Actu: Horlogers, revoyez votre copie

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Horlogers, revoyez votre copie


Moins de six mois après avoir été adopté, le projet de renforcement du "swiss made" de la Fédération horlogère est enterré par le Conseil fédéral. Défendre la croix blanche sur fond rouge ne doit pas être un paravent du protectionnisme.


Jean-Claude Péclet
Lundi 26 novembre 2007

Le renforcement du «Swiss made» adopté par la Fédération horlogère (FH) le 28 juin dernier est déjà mort. Le faire-part envoyé par le Conseil fédéral le 21 novembre dernier, en réponse à une interpellation du conseiller national Didier Berberat, est discret mais clair.

Le texte de la FH est «problématique» par rapport à l'accord de libre-échange de 1972 avec l'Union européenne (UE), écrit le gouvernement. Des fournisseurs européens de composants ont déjà dit leur crainte d'être marginalisés par une mesure jugée protectionniste. Quand on sait que des dossiers fiscaux autrement plus délicats sont discutés à Bruxelles, on devine que le Conseil fédéral ne veut pas rouvrir un front secondaire. Surtout que l'horlogerie suisse, si lacunaire que soit la protection de son label, exportera cette année pour quelque 15 milliards de francs, un record historique.

Le Conseil fédéral rappelle aussi qu'il met la dernière main à un projet plus ambitieux, baptisé «Swissness», visant à mieux protéger la désignation «suisse» ainsi que l'utilisation de la croix blanche sur fond rouge à des fins commerciales, et cela pour tous les secteurs économiques. La consultation publique est promise pour cette année encore. Le gouvernement invite la FH «à utiliser le temps nécessaire à la révision de la base légale [...] pour reconsidérer sa stratégie et son projet de révision». En trois mots: revoyez votre copie.

Le projet de la FH, soutenu par Swatch (UHR.VX) Group, Richemont (CFR.VX) et Rolex, exigeait notamment que 80% au moins du coût de fabrication d'une montre mécanique soit représenté par des opérations effectuées en Suisse; il fixait également des limites pour les mouvements et les boîtiers. Une étude de UBS (UBSN.VX) publiée en juillet estimait que l'application de ces critères générerait 650 millions de francs de ventes supplémentaires pour les fournisseurs suisses de composants horlogers, dont 500 millions pour le principal d'entre eux, Swatch Group.

Le «Swiss made» horloger révisé a été critiqué par les fabricants du secteur moyen de gamme, qui craignent d'en être exclus et forcés à délocaliser leur production suisse, ou de devoir augmenter fortement leurs prix tout en devenant plus dépendants d'un «véritable cartel», disent certains.

Au-delà de l'horlogerie, une question de fond est celle-ci: quelles qualités recouvrent la «suissitude» pour le consommateur moyen, puisque sa perception est au centre de la (maigre) jurisprudence en la matière? Une étude de l'école de management de Saint-Gall les a cernées: monde sain, bien ordonné, efficace, ce qui sous-entend les notions de précision, d'exactitude, de fiabilité et de solidité. La «suissitude» désigne également des prestations de pointe, des produits innovants et exclusifs.

Voilà qui est bel et bon. Au fait, le «Swiss made» horloger est-il à la hauteur de cette réputation? Quand on sait que la fabrication de certains boîtiers de montres en titane a été confiée à un sous-traitant asiatique parce qu'aucune société suisse n'avait ces compétences, on est en droit de se poser des questions.

Le projet «Swissness» du Conseil fédéral changera pas mal de choses. En particulier, il deviendra possible d'apposer la croix suisse sur des produits fabriqués en Suisse, ce qui est interdit aujourd'hui, sauf à des fins décoratives (d'où d'ailleurs pas mal d'abus). De nombreuses entreprises vont se précipiter dans la brèche. Le risque de dilution du symbole est réel. C'est pourquoi, dit le Conseil fédéral, «les abus doivent être combattus de façon plus rigoureuse, en Suisse et à l'étranger». A moins de développer une bureaucratie tentaculaire, ce qui n'est sans doute pas le vœu de Christoph Blocher, en charge du dossier, cette rigueur ne peut être atteinte qu'avec la collaboration des secteurs concernés (seule l'horlogerie est actuellement couverte par une ordonnance). Ce ne sera pas simple, comme le montre l'exemple de la FH, car les intérêts sont contradictoires.

L'intérêt du pays, lui, est assez clair. Le «Swiss made» doit protéger l'innovation et l'excellence, et non devenir un paravent du protectionnisme. Dans la pesée des intérêts entre grandes et petites entreprises, l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IFPI) remarque ceci: «Il est plus difficile pour les PME de créer et protéger leur propre marque de façon à favoriser la distribution de leurs produits.» Nestlé (NESN.VX) n'a pas besoin de croix suisse pour affirmer la qualité de ses aliments: la sophistication de ses processus de contrôles internes et la puissance de ses 25 marques «milliardaires» y pourvoient. En revanche, le bon horloger indépendant du Val-de-Travers mérite que son travail soit protégé des tricheurs. Ce constat «parle plutôt en faveur d'une utilisation de la croix suisse ou du «Swiss made» fondée sur des critères restrictifs», écrit l'IFPI

http://www.letemps.ch/template/finance.asp?page=23&article=220148

C'était évident que ce changement de swiss made n'allait pas être aussi simple, par rapport à l'Union européenne et à l'OMC.... Les labels indépendants ont encore de beaux jours devant eux!

Efectivement, par rapport à ce que j'avais déjà entendu, le projet était mort-né...