ZEN Rang: Administrateur
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| Sujet: Actu: 2008, le temps des amours horlogères Mer 2 Avr 2008 - 7:40 | |
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- 2008, le temps des amours horlogères
Les alliances stratégiques entre les marques portent leurs fruits: on assiste à la naissance de modèles riches d'un double héritage, et dotés des qualités de leurs deux géniteurs.
Isabelle Cerboneschi Mercredi 2 avril 2008
Nicolas Hayek a fait beaucoup de bien à l'horlogerie suisse lorsqu'il a annoncé son intention de réduire les livraisons de mouvements et de composants aux marques hors Swatch Group dès l'année 2009. Depuis quelques années, on assiste àdes rachats intempestifs de fournisseurs de cadrans, de boîtes ou de mouvements. On voit fleurir des mouvements manufacture, ce qui n'est pas pour déplaire à une clientèle devenue exigeante. On assiste à des rapprochements entre gens du même monde. Des mariages de raison qu'il aurait été impensable de rendre publics il y a à peine dix ans.
L'an passé, pour ne citer que quelques-unes de ces unions, on a vu se rapprocher le joaillier Boucheron et la manufacture Girard-Perregaux. Audemars Piguet est entré dans le capital de Richard Mille, Hermès a racheté 25% du capital de la manufacture Vaucher (Parmigiani). Quant à la maison Montblanc, elle s'est vu octroyer un cadeau royal: la manufacture Minerva.
Un an plus tard? Voici venu le temps de la récolte.
Hermès et Vaucher ont la joie d'annoncer la naissance d'un mouvement dont la gestation fut longue: la manufacture y travaille depuis 2003. «Il équipera de nouveaux modèles et des modèles existants», explique Emmanuel Raffner, directeur général de La Montre Hermès SA. Pour l'instant, ce mouvement automatique anime la montre Clipper H1 (p. 26). L'intention de ce rapprochement? «Nous voulions doter nos collections d'un mouvement mécanique, classique, traditionnel. Les complications, petites ou grandes, se feront par étapes.» L'alliance avec des horlogers n'est pas nouvelle: depuis 1928, date de la première montre Hermès, la maison parisienne a su s'entourer des plus grands et l'on retrouve des mouvements signés Vacheron Constantin, Audemars Piguet ou bien Jaeger-LeCoultre dans ses garde-temps. «Nous voulions mettre notre regard créatif au service de la montre et pas seulement de l'habillage», d'où une réflexion sur l'introduction de nouvelles complications, typiquement Hermès, en automne.
Le mariage de Boucheron avec Girard-Perregaux l'an passé a donné lui aussi naissance à de nouvelles créations, dont un modèle Reflet XL en acier (p. 26) doté d'un mouvement automatique GP 4000. «Une très belle collaboration, pour laquelle nous avons des projets sur trois ans», confie Jean-Christophe Bédos, président de Boucheron. Une alliance sage, qui donnera lieu à une progéniture très bien élevée, sans esbroufe et pas compliquée: «Nous ne voulions pas céder à la tentation et demander à Luigi Macaluso de nous vendre quelques tourbillons sous trois ponts d'or. Ça aurait été un simple coup de communication. Ce que nous voulons, c'est construire une gamme. Peu à peu, nous introduirons de petites complications dès 2009. Les grandes complications sont un très beau marché, mais Boucheron est un joaillier habilleur et n'a pas à y entrer», confie le président. Mais parce qu'on ne fête pas cent cinquante ans d'existence sans coup d'éclat, le joaillier de la place Vendôme s'est laissé aller à des amours illégitimes avec Richard Mille. Un coup de foudre dont le fruit possède la beauté paradoxale des actes poétiques. Baptisée «Hommage à Boucheron», il s'agit de «la première montre de joaillier où l'on a fait entrer des pierres précieuses à l'intérieur du mouvement», note Jean-Christophe Bédos. «Richard Mille a eu l'idée géniale de remplacer les rouages par des pierres.» Chaque roue est composée d'une fine plaque de pierre de 3 ou 4 dixièmes de millimètre d'épaisseur, enserrée dans un cercle de métal denté. Un véritable casse-tête pour les lapidaires. Pour parvenir à un résultat esthétique, «il a fallu oublier l'usage de pierres précieuses: à ce degré de finesse, elles perdent leur pigment et deviennent trop fragiles. Il fallait trouver des pierres dures, opaques», explique Jean-Christophe Bédos. La recherche a pris un peu plus d'un an. Le vrai challenge ne consistait pas dans la conception du mouvement tourbillon, dont la montre est dotée, mais bien dans le choix des pierres. Le premier prototype sera présenté en avril, avec des rouages en œil-de-tigre. Les ponts étant taillés dans un saphir synthétique, on a le sentiment que les roues tournent dans le vide. Un acte de liberté assez fou, où les règles de l'horlogerie semblent avoir été bousculées avec un bonheur jouissif.
Plus sage, le sobre et beau mariage de Chanel et d'Audemars Piguet. «Après avoir lancé la J12 Tourbillon à Bâle en 2005, qui fut un succès, nous avons continué à explorer les voies de la haute horlogerie. En 2006, nous avons cherché à aller à l'autre bout du spectre horloger: penser un calibre de très haute facture horlogère, mais qui soit un mouvement simple, avec trois aiguilles et date. Et pour ce projet-là, nous avons pris contact avec Audemars Piguet», explique Nicolas Beau, directeur international de l'horlogerie chez Chanel. Ainsi est née la J12 Calibre 3125. Le mouvement s'appelle Chanel AP 3125, sur la base du calibre 3120 de la manufacture qui a subi quelques modifications esthétiques, dont une masse oscillante en céramique ajourée et des ponts de balancier redessinés. «Ce projet est une première étape. En associant les ressources créatives de Chanel et l'expertise technique d'Audemars Piguet, on peut faire des choses assez étonnantes», confie-t-il. «On voit de plus en plus de produits sur le marché où manifestement les designers et les ingénieurs ont travaillé ensemble. C'est une tendance irréversible», souligne Georges-Henri Meylan, directeur général et administrateur délégué d'Audemars Piguet. Pour la manufacture, ce rapprochement est aussi bénéfique: «Nous ne sommes pas très forts dans les modèles féminins. Or ce projet est assez audacieux, et j'espère qu'il nous donnera une visibilité plus grande dans un milieu féminin qui a tendance à en venir à des produits mécaniques plus sophistiqués. Nous sommes dans le luxe horloger, Chanel dans le luxe global. Nous allons essayer d'explorer un certain nombre de domaines ensemble», ajoute Georges-Henri Meylan. «On a commencé par la J12, mais rien n'est fermé», renchérit Nicolas Beau. Les deux maisons ont quelques projets d'avance. Comme inventer des complications qui n'existent pas? «Laissez-nous vous surprendre!» http://www.letemps.ch/template/supplement.asp?page=19&article=228516 _________________ Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).
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