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Docteur Hayek et Mister Swatch
OUVRAGE | Une biographie, non autorisée, paraît lundi outre-Sarine sur la vie de Nicolas Hayek. Parmi les chapitres qui fâchent, son enfance et la paternité sur la montre qui a fait renaître l’industrie horlogère de ses cendres.ÉLISABETH NICOUD | 05.09.2009 | 00:01
Ils ne sont pas nombreux, les capitaines d’industrie en Suisse qui peuvent se targuer d’être une star médiatique. Parmi ces happy few, Nicolas Hayek, 81 ans, dont le nom apparaît en moyenne deux fois par jour dans les journaux helvétiques. De quoi attiser la curiosité de Jürg Wegelin, aujourd’hui à la retraite, qui a effectué toute sa carrière en tant que journaliste en économie.
«L’homme est hors du commun, explique-t-il. C’est pourquoi je me suis intéressé plus en profondeur à sa vie et à ses parts d’ombre.» Sans le feu vert du patriarche, dont la biographie officielle avait déjà été publiée sous forme d’entretiens avec le journaliste de la Neue Zürcher Zeitung Friedmann Bartu, traduite en 2006 en français sous le titre de Au-delà de la saga Swatch: entretiens d’un authentique entrepreneur.
Nicolas Hayek n’a pas souhaité participer à la rédaction de cet ouvrage. Selon sa porte-parole Béatrice Howald, qui précise que personne au sein du groupe Swatch n’a lu ladite biographie, le roi de l’horlogerie reçoit de nombreuses demandes auxquelles il répond invariablement: «Faites-le, c’est une bonne idée. Peut-être plus tard quand j’aurai le temps, maintenant je suis encore trop jeune pour cela…»
Hayek l’investisseurPour dresser le portrait de ce bourreau du travail, levé chaque jour aux aurores, Jürg Wegelin s’est basé sur une cinquantaine de témoignages, des interviews accordées aux médias durant plusieurs décennies ainsi que sur ses nombreuses rencontres avec le futur patron de Swatch. Il le côtoiera à partir de 1975 en travaillant à la rédaction de l’ATS, puis en tant que responsable, entre autres, du supplément de l’horlogerie au HandelsZeitung et enfin chez Cash. Extrêmement bien documenté, le livre ne se veut ni partisan ni à charge.
Parmi les chapitres peu connus de la vie de Nicolas Hayek, son enfance libanaise, un pays qu’il quittera à 21 ans car sa famille désapprouve sa relation avec une jeune fille au pair suisse, Marianne, qui deviendra son épouse (le pilier de son clan). Issu d’un milieu aisé grec orthodoxe, doté d’une éducation très conservatrice, supportant mal les contraintes, le jeune Nicolas est un émotif.
«En ce sens, il est resté très libanais, ajoute Jürg Wegelin, qui s’étonne que ce self-made-man, très patriote, n’évoque jamais ses racines. Cette success story d’un immigrant débarquant sans fortune en Suisse, confronté à des débuts difficiles – où il était attaqué par l’establishment – avant de devenir multimilliardaire, est pourtant tout à son honneur.» Autre fait méconnu: l’expertise sur l’achat de 420 tanks Leopard 2 que Nicolas Hayek rédigera en 1984, mandaté par le Conseil fédéral. «Il proposera à l’armée des économies de près d’un milliard de francs, ce qui fera beaucoup de bruit et le fera connaître du public.»
Enfin, plus épineux: la paternité de la Swatch. Pour Jürg Wegelin, la montre révolutionnaire est le bébé, né en 1978, d’Ernst Thomke, alors responsable chez Ebauches SA. «Quand Nicolas Hayek est arrivé dans cette aventure, en 1985, 10 millions de Swatch avaient déjà été vendues.
C’était déjà un succès.» Qui n’aurait pas franchi la barre des 100 millions d’exemplaires, en 1992, sans le financement de Nicolas Hayek, puis des banques convaincues par l’extraordinaire instinct de cet homme de 1 mètre 65, «qui dirige une multinationale comme une PME», admet aussi le journaliste. Une coparentalité que Jürg Wegelin s’attache minutieusement à décrire dans son ouvrage qui paraîtra lundi en Suisse alémanique.
➜ «Mister Swatch: Nicolas Hayek und das Geheimnis seines Erfolges», Jürg Wegelin, Editions Nagel & Kimche.
http://www.tdg.ch/actu/economie/docteur-hayek-mister-swatch-2009-09-04