernard Arnault. Et je voyais bien que son travail s'inscrivait dans l'esprit de Dior. Les clientes s'en sont vite rendu compte et la greffe a pris. Il existait une légitimité partagée entre le créateur et la marque.»
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ZEN Rang: Administrateur
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Sujet: Re: Actu: Jusqu'où ira Bernard Arnault 21/3/2008, 08:01
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Pour autant, la réussite, artistique ou financière, tarde parfois à se concrétiser, comme dans le cas de Céline, Kenzo, Donna Karan ou Givenchy. «C'est simple, explique Bernard Arnault. Avant d'appuyer sur l'accélérateur d'une maison, il faut installer la combinaison créateur-manager inspirée par la marque et motivée par son développement. Sinon, passer la vitesse supérieure ne sert à rien. Prenez Christian Lacroix, il était très doué mais il ne s'intéressait pas aux ventes, ce qui décourageait les managers.» Aujourd'hui, Lacroix a été cédé, mais Givenchy, où le travail de Riccardo Tisci n'avait guère convaincu le patron jusqu'à récemment, a fini par trouver grâce à ses yeux.
Tirer les leçons des échecs Le succès du PDG de LVMH est si impressionnant qu'il masque parfois ses revers : sur Gucci, qui lui a été soufflé par François Pinault; dans le commerce de l'art avec la maison d'enchères Phillips; et sur la Toile. Bernard Arnault caressait de grandes ambitions avec Internet, mais il a été contraint de faire marche arrière, cueilli à froid par l'éclatement de la bulle. Il ne sera jamais le grand intervenant mondial qu'il rêvait d'être. Même s'il a conservé de jolies pépites, comme Seloger.com ou le site de paris Betfare. J'ai «switché» vers des investissements plus traditionnels. J'essaie d'investir dorénavant dans un stade ultérieur de développement des sociétés. Mais il y a eu de bonnes surprises. J'étais entré dans le fonds Eleinert Perkins et j'avais cru tout perdre. Un jour, je suis informé que, parmi les sociétés dans lesquelles le fonds avait mis de l'argent, il y en avait une qui s'appelait... Google. Mon seul regret est d'avoir refusé d'investir dans Microsoft quand on me l'a proposé.» La figure de Bill Gates, encore... Mais à l'inverse du patron de Microsoft qui va tirer sa révérence en juin, à l'âge de 52 ans, Bernard Arnault, sept ans de plus, n'est pas près de dételer. Son modèle ? Albert Frère, 82 ans, son partenaire le plus fidèle : «Il continue à faire des affaires comme jamais, montre une exceptionnelle acuité intellectuelle, et continue à pratiquer le sport quotidiennement. En outre, nous rions beaucoup ensemble.» Bernard Arnault aura 82 ans en 2031. Peut-être, à cette date, sera-t-il l'homme le plus riche du monde.
Une démarche de pionnier dans la conquête internationale Pékin, 1992. Rares sont les voitures à se frayer un chemin parmi les milliers de vélos. Le costume Mao règne encore en maître. Les habitants sont loin de succomber aux plaisirs d'une consommation effrénée. C'est pourtant là, au sous-sol de l'hôtel Palace, que s'ouvre le premier magasin Louis Vuitton de Chine. Le succès est tel qu'on en compte 19 aujourd'hui. Et ils seront 25 à la fin de l'année, 35 en 2009. «Les maires de plusieurs grandes villes nous demandent de venir chez eux», se réjouit Yves Carcelle, le président de Vuitton, qui investit 200 millions d'euros par an pour implanter ses ambassades. A son arrivée dans le groupe, voilà dix-huit ans, la marque ne comptait que 125 magasins. Elle en sera à 400 d'ici quelques semaines. Et la gigantesque vague qui dépose ses sacs en toile monogrammée partout sur la planète n'est pas près de refluer. Même les lieux qui paraissaient les plus improbables sont atteints. Qui aurait parié sur un succès à Istanbul, à Odessa ou à Panama ? Bientôt, les magasins de Bucarest et de Helsinki ouvriront leurs portes. «Quand on réussit à Kiev ou à Hanoi, on peut aller partout, sourit Yves Carcelle. L'important est de prendre place en premier. En Chine, nous avons tout de suite été rentables et cela continue, ce qui n'est pas le cas de la plupart des concurrents qui nous ont suivis.» Jouer les pionniers permet aussi d'avoir le choix de l'emplacement, une exigence pour Vuitton. Pas question à Budapest, par exemple, d'aller ailleurs que sur l'avenue Andrassy. Si, jusqu'à présent, la seule localisation possible en Inde était dans des palaces, désormais le choix s'élargit : en mai, le magasin de Bangalore sera inauguré au sein d'une galerie commerciale. Où, peut-être, plus tard viendront d'autres marques de la galaxie LVMH. Car c'est aussi le rôle de Louis Vuitton : être l'arme de négociation avec les promoteurs de centres commerciaux du monde entier pour Fendi, Kenzo ou Givenchy. Dans les meilleures conditions.
Un pôle vins et spiritueux fructueux LVMH, ce n'est pas que le prêt-à-porter et la maroquinerie des initiales LV. Cela se déguste aussi avec MH. Avec une vingtaine de marques, Moët Hennessy, qui représente 20% du chiffre d'affaires total, mais près d'un tiers du résultat opérationnel courant, renferme quelques valeurs sûres. Et fort rentables, comme Dom Pérignon, qui affiche la plus belle marge du groupe (près de 50%). D'autres marques, Veuve Clicquot ou Ruinait pour les champagnes, le cognac Hennessy, des vins, de Cheval Blanc à Yquem, font partie du groupe. «Chez LVMH, nous partageons tous les mêmes valeurs : esprit d'entreprise, qualité, souci permanent du client, distribution contrôlée», souligne Christophe Navarre, président de LVMH Vins et spiritueux. De quoi justifier son appartenance à un ensemble que nombre d'analystes financiers sépareraient volontiers. Ici coexistent les marques déjà stars et celles qui sont appelées à le devenir. «Notre stratégie est claire, assure Christophe Navarre. Que du haut de gamme et un fort potentiel de développement !» Même le prestigieux Yquem a subi une cure de rajeunissement. «Tout le monde admirait ce sauternes, mais bien peu en buvaient, lance Pierre Lurton, qui dirige le château depuis 2004. Nous l'avons fait descendre de son piédestal.» Le vendre en primeur ou dans des Leclerc a permis de le démythifier. Et de séduire d'autres consommateurs. Si le Champagne Moët est connu de tous, Ruinait est plus discret. Pas de publicité, une distribution dans huit pays seulement, chez les meilleurs cavistes et restaurants, mais pas dans les hypermarchés. Pourtant, sa croissance atteint 20% par an, car la marque joue de sa différence. «Nos clients sont des amateurs éclairés, remarque Stéphane Baschiera, le PDG. Ils apprécient un style de vie élégant.» Quitte à dépenser environ 50 euros pour une bouteille. «Plus que le chiffre d'affaires, notre objectif est de faire croître la marge», souligne Christophe Navarre. Exactement comme chez Louis Vuitton.