Pionnier en Asie, Cartier déchaîne sa croissance

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Pionnier en Asie, Cartier déchaîne sa croissance

Marché. L’ouverture des pays émergents engendre une création de richesse impressionnante que la société anticipe depuis trois ans.


Numéro un mondial de la haute joaillerie et de la lunette de luxe, numéro deux de l'horlogerie, du stylo, de la petite maroquinerie et du briquet de luxe, Cartier évolue dans un monde qui nous échappe. Une dimension où le prix n'a plus aucune importance. Seule compte la beauté. «Et dans ce domaine, il n'y a pas de frontières», remarque Bernard Fornas.



Bernard Fornas, PDG de Cartier International, dont le siège se trouve à Genève. (© Pascal Frautschi)
A la tête du fleuron du groupe Richemont depuis quatre ans, Bernard Fornas s'emploie à repousser toujours plus loin les limites de l'exception. Interview exclusive.

Cartier est soit leader, soit defender dans plus de 5 métiers différents. Comment faites-vous pour rester à un tel niveau?

Nous sommes installés dans ces métiers depuis déjà longtemps. C'est une position que l'on nous envie. Mais notre recette tient en deux mots: créativité et audace. Chaque année, nous créons entre 800 et 1000 nouveaux produits toutes activités confondues. Nous essayons également de pénétrer les nouveaux marchés avant les autres. Nous possédons par exemple aujourd'hui 17 boutiques en Chine, alors que certaines marques commencent seulement à explorer ce marché.

Le magazine «Forbes» a récemment établi qu'il n'y a jamais eu autant de milliardaires que ces deux dernières années. Cela vous profite-t-il?

Evidemment. Ces nouvelles fortunes proviennent d'Inde, de Chine, de Corée, d'Afrique du Sud ou encore de Taïwan. Il y a également les pays de l'ex-URSS, tels que le Kazakhstan, l'Azerbaïdjan, l'Ouzbékistan ou la Géorgie. Là, nous avons anticipé la création de richesse.

De quelle façon?

En s'ouvrant, ces pays ont engendré un afflux de cash considérable mais leurs résidents préfèrent souvent vivre en autarcie. Nous avons saisi l'opportunité et installé des boutiques Cartier dans ces pays dès 2003. Nous sommes quasiment les seuls à l'avoir fait. Parallèlement, nous avons organisé nos achats de pierres et la fabrication des bijoux pour pouvoir répondre à cette demande.

Combien ces milliardaires sont-ils prêts à dépenser pour un bijou?

De 2 à 7 voire parfois 10 millions d'euros. Il n'y a pas de limite. Ces personnes ont en commun l'amour des belles choses. Qui dit beaucoup d'argent dit très belles créations Cartier. C'est une équation parfaite.

Quel est le prix moyen d'une création de haute joaillerie Cartier?

Chez nous, la haute joaillerie commence à 200 000 euros et chaque pièce remporte toujours du succès. Nos bijoux ont une âme, c'est pour cela qu'ils marchent. Nous vendons du rêve. A la dernière Biennale des antiquaires de Paris, nous avons présenté 42 pièces uniques contemporaines dont certaines valaient plus d'un million d'euros. Un très grand nombre ont été vendues.

Quelle croissance affichez-vous dans le secteur de la haute joaillerie?

Une croissance à deux chiffres, en augmentation de l'ordre de 30% par an, en particulier dans nos nouveaux marchés. Le potentiel du secteur du luxe est fabuleux. Le segment de la joaillerie jouit également d'un bel avenir. Tous les feux sont au vert.

C'est-à-dire?

La joaillerie a toujours été un marché de produits sans marques. Or, depuis quelques années, on constate un transfert de la demande vers les bijoux siglés. Etant numéro un mondial, nous en profitons énormément.

Le luxe possède-t-il des limites?

Pas au niveau de la demande dans le contexte de l'enrichissement actuel du monde, mais en termes de capacité de fabrication et d'ateliers, certainement. Nos critères d'exigence en matière de joaillerie sont extrêmement élevés. Nos joailliers sont de véritables artistes qui parviennent à sublimer la pierre pour en faire un bijou qui raconte une histoire. Nous sommes des défenseurs de la qualité.

Quel est votre principal marché?

Le Japon. Mais s'il demeurera toujours important, il tendra ces prochaines années à diminuer au profit du reste de l'Asie et des pays de l'Est. Au total, nous avons 4700 employés et 245 boutiques à travers le monde.

La Suisse tient-elle une importance particulière chez Cartier?

Une grande importance. Nous jouissons d'une clientèle locale très fidèle mais la Suisse est également une terre d'accueil de nombreux étrangers que l'on retrouve dans nos boutiques. Au cumul, Cartier Suisse réalise de très bons scores. Parallèlement à nos boutiques, nous possédons des ateliers d'horlogerie dans le pays. Nous avons également intégré récemment à La Chaux-de-Fonds un atelier de joaillerie fort de 50 personnes, qui devrait bientôt s'agrandir. Les artisans suisses ont un grand savoir faire qui correspond parfaitement à l'esprit de Cartier.


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Un goût pour l’exotisme
Fondée en 1847 à Paris par Louis-François Cartier, la maison de joaillerie doit non seulement sa réputation à sa maîtrise d'un savoir-faire unique, mais également à la réinterprétation constante des formes et des idées tirées de civilisations aussi lointaines que la Perse, l'Egypte ou encore la Chine. Des inspirations qui auront donné naissance à bon nombre de créations aujourd'hui qualifiées d'intemporelles. A l'image de la célèbre alliance Trinity, créée en 1924, ou encore du bracelet Love, conçu en 1969, deux pièces qui cartonnent toujours aux premières ventes de l'entreprise.

A ce goût pour l'exotisme s'ajoute l'appui sans faille de grandes célébrités. On se souvient de la Duchesse de Windsor, dont l'animal fétiche - la panthère - est devenu l'un des symboles de Cartier mais aussi de Grace Kelly ou encore de l'actrice mexicaine Maria Felix.

Crocodiles articulés

Incarnation de la sensualité latine des années 50, fascinée par les reptiles, Maria Felix demanda en 1975 à Cartier de lui créer un collier composé de crocodiles. Réalisée d'après nature, la pièce confectionnée a tous les airs d'une véritable œuvre d'art. Composé de deux spectaculaires crocodiles en or jaune entièrement articulés et sertis de 2000 diamants et émeraudes de 127 carats. Un bijou d'exception d'une valeur de plusieurs millions d'euros.

Aujourd'hui jalousement conservé dans la Collection Cartier, le collier de Maria Felix a été exceptionnellement sorti de son écrin pour s'accrocher au cou de Monica Belluci lors du dernier Festival de Cannes. (fn)


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Pour en finir avec la polémique
Le 15 septembre dernier, le fleuron du groupe Richemont annonce dans un communiqué laconique le départ d'Horst Edenhofer, à la tête de la filiale suisse depuis treize ans. S'agit-il d'une mise à l'écart? Bernard Fornas dément farouchement.

Selon la rumeur, la direction de Cartier aurait décidé d'évincer Horst Edenhofer sous la pression du groupe Richemont…

Ce sont de fausses rumeurs. Horst Edenhofer et Cartier ont réalisé ensemble des choses extraordinaires. Nous avons toutefois convenu d'un commun accord que nous devions prendre des chemins différents. Nous nous sommes séparés à l'amiable, sans aucune fâcherie.

Ce départ paraît tout de même un peu brutal…

Nous le préparons ensemble depuis un an. Ce choix a été fait sans aucune pression. Chez Cartier, nous prenons nos décisions en toute transparence.

Son successeur, Christophe Massoni, est-il basé à Genève?

Oui, dans les mêmes bureaux que la présidence. Cela facilite la communication. Christophe Massoni prend la direction opérationnelle tandis que la direction stratégique a été confiée à Tom Meggle. Ces deux personnes forment un tandem très efficace. (fn)

Florence Noël

Publié le 09 octobre 2006

Tribune de Genève

http://www.tdg.ch/tghome/toute_l_info_test/economie/cartier__9_10_.html