En 1902, à la Chaux-de-Fonds, Paul Arthur Schwarz et son épouse Olga Schwarz, née Etienne, créent de leur deux patronymes la Maison Schwarz-Etienne. Parmi leurs marques on va trouver Venus, qui va commencer par la réalisation de montres de poche.
Venus est surtout connue pour son activité de fabrication de mouvements de chronographes, étant l’une des premières manufactures à proposer un mouvement chronographe à roue à colonnes pour la commande de l’aiguille centrale.
Si Venus, en tant que manufacture de mouvements, n’existe plus aujourd’hui, ses créations perdurent, en particulier à travers les mouvements de chronographes russes et chinois.
1) Les premiers chronographes russes ont été réalisés avec un mouvement Poljot 3017, dérivant directement du Venus 150 :
Le mouvement Venus 150 (photo Ranfft) :
Le mouvement Poljot-Strela 3017 (photo Ranfft) :
(Venus aurait vendu la chaîne de fabrication à la Russie pour « faire de la place » pour son nouveau mouvement de chronographe, le Venus 175).
On trouve ce mouvement, fabriqué de 1959 à 1979, dans les premiers chronographes Strela (photos eBay) :
2) Venus développe ensuite le Venus 175 ; ce mouvement, voisin du 150, comporte une amélioration, il est équipé d’un antichoc :
Au début des années 1960, l’armée de l’air chinoise cherche à devenir autonome et ne plus dépendre de la Russie pour les chronographes de ses pilotes. Depuis 1955 une petite activité horlogère existe en Chine, et la Chine se tourne vers Venus pour le mouvement de son futur chronographe.
On ne sait trop si Venus vend « la » chaîne de fabrication du Venus 175 à la Chine, ou « une » chaîne de fabrication.
Le mouvement est rebaptisé ST3, et va être utilisé dans le premier chronographe chinois pour l’armée de l’air, dont le nom de code est le « projet 304 ».
Plusieurs prototypes sont réalisés, et un lot de 1400 chronographes (ou 1700, suivant les sources) est réalisé pour les pilotes :
Après la réalisation de ce lot de chronographes pour l’armée de l’air, la chaîne de fabrication n’est plus utilisée jusqu’en 2002, date à laquelle le mouvement ST3 devient le Sea-Gull ST1901, popularisé par des rééditions plus ou moins fidèles du chronographe originel, baptisées « Sea-Gull 1963 » :
Le Sea-Gull ST1901 a reçu quelques évolutions par rapport au Venus 175, en particulier il bat plus rapidement ; et toute une gamme de versions a été développée :
Caractéristiques :
chronographe à remontage manuel, 60 s, 30 min, roue à colonnes, petite seconde
Données :
19 rubis
f = 21600 battements par heure / 3 Hz
réserve de marche 51 h.
Versions :
ST1901 : version de base
ST1902 : heure sur 12 h à 6h,
ST1903 : heure sur 24 h à 6h,
ST1905 : affichage de la réserve de marche à 4:30 h,
ST1906 : affichage de la réserve de marche à 6 h,
ST1907 : affichage central de la réserve de marche
ST1908 : date à 12 h, phase de lune à 6 h
ST1940 : automatique
Quelques exemples de réalisation :
La finition du mouvement est particulièrement soignée quand il est destiné à être vu à travers un fond transparent, ici avec un col de cygne doré pour ajustement fin de la précision :
La version automatique du mouvement :
On trouve aujourd’hui ce mouvement dans de nombreuses marques, chinoises (Sea-Gull, Hked, Sugess, Perpetual…) ou non-chinoises (Alpha, Vintro, Strela, Landeron…).
3) Puis Venus développe le mouvement Venus 188. Le principe de la roue à colonnes (pour le déclenchement et l’arrêt de l’aiguille des secondes du chronographe) est abandonné pour un principe à came ; le mouvement est plus simple et moins cher à fabriquer, et il donne à Venus un net avantage sur ses concurrents (photo Ranfft) :
Cet avantage est tel que Valjoux, l’un des principaux concurrents de Venus, rachète Venus !
Le Venus 188 est rebaptisé et devient le Valjoux 7730 / 7731.
Puis Valjoux en modifie le design, et cela donne lieu aux Valjoux 7733 (deux registres), 7734 (deux registres + date), 7736 (3 registres).
Valjoux 7733 doré (dans Chronographe « Ingénieur » d’Ollech et Wajs) :
Dans les années 1970 Valjoux cherche de la place, et du financement, pour développer et industrialiser son chronographe automatique, le Valjoux 7750.
Valjoux propose de vendre la chaîne de fabrication du Valjoux 7733 à la Russie, qui n’est pas intéressée, la chaîne de fabrication étant jugée vieillissante et usée. La Russie, par contre, est intéressée par celle du Valjoux 7734, plus récente, et présentant un intérêt technique supplémentaire : la date.
C’est encore Poljot qui va être chargé de la fabrication de ce mouvement. Le mouvement, rebaptisé Poljot 3133, va avoir plusieurs améliorations par rapport au Valjoux 7734, il bat plus rapidement, a davantage de rubis et une réserve de marche supérieure (photos Ranfft) :
Caractéristiques :
chronographe à remontage manuel, 60 s, 30 min, came, petite seconde
changement de date entre 23 h et minuit.
Données :
23 rubis
f = 21600 battements par heure / 3 Hz
réserve de marche 51 h
Versions :
3133 : version de base
31679 : phase de lune
31681 : heure sur 24 h à 6 h
31682 : affichage jour / nuit à 6 h.
Quelques exemples de réalisation :
En 2005 Poljot arrête son activité. La chaîne de fabrication des Poljot 3133 est reprise par Maktime. Mais Maktime arrête son activité en décembre 2012.
Les chronographes russes neufs sont donc fabriqués avec des mouvements Maktime « neufs de stock ». Ce stock diminue, et provoque une augmentation des prix de ces chronographes. On les trouve en 2022 sous les marques Alexander Shorokhoff, Berkut, Buran, Ocean, Poljot, Poljot International, Strela, Sturmanskie…
Pour faire face à une pénurie à venir, Strela commence à utiliser le ST1901 en remplacement des mouvements Maktime, ce qui est une forme de retour aux sources, le Sea-Gull ST1901 étant très proche du Poljot 3017
En conclusion :La marque Venus est à l’origine directement des mouvements de chronographe à roue à colonnes Poljot 3017 (dérivé du Venus 150) utilisés dans les chronographes russes et Sea-Gull ST1901 (dérivé du Venus 175) utilisés dans les chronographes chinois.
Elle est indirectement à l’origine des mouvements de chronographe à came Poljot / Maktime 3133 (dérivés du Valjoux 7734, lui même basé sur le Venus 188) utilisés dans les chronographes russes.
En 2022, les Venus 150, 175, 188 ainsi que les Valjoux 7734 ne sont plus fabriqués depuis longtemps.
Les Poljots 3017 ne sont plus fabriqués depuis 1979, et les Poljot / Maktime 3133 ne sont plus fabriqués depuis 2012 (il en reste cependant des stocks).
Le Sea-Gull ST1901 est toujours fabriqué, en grande série.
On peut ainsi acquérir des montres neuves équipées de mouvements de chronographe à remontage manuel dont la conception remonte aux années 1950 (ST1901) ou aux années 1960 (Poljot 3133).