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| Sujet: Actu: Maîtriser la trotteuse pour empoigner son destin Sam 30 Aoû 2008 - 21:31 | |
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- Maîtriser la trotteuse pour empoigner son destin
ARC JURASSIEN. Un projet pilote permet à des élèves en difficulté scolaire d'obtenir en deux ans un diplôme d'opérateur horloger. Pensé pour répondre aux besoins de l'industrie, le concept rallie tous les suffrages. Reportage à l'Ecole technique du Locle.
Pierre-Emmanuel Buss Vendredi 29 août 2008
Ils sont sept, attentifs, assis en rang d'oignons face à leur professeur, Eric Luthy. Ce mercredi matin, pour la deuxième fois depuis le début de l'année scolaire, Mégane, Mélanie, Régis et leurs camarades ont pris la direction de l'Ecole technique du Locle pour suivre des cours théoriques d'horlogerie. La journée marque une coupure avec leur quotidien. «Le reste du temps, on fait de la pratique, raconte Mégane, 16 ans, domicilié au Mont-Crosin (BE). Moi, je suis employée par ETA à Saint-Imier. Les autres travaillent dans différentes entreprises de la région.»
Formation duale
Les sept jeunes gens participent à un projet pilote lancé par la Convention patronale de l'industrie horlogère suisse (CPIH). Au terme d'une formation duale de deux ans, ils recevront une attestation fédérale d'opérateur en horlogerie. Moins exigeant que le CFC d'horloger-praticien (quatre ans de formation), ce profil est très demandé par une industrie horlogère en plein boom. «Cela permet de combler un trou, considère Florian Serex, directeur général de Vaucher Manufacture Fleurier. Trop qualifié, un horloger rhabilleur ne se satisfait pas de travailler à un poste d'assemblage. Et on ne peut pas demander à Monsieur ou Madame Tout-le-monde d'assembler un mouvement mécanique. Ce sont des pièces de luxe. Elles demandent une attention et un soin tout particulier.»
Ce nouveau cursus, déjà dispensé dans des modules pour adultes depuis 1994, permet d'élargir le bassin de recrutement pour des grandes marques qui peinent à honorer leurs carnets de commandes. Cela ouvre de nouvelles perspectives pour des jeunes «un peu juste» pour le CFC. Mégane, par exemple, n'a pas obtenu le poste d'apprentie qu'elle souhaitait en raison de ses lacunes en maths. «C'est un regret», reconnaît-elle.
Agé de 34 ans, marié et père de deux enfants, Régis présente un profil différent. «Après dix-huit ans à travailler comme facteur, j'ai été opéré des genoux. Comme je ne pouvais plus faire mes tournées, je me suis renseigné pour changer de métier. C'était une période difficile. Sans formation, c'est très compliqué de trouver du travail. Un de mes supérieurs de l'époque m'a alors suggéré d'essayer l'horlogerie. Mais comme je ne suis pas très adroit ni très bricoleur, je n'y croyais pas trop. J'ai fait trois stages en entreprise. Et ça a été une révélation. Suite à cela, j'ai envoyé plusieurs postulations. Cartier m'a répondu le lendemain, me demandant de venir passer des tests. Je n'en revenais pas.»
«C'est le bonheur»
Régis a manqué de peu une place d'apprenti. Il s'est consolé en rejoignant la filière menant à l'attestation d'opérateur horloger. Avec un salaire brut de 3650 francs et le soutien de l'AI, le citoyen de Tramelan, dans le Jura bernois, parvient à faire vivre sa famille. Il a aussi retrouvé le goût de la vie. «Par rapport à mon activité à La Poste, tout a changé. Dans l'entreprise, les gens s'intéressent à moi. Je sens le soutien de mes chefs. C'est le bonheur.» Si tout se passe bien, Régis envisage de suivre des cours du soir pour décrocher le CFC d'horloger.
Dans la petite classe d'Eric Luthy, Régis n'est pas le seul à avoir trouvé sa voie sur le tard. Mélanie, 26 ans, a multiplié les expériences scolaires et professionnelles avant de tomber amoureuse de l'horlogerie. «Après des études au gymnase de La Chaux-de-Fonds, j'ai fait l'Ecole de droguerie sans savoir vraiment pourquoi. J'ai abandonné en cours de route. Je me suis beaucoup cherchée: j'ai fait plusieurs stages, dont un de garde-frontière. Rien ne m'a plus jusqu'à ce que je découvre le sertissage chez ETA à Villeret. Je voulais faire le CFC, mais on m'a dit que j'étais trop vieille.»
Mélanie a finalement déniché une place d'opératrice chez Cartier. «Ce n'est pas le CFC, bien sûr, mais ça peut y mener. Et puis on est certain d'avoir un emploi à la fin de notre formation. Ce n'est pas négligeable.» Sensible au monde du luxe, la jeune femme apprécie de participer à la création de pièces haut de gamme. «C'est très valorisant. Et puis on nous traite comme des collaborateurs, pas comme des apprentis. Il y a du respect. C'est le jour et la nuit par rapport à ce que j'ai vécu ces dernières années.»
D'autres classes à venir
Les classes offrant une attestation fédérale d'opérateur en horlogerie devraient se développer ces prochaines années. C'est en tout cas l'objectif de la CPIH. «Les retours que nous avons d'une première classe ouverte l'an dernier à la vallée de Joux sont très positifs», indique Ralph Zurcher, responsable de la formation au sein de la Convention patronale.
Passerelle pour le CFC ou formation de base axée sur la pratique, le diplôme constitue un outil supplémentaire pour des entreprises horlogères de plus en plus actives dans la détection de jeunes talents. Sur les onze sociétés formatrices que compte le canton de Neuchâtel, cinq ont fait le pas ces dernières années. D'autres devraient suivre car le besoin en personnel n'est pas seulement conjoncturel. Il est aussi structurel: la CPIH estime que 2200 postes devront être repourvus entre 2005 et 2010 rien que pour compenser les départs à la retraite http://www.letemps.ch/template/regions.asp?page=7&article=238565 _________________ Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).
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