Il y a longtemps que je ne vous ai pas raconté une histoire triste mais celle-ci vient de connaître son épilogue.
On est en 1966 quelque part au nord de Paris dans une ville de Picardie. Martine et Jean vivent avec leurs trois enfants dans un appartement au troisième étage d'un petit immeuble. Lui est Gendarme à moto et elle élève les enfants dont le dernier a tout juste 6 mois.
Jean porte au poignet un chrono Breitling offert par ses parents pour sa réussite au concours d'entrée dans la gendarmerie. Jean est très fier de ce chrono et ne cesse de le faire fonctionner en expliquant à son fils l'utilité de chaque aiguille. Le gamin de 6 ans est fasciné et pose à chaque fois la même question "Mais sur quelle aiguille voit-on l'heure ? "
Ce soir de juin 1966, il pleut sur toute la France à cause d'orages aussi imprévisibles quant à leur localisation que violents par les volumes d'eau qui descendent des cieux.
Jean est en mission pour assurer le déplacement d'une personnalité qu'il faut escorter jusqu'à la frontière Belge. L'homme est important et la DS qui l'emmène, roule à vive allure.
Jean est devant la voiture et ouvre la route , son collègue est juste derrière . La route est peu fréquentée ce dimanche soir et rien, non rien ne peut laisser imaginer que dans ce tournant, il va se passer le pire...
Une flaque d'huile comme on en rencontre souvent sur les routes des années soixante est là, dissimulée sournoisement par l'eau qui recouvre la route. La moto dérape à pleine vitesse, Jean est éjecté et n'a pas la chance de passer entre les platanes. Il percute le plus gros d'entre eux et meurt quelques minutes plus tard en prononçant quelques mots à son collègue pour sa famille.
La voiture continue son chemin et le collègue appelle les secours . Il est alors 21 h 30 . Jean avait prévu de rentrer à la maison vers minuit mais à cette heure là, c'est le patron de la brigade qui sonne à la porte... Il est en larmes ce qui ne lui ressemble pas. Il n'arrive à prononcer aucun mot, pétrifié par la nouvelle qu'il doit délivrer. Martine comprend immédiatement. Elle s'effondre dans le canapé mais sait qu'elle va devoir faire face. Cette situation , elle savait qu'elle pouvait lui arriver mais pourquoi si tôt, pourquoi à 36 ans ...
Lors des obséques, personnes, non personne ne sait retenir ses larmes. On ne parle ni d'imprudence, ni de destin ...On parle de lui au présent, on refuse qu'il ne soit plus là...
Ses enfants grandiront sans leur père, le chrono sera au poignet de l'ainé qui pense à Jean chaque jour de son enfance et de son adolescence. Martine se remariera 10 ans plus tard mais gardera pour Jean un amour indestructible. Elle vient à son tour de disparaître. A ses obsèques, un colonel de gendarmerie en retraite très âgé s'est souvenu de ce soir de Juin où il n'avait pu prononcer un mot. Il avait prévu un discours pour Martine, mais l'émotion l'a encore privé de parole.
Pas question de tirer une morale de cette histoire , ni de faire du sentimentalisme forcené mais juste de dire qu'un accident est un drâme, que lorsque les victmes sont vivantes, c'est la joie qui doit dominer et que le souhait de voir ceux qui souffrent revenir à la vie est infiniment plus important que les leçons de morale. Il y a un temps pour tout ...
Cette semaine fut celle où nous avons tous ressenti un drame pour un collectionneur de montres, un ami pour certains, l'un des notres c'est sur et si l'émotion n'a pas touché certains, c'est sans pudeur que je dis que je suis forcément solidaire de Bruno comme de ceux qui chaque semaine sont piégés par la route. il n'y a pas de bonne raison pour justifier un accident, il n'y a que de mauvaises raisons de ne pas se sentir concerné.
FAM renouvelle ses voeux de bon rétablissement à Bruno.