Des entreprises ferment, d’autres gèlent leur production, en proie à des difficultés financières. Les rouages les plus faibles de l’horlogerie suisse disparaissent. Tout bénéfice pour les plus forts, qui tournent à plein régime...
Un mal pour un bien? En répétant, quelques mois avant sa mort, sa volonté de ne plus livrer à la concurrence des composants produits par son groupe, Nicolas Hayek s’apprêtait à lancer une véritable révolution en Suisse. De très grandes marques helvétiques telles qu’Omega, Tag Heuer et Breitling et la quasi-totalité des plus petits fabricants achètent, en effet, une grande partie, voire la totalité de leurs pièces, comme les mouvements et les aiguilles, chez Swatch. Mais le patron aujourd’hui disparu du numéro un du secteur ne voulait plus voir son groupe "investir dans son outil de production alors que la majorité des autres horlogers se servent chez nous comme dans un supermarché et investissent en publicité". Jugeant que Swatch profitait d’une position dominante dans la fabrication des ébauches et des mouvements horlogers, la Commission de la concurrence (Comco) a cherché à calmer le jeu en obligeant la compagnie à fournir, jusqu’à la fin de cette année, l’industrie en ébauches (l’ensemble des pièces non assemblées du mouvement). Cette échéance bien courte a provoqué une course contre la montre dans toute la Confédération.
Des fabricants tels que Hublot ou DeWitt avaient senti le vent tourner ces dernières années en se dotant de leur propre manufacture. Cette stratégie qui permet de s’offrir l’indépendance est toutefois très coûteuse. "Une maison sans expérience dans ce domaine doit au moins faire trois ans de recherche et développement pour mettre au point un mouvement, souligne Olivier Müller, consultant horloger. Si vous ajoutez à cela l’achat d’un appareil de production, avec des machines souvent faites sur mesure, et le coût du terrain pour l’usine, vous arrivez à un investissement qui se chiffre en millions de francs."
Pour parer au plus pressé, d’autres marques comme Montblanc, filiale du géant Richemont, ont préféré acheter une manufacture existante. Mais les proies sont rares et chères.
Les plus petits fabricants ne sont pas pour autant condamnés à une mort certaine. La décision de Swatch de ne plus leur livrer de composants ne les empêchera pas de s’approvisionner auprès d’autres sociétés telles qu’Armin Strom ou CompliTime. Les prix de vente de ces pièces pourraient toutefois augmenter sensiblement. Car avec une part de marché comprise entre 75% et 90% sur les ébauches, le leader mondial pouvait profiter d’importantes économies d’échelle pour tirer ses tarifs vers le bas. Les marques horlogères les plus fragiles pourraient ne pas résister à cette hausse de leurs coûts. l F.T.
Jean-Daniel Pasche, le président de la Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH), s’inquiète de l’avenir de certains sous-traitants du secteur, malgré une année 2010 très prometteuse.
Les exportations de montres suisses sont reparties à la hausse, mais de nombreuses petites sociétés ont mis la clé sous la porte ces derniers mois. Peut-on s’attendre à d’autres fermetures dans les mois à venir?
Jean-Daniel Pasche: Même si 2010 sera une bonne année pour notre branche, nous savons que des entreprises rencontrent encore des difficultés, notamment les sous-traitants. Je ne sais cependant pas si d’autres entreprises vont encore fermer, mais ce n’est pas exclu
Peut-on s’attendre à une concentration de ce secteur?
La crise n’a pas accéléré ni augmenté le phénomène de concentration. Celui-ci se poursuit normalement en fonction des opportunités.
La crise est-elle vraiment finie pour les marques horlogères suisses?
La situation s’est fortement améliorée dans la branche depuis janvier 2010. Les chiffres de juin, qui montrent une hausse de 35% des exportations, le confirment. Les résultats 2010 sont semblables à ceux de 2007 qui était une excellente année. Les entreprises bien établies sur les marchés mondiaux bénéficiant d’une marque imposée s’en sortent en général mieux que les nouvelles sociétés.
La décision de Swatch de ne plus livrer de composants à d’autres marques va-t-elle avoir d’importantes conséquences ?
Je ne fais pas de commentaires sur la stratégie des entreprises. Je relève simplement, en substance, que cette mesure devrait conduire à l’émergence d’autres sources d’approvisionnement en composants, ce qui serait dans l’intérêt de la branche.
Peut-on s’attendre à d’importants changements dans la stratégie de Swatch suite au décès de son fondateur, Nicolas Hayek?
Rien n’indique qu’il y aura des changements. D’ailleurs Mme Nayla Hayek et Nick Hayek (qui occupe respectivement la présidence du conseil d’administration et la direction générale du groupe) ont déclaré qu’il n’y aura pas de changement dans la stratégie de Swatch.
L'Echo
plus d´informations dans Épinglé
16.08.2010