L'horlogerie suisse entend sonner le carillon de la reprise



[ 17/03/10 ]


La Suisse, le premier pays exportateur mondial de montres en valeur, accueille jusqu'au 25 mars le plus grand Salon mondial du secteur. Les professionnels parient sur une légère reprise des ventes en 2010, après une année noire.


Le carillon de la reprise va-t-il sonner à Bâle ? Les professionnels de l'horlogerie, qui se retrouvent demain pour le Salon de Bâle, le plus grand rendez-vous mondial du secteur, espèrent que leur marché va repartir en 2010. L'année dernière a été marquée d'une pierre noire, avec un recul de 22,3 % des exportations horlogères suisses, à 13,2 milliards de francs suisses. Le pays reste de loin le premier exportateur mondial de l'horlogerie en termes de chiffre d'affaires.

Réunies à Bâle jusqu'au 25 mars, les quelque 2.000 entreprises exposantes misent pour cette année sur une reprise au vu des premiers mois d'activité. Nick Hayek, le PDG de Swatch, est le plus optimiste. Le patron du premier groupe mondial a indiqué la semaine dernière avoir enregistré en janvier et février « une croissance extraordinaire dans tous les segments ». Avec un rebond des ventes de 40 % par rapport à 2009, et de près de 10 % par rapport à 2008, une année record pour le groupe.

Les autres maisons restent sur leurs gardes, comme la manufacture Audemars Piguet, qui a participé au Salon de Genève en janvier. « Une légère amélioration se f ait sentir, toutefois, il faut rester prudent, souligne Philippe Merk, son PDG. En 2010, je pense que nous serons sur une année stable, semblable à 2009, avec peut-être une légère amélioration des ventes. Je suis optimiste, mais je reste réaliste. La crise n'est pas encore dernière nous ! »

La reprise est encore timide. Après un ralentissement de la baisse des exportations horlogères depuis novembre, les ventes globales à l'étranger ont augmenté de seulement 2,7 % en janvier. « Elles seront aussi en progression en février, précise Jean-Daniel Pasche, le président de la Fédération de l'industrie horlogère suisse. Je suis persuadé que cette amélioration va se poursuivre. » S'il s'attend à « un mieux en 2010 », il ne mise pas pour autant sur un rattrapage complet. Point positif : la demande repart du côté des distributeurs, qui doivent reconstituer leurs stocks et renouveler leurs collections pour attirer les clients, mais aussi du côté du consommateur final.

Ce redémarrage est lié avant tout à la hausse de la demande en Asie, à l'exception du Japon. « Dès la fin de 2009, les indicateurs étaient plutôt positifs sur la Chine, Taiwan, la Corée du Sud, et Hong Kong, reprend Philippe Merk. Cette tendance se maintient. » L'Europe devrait suivre. Le pronostic reste incertain pour les Etats-Unis, deuxième marché pour les horlogers suisses derrière Hong Kong. En 2009, c'est outre-Atlantique que les ventes ont le plus souffert, avec un plongeon de 38 %, mais aussi aux Emirats arabes unis (- 35 %) et au Japon (- 33 %). Les amateurs de belles « tocantes » se sont aussi faits rares à Hong Kong (- 20 %) et même en Chine (- 15 %). En France, troisième marché pour les manufactures suisses, la demande a reculé de 14,5 %.

Répercussions sur l'emploi


Si la chute a été brutale, les professionnels estiment qu'il s'agit d'une crise conjoncturelle et non structurelle, comme au début des années 1980, où la concurrence des fabricants asiatiques avec les montres à quartz avait laminé la filière. « Les Japonais nous disaient à l'époque : "vous savez faire du lait et du chocolat, mais l'industrie, ce n'est pas votre affaire, vendez-nous vos manufactures" », racontait récemment Nicolas G. Hayek, le fondateur de Swatch, dans « Le Figaro ». Un temps révolu. « Aujourd'hui, notre industrie est saine, avec des produits adaptés, assure Jean-Daniel Pasche. Il y a eu un emballement du marché depuis six ans, qui a été stoppé net en 2009 par la contraction de la consommation mondiale. » Entre 2004 et 2008, les exportations horlogères helvétiques ont bondi de 70 %, avant de retomber l'an dernier à leur niveau de 2006.
Sur le même sujet


Pour Jaeger-Lecoultre, le redémarrage commence en Asie


La forte baisse des commandes a eu des répercussions en termes d'emplois. Près de 6.000 postes auraient été supprimés dans le secteur, ramenant les effectifs autour de 47.000 salariés. Zénith, Roger Dubuis, Bulgari notamment ont revu leurs effectifs à la baisse. « Ce sont surtout les sous-traitants des grandes marques, c'est-à-dire les fabricants de composants, qui ont été frappés », précise Jean-Daniel Pasche. Même Swatch, qui s'est refusé à licencier, a dû recourir au chômage partiel dans la fabrication d'aiguilles et de composants. « Nous avons continué d'occuper nos salariés en réduisant l'écart entre le développement de prototypes et leur production, rapporte Nick Hayek, même si cela nous a coûté des points de marge. » Des heures difficiles que les marques espèrent derrière elles.

DOMINIQUE CHAPUIS, Les Echos