Dans la cuisine, le bruit de la pendule égraine son incessant tic tac parasité par le réfrigérateur qui peine à produire le froid qu'on attend logiquement de l'appareil.
Le thermomètre suspendu au mur à coté du calendrier des postes annonce 26 degrés. Jules est frileux ces derniers temps, alors il met la chaudière à fond. Il a depuis longtemps renoncé à écouter la radio qui ne produisait plus qu'un bruit de fond qui lui est devenu inutile.
Jules n'est pas très agé. 71 ans, ce n'est pas vraiment vieux mais depuis 20 ans, il vit seul. Il a presque laissé partir tout le monde autour de lui. Sa femme, ses enfants, ses amis et autrefois ses collègues. Jules cultive le dégoût, la déception des autres. Non pas qu'il suscite l'aversion mais il n'a plus envie, simplement plus envie de la compagnie des autres.
Il aurait pu s'en prendre à lui-même mais Jules s'est compris à défaut de l'être par les autres. Jules s'est réveillé un matin en se disant que personne ne lui donnait ce qu'il n'attendait de toutes les façons plus.
Jules est un ultra sensible. il adore les petites attentions cumulées, la reconnaissance, l'écoute, la générosité et déteste qu'on lui reproche ce qu'il est. Jules a oublié d'être mesquin mais il est devenu exigeant. Il ne supporte plus les faux semblant, l'ennui, cette routine qui dévore la vie des gens et s'aggrippe aux êtres comme pour les engluer. Jules ne croit plus en rien, ni dieu, ni argent , ni dans les autres.
Jules ne fait rien de ses journées. Il se consacre au néant et une fois levé, il s'emploie à ne penser à rien sinon, il souffre de cette nostalgie qui l'envahit parfois , nostalgie de ceux qu'ils na pas aimé assez et qui ne sont plus là pour l'entendre. Jules est un nostalgique, un irréductible du sentiment parfait. Ce qui est emprunt de reproche est impure dans son esprit. Jules vit sans contact, comme un ascète. son seul interlocuteur est le temps qui passe et contre lequel il entraine sa mémoire à lutter. Comme il ne voit plus personne, les autres ont cessé de vieillir , le temps s'est figé pour eux dans sa tête à la dernière entrevue.
En ne voyant pas les autres vieillir, Jules a trouvé le moyen d'affronter le temps. Il ignore ceux qui son morts depuis le début de sa nouvelle vie mais les voit comme il les a quittés. Et les autres voient Jules comme ils l'ont vu la dernière fois. C'est comme ça ... Jules est sorti du temps, lui qui écoute et voit sa pendule qui l'égraine.
Il y a pourtant une faille dans le personnage. Il aime , il aime plus que tout qu'on l'aime et depuis plus de 20 ans, on ne lui dit plus. Jules finalement est seul avec lui-même et n'attend qu'une seule chose, qu'on le force à revenir parmi les autres.
Mais qui se soucie à ce point des autres ? La solitude et l'isolement sont plus solides que n'importe quel lien humain. On ignore ce qu'en pensent ceux qui restent solitaires, on sait seulement que ceux qui ne sont pas seuls ont peur de ressembler un jour à Jules.
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Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).
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