Les aventures de Robur...

Alors voilà,...
Je m'appelle Robur. Mon nom est connu des horlogers pour une autre raison que les montres: Les verres. Robur est en effet une des deux marques qui produisirent et produisent encore des verres de montres.
Je suis né il y a une cinquantaine d'années, j'ai voyagé de poignet en poignet, mais je fus bien peu entretenu. A ma dernière visite médicale, Stéphane n'a pas vu de trace d'un précédent confrère, fut-il amateur...
Donc il m'est arrivé toutes sortes d'aventures, mais Alzheimer a fait que je ne me rappelle que des derniers épisodes: celui d'une vente aux enchères en ligne. Quand je suis né, la terre nette n'existait pas. Le designer qui a dessiné mon cadran avait plutôt pensé à la course qu'à la conquête lunaire ou à la cybernétique. C'est le petit damier qui courre autour de mon visage qui me fait penser ça...
Pas bégueule, j'ai accepté que Stéphane emporte son appareil photo, comme un vulgaire beauf filme la naissance du petit dernier.
Commençons par le muscle. Comme toutes mes copines et copains garde-temps, nous n'avons qu'un muscle. Que l'on bande à fond et qui s'épuise gentiment jusqu'à ne plus pouvoir faire battre notre cœur. Mes os et ma structure ont été conçus en Suisse, par un certain Anton Schild. Je suis du rare type 1791. Je mesure 10,5 lignes de diamètre.


Stéphane m'a greffé un nouveau ressort de marche. Je bande à nouveau...




Puis il a replacé ce muscle dans mon squelette.


...

Mais pour que je tienne bandé, il faut un système à cliquet, et du ressort. Tout petit celui-la, en forme d'hameçon, mais costaud juste assez pour bloquer grâce à petit levier à trois dents qu'on appelle cliquet, celui qu'on appelle le rochet de barillet (au trou carré)




Le rochet est monté, ainsi que la roue de couronne dont la vis de fixation tourne à l'envers. Ma roue de couronne sert à transmettre le remontage impulsé par la main et les doigts habiles du porteur à mon rochet, faisant ainsi bander... mon ressort. Stéphane a posé ma roue de centre qui supporte mon aiguille des minutes.



Il a mis aussi une platine afin que la roue de centre ne bouge pas quand il installera la chaussée.


Bien abimée, la chaussée faisait que j'avais les aiguilles presque immobiles alors que on cœur et mon muscle poussaient tout ce qu'ils pouvaient... Il l'a donc un peu resserrée...



Cette chaussée par un drôle de choix de vocabulaire, n'est pas piétinée mais supporte l'aiguille des heures.




Puis, il redémonte la platine pour poser le rouage, qui transmettra le mouvement de mon cœur aux aiguilles.


Et il remet la platine, l'ancre et son pont. Celle ci a pour but de transformer les oscillations de mon cœur en mouvement saccadé, mais rotatif, grâce à sa copine, la roue d'ancre, qui en reçoit les massages des levées d'entrée et de sortie. ( les palettes d'ancre, petits rubis trapézoïdaux). Il en a profité pour régler à nouveau la netteté pour l'appareil photo.

Stéphane a ouvert mon cœur. Quand tout va bien, il bat à 21600 alternances à l'heure.



D'un côté le pont, de l'autre, le spiral. Ils sont nettoyés séparément.
Vite, il les réunit.





Et après cette petite opération à cœur ouvert, remet celui-ci à sa place.
Les antichocs sont aussi ouverts et ne négligeant rien, il va les nettoyer jusqu'à les polir avant de les lubrifier...



Et hop, les antichocs retournent à leur place.



En effet, sous l'effet d'un brusque mouvement de poignet, mon cœur fragile pourrait sauter. Surtout à mon âge. Anton Schild a donc pensé lorsqu'il m'a conçu, à m'équiper d'antichocs de chez Incabloc afin que, sachant ma longue vie et mes nuits agitées, je survive à ces affres des vibrations incontrôlées... Et la focale est à nouveau perdue.

Hop, il me retourne pour caler ma remise à l'heure, après m'avoir enfilé la tige de remontoir et son pignon coulissant...


Il a rajouté du papier de post-it sur mon lit de fer pour éviter les heurs à chaque fois qu'il m'y culbute. (On essaie d'éviter les cul-bute-heurs, en fait.)


Et puis, comme je dois donner la date, en plus de l'heure, c'est parti pour installer les supports de rouages de quantièmes, bascules de déclenchement, et sautoir de quantièmes.





Quand le rouage tourne, il finit par entrainer le disque qui donne la date. Mais il ne faut pas que celui-ci soit trop libre, ni qu'il reparte en arrière. Une tripotée de ressorts en tous genres fait en sorte que cela se passe bien. Un peu comme une luette ou un clapet. Quand j'avale du liquide, ce ne sont pas mes poumons qui se noient.

Il est temps de me présenter. Voici mon visage, à nu. J'ai su garder une jolie peau, bien protégée par mes visières successives.



Stephane va poser mes aiguilles.

J'ai quand même du être bricolé car mon aiguille des secondes précédente était trop courte et à rayé ma jolie peau de bébé. Il en a donc trouvé une autre, trop longue, cette fois, mais au bon diamètre, qu'il a raccourci.



Et puis, j'ai besoin de ma visière pour protéger mon visage des éclaboussures diverses, huiles, moustiques,... Car je vais avoir une nouvelle vie.



Cela y est presque, je met mon casque et une bague de centrage, pour que je ne bouge pas dans celui-ci.



Comme je dois faire de l'automobile, rouler en Jaguars, tout ça, tout ça, Stephane m 'a choisi un bracelet en caoutchouc, à dessin de pneus.



Et hop, en route pour de nouvelles aventures!





Merci d'avoir suivi ma renaissance de l'intérieur. J'espère que le ton un peu grivois employé ici n'a pas choqué.

pas choqué du tout!

Le ton fut plaisant, j'en redemande!

Bravo Stéphane pour cette resto complète!

Vraiment sympa et intéressant ce tuto Stéphane
Et le ton employé est dans la lignée de beaucoup de posts ici
C'est une bien jolie toquante cette p'tite Robur

Si tu en as d'autres comme ça, n'hésites surtout pas

Merci pour le partage

Merci pour le partage de cette re-naissance.
C'est vrai qu'elle est belle c'te p'tite.

stephane28 a écrit:

Je m'appelle Robur. Mon nom est connu des horlogers pour une autre raison que les montres: Les verres. Robur est en effet une des deux marques qui produisirent et produisent encore des verres de montres.

Le nom de cette enseigne vient d'ici :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Robur_le_Conqu%C3%A9rant

C'est l'un des meilleurs Verne.

Robur le conquérant . Cela me va tout à fait!

Merci.

Bravo pour ce reportage. C'était passionnant et le ton, disons "décalé", était fort agréable pour le béotien que je suis .

très marrant, j'ai eu un peu de mal à piger qui était Robur , au début

mais en n'étant pas "pressé" , ça c'est finalement éclairci en toute "transparence"

beau boulot bien fignolé

Isosta

Waouh !

J'ai eu les compliments d'isosta!

C'est sympa de retrouver sur le forum la restauration de montres que j'ai vendues
Beau travail, tu es horloger ou simplement doué ?

Sinon pour l'histoire, vu sa provenance géographique, il y a une forte probabilité qu'elle ait été vendue par Clavel, horloger à Montpellier, maison aujourd'hui disparue, qui distribuait Robur dans la région.

milwatch a écrit:

C'est sympa de retrouver sur le forum la restauration de montres que j'ai vendues
Beau travail, tu es horloger ou simplement doué ?

Sinon pour l'histoire, vu sa provenance géographique, il y a une forte probabilité qu'elle ait été vendue par Clavel, horloger à Montpellier, maison aujourd'hui disparue, qui distribuait Robur dans la région.

Ben oui, j'avais envie de présenter Robur d'une autre manière, sans le avant/après ni le démontage. Et puis elle était déjà en bel état cosmétique. Donc on partait du barillet ouvert... Et comme j'apprécie beaucoup les astuces des autres, je me suis dis que je pouvais aussi montrer deux trois choses, sur un ton un peu nouveau.
J'ai un CAP de la Ville de Paris en cours du soir, obtenu de justesse en juin et l'envie d'appliquer ce que j'ai appris. Je bricole donc environ 6 à 8 heures par semaine, sur des montres de ce genre, plus ou moins récentes, pour moi ou des amis. Mais le soucis pour l'instant, est que je ne sais pas m'aventurer au delà des petites complications.

stephane28 a écrit:

milwatch a écrit:

C'est sympa de retrouver sur le forum la restauration de montres que j'ai vendues
Beau travail, tu es horloger ou simplement doué ?

Sinon pour l'histoire, vu sa provenance géographique, il y a une forte probabilité qu'elle ait été vendue par Clavel, horloger à Montpellier, maison aujourd'hui disparue, qui distribuait Robur dans la région.

Ben oui, j'avais envie de présenter Robur d'une autre manière, sans le avant/après ni le démontage. Et puis elle était déjà en bel état cosmétique. Donc on partait du barillet ouvert... Et comme j'apprécie beaucoup les astuces des autres, je me suis dis que je pouvais aussi montrer deux trois choses, sur un ton un peu nouveau.
J'ai un CAP de la Ville de Paris en cours du soir, obtenu de justesse en juin et l'envie d'appliquer ce que j'ai appris. Je bricole donc environ 6 à 8 heures par semaine, sur des montres de ce genre, plus ou moins récentes, pour moi ou des amis. Mais le soucis pour l'instant, est que je ne sais pas m'aventurer au delà des petites complications.

j'étais comme toi et me limitais aux quantièmes ...

tu peux te lancer sur un chrono avec deux épaves de L48 , tu démontes la première en conservant la seconde comme référence
tu remontes à l'aveugle en suivant et tu verras, à ta grande surprise que tu n'auras pas longtemps besoin de la réf
le vrai problème est l'ordre à suivre qui varie d'un calibre à l'autre et les exentriques à éviter de déregler

après le vrai plaisir (pour moi) est la recherche des dysfonctionnement et réussir à trouver seul comment régler un problème

Isosta



tente le coup !

isosta a écrit:

tente le coup !

Pas encore....
J'ai un 7734 qui traine. Si j'ai le temps, je m'y mettrais. Mais, il faudrait d'abord que je bouquine de la théorie pour comprendre les principes et fonctions de chaque pièce avant démonter/remonter sans savoir ce que je fais.