«La montre de demain pilotera voitures et ordinateurs»

Citation :

Jean-Claude Biver

«La montre de demain pilotera voitures et ordinateurs»

Patron des montres Hublot, après avoir recréé Blancpain et revitalisé Omega, le Vaudois d’adoption estime que la Suisse a les moyens financiers et technologiques de consolider son leadership mondial. Par Philippe Le Bé.



L'Hebdo, 14 septembre 2006



Tout le monde peut lire l’heure sur son téléphone portable ou son ordinateur. La montre a-t-elle encore un avenir?

Cela fait bien longtemps que l’on n’achète plus de montre pour seulement lire l’heure. Si la montre n’était qu’un instrument utilitaire, personne ne débourserait plus de 10 francs pour s’en procurer une. Pour acheter la lecture de l’heure en dépensant davantage que cette somme, il faut être complètement dans l’irrationnel. Regardez la Swatch. Elle est avant tout un véhicule d’émotion et de mode. Elle possède, dans l’absolu, le meilleur rapport qualité-prix, Swiss made de surcroît. Voilà la raison de son succès planétaire.



Les horlogers continuent à investir des millions dans la recherche. N’ont-ils pas atteint les limites de l’innovation technologique?

L’horlogerie mécanique, à ancre, me fait penser à l’industrie automobile. Bien qu’elle soit plus puissante, plus précise, plus fiable, l’automobile fonctionne depuis plus d’un siècle avec un moteur à explosion. L’horlogerie traditionnelle, elle aussi, n’a pas fondamentalement évolué depuis des années. Mais nous entrons dans une nouvelle ère, celle de l’horlogerie «fusion» postquartz et postmécanique. Nous pouvons par exemple imaginer que se développe une montre atomique, liée à l’Observatoire chronométrique de Neuchâtel.



Comment la voyez-vous, cette montre postquartz?

Elle sera sans pile, dotée d’une réserve de marche très longue, capable dès lors de fonctionner des années sans qu’on la porte. Sa source d’énergie pourrait être le magnétisme ou l’attraction terrestre qui ferait pression sur le mécanisme. Nous sommes au tout début d’innovations majeures qui ouvriront un troisième cycle après ceux de la mécanique et du quartz.



Quelles seront les nouvelles fonctions de la montre?

Elles seront innombrables: du démarrage de votre voiture à l’ouverture d’un compte bancaire en passant par la mise en service de votre ordinateur et la transmission de données. Ce sera un objet individualisé, ne fonctionnant que sur votre poignet pour des raisons de sécurité. La montre de demain ne devra en tout cas pas intégrer des technologies existantes, avec une qualité moindre, comme le fait sans succès la montre télévision.



La Suisse est-elle vraiment à la pointe de ces nouvelles technologies?

Notre pays est armé technologiquement pour rester un leader dans la recherche et le développement horlogers de pointe. A Neuchâtel, le Centre suisse d’électronique et de microtechnique (CSEM) peut par exemple continuer à offrir sa très grande expérience. Qui plus est, dans la maîtrise du bas voltage, la Suisse jouit d’une avance technologique sur tous les autres pays, y compris le Japon. Encore faut-il avoir une volonté industrielle de financer des projets et une recherche appliquée dans cette direction.



Précisément, cette volonté existe-t-elle?

Oui. Notamment chez Swatch Group et Rolex.



La technologie pourrait à terme supplanter l’esthétique?

Certainement pas. L’esthétique sera toujours un critère essentiel. Y compris dans la haute technologie. La grande erreur serait de placer la technologie avant l’esthétique. Il est insupportable, à terme, de porter une montre au poignet, et donc près des yeux, qui ne soit pas le véhicule d’une émotion esthétique positive. La montre est un habit. Souplesse et confort lui sont inhérents.



Comment voyez-vous le paysage horloger du futur?

Tout en haut, il y aura les marques du luxe horloger, avec des montres porteuses d’art, de culture, de tradition, et d’héritage. Lesquelles incarneront le patrimoine horloger suisse. Juste au-dessous, il y aura le luxe marketing. Seront concernés des objets qui ne réuniront pas nécessairement toutes les quatre valeurs précitées, mais qui vont s’appuyer sur un marketing de masse, faisant croire aux consommateurs qu’ils ont bien acquis une montre de luxe. Enfin, il y aura des montres plus économiques, mais toujours avec une touche d’esthétique et d’émotion.



Les montres suisses seront-elles un jour toutes produites en Chine?

Je ne le pense vraiment pas. Car ce que nous fabriquons aujourd’hui en Suisse, ce ne sont pas seulement des objets, comme en Chine, mais des marques avec de la substance, un message, de la qualité et du rêve. Si nous gardons ces critères, nos marques n’ont pas à craindre une délocalisation de leur production en Extrême-Orient. Label de marque, le Swiss made aura encore un bel avenir, pour autant que nos marques continuent à véhiculer et à défendre ces valeurs.



A condition que le Swiss made évolue, car aujourd’hui sa crédibilité est bien fragilisée!

Le Swiss made doit en effet s’adapter pour ne pas disparaître. Il pourrait un jour se scinder en trois catégories, pour l’horlogerie économique de qualité, le luxe marketing et le luxe horloger. Ce serait, en quelque sorte, un Swiss made à une, deux et trois étoiles, avec à chaque fois, peut-être, un sigle différent. Les exigences quant au lieu de fabrication des pièces de la montre seraient de plus en plus sévères, au fur et à mesure que la montre se rapprocherait des trois étoiles. Ce serait pour l’horlogerie suisse un moyen de s’adapter au nouvel environnement économique mondial tout en restant fidèle à sa tradition.

http://www.hebdo.ch/index.cfm?id=2793

Parfois, ça tombe pas loin:

"il y aura le luxe marketing. Seront concernés des objets qui ne réuniront pas nécessairement toutes les quatre valeurs précitées, mais qui vont s’appuyer sur un marketing de masse, faisant croire aux consommateurs qu’ils ont bien acquis une montre de luxe."

C'est de l'auto dérision ???

Å

Non c'est de L'égo ...