Bonjour
-Mahatma ? Je suis très impressionné... Non vraiment ! Figurez-vous que j'ai croisé un type lundi matin. On a parlé de ses vacances et de ses projets, il était content car il allait changer de bureau. Un type jeune vous savez et deux heures plus tard, il était mort. Une rupture d'anévrisme. Il avait ramené de Corse une bouteille de vin qu'il m'avait dit d'aller prendre lorsque je viendrais le voir.
-Et oui petit. Je comprends. Tu es contrarié à cause de cette bouteille que quelqu'un d'autre boira pour toi.
-Oh non, mahatma ! Ce qui me contrarie est que ce type n'avait pas du tout prévu de mourir. Vous comprenez ce n'est pas comme quelqu'un qui se sait malade.
-Et tu crois que tous ceux qui meurent le sentent venir ?
-Mais oui ... Tenez, mon médecin m'a dit que j'étais malade...J'ai foncé pour refaire mon assurance vie ! Et je suis en train de trier mes affaires.
-Tu m'étonnes petit ...
-Vous savez on se demande toujours ce qu'on ferait si on savait sa dernière heure arrivée...
-Oui et les hommes disent toujours qu'ils copuleraient comme des fous.
-Oui mais qui banderait encore à 2 heures de sa mort? Moi ça me la couperait.
-Certes petit mais tu sais on dit ça parce qu'on sait qu'on ne va pas mourir. Mais imagine que tu sois vraiment sur le point de mourir sous deux heures. En fait tu serais comme paralysé et ne ferais plus rien.
-Non mon Mahatma ! J'irais embrasser ma femme, mes enfants et ma mère.
-Mais non ... Tu les réunirais pour te rassurer mais la perspective de disparaître te ferait perdre toute humanité.
-Vous croyez mahatma ?
-Evidemment ... Il n'y a que Fignon pour pouvoir parler de gars en vélo à l'article de la mort. Tu crois que je ferais une conférence sur la mort si je me savais perdu ?
-Non bien sur ...
-Charles Hernu n'aurait pas réuni un tas de gens pour parler armée si il avait anticipé ... Et Molière petit ? Molière ne serait pas mort en scéne s'il avait su ...
-Mais si, il voulait mourir ainsi. Regardez Mitterrand a mis en scène sa mort. Claude François a rendu un immense service à Castorama.
-Tu devrais réfléchir, petit. Ton angoisse est très contrariante. Tu n'anticipes rien ?
-Non, pas pour moi ...
-Et tu es sur d'être vivant ? Tu ne penses pas une seconde que c'est toi qui a disparu ?
-Comment cela ?
-C'est simple petit. Et si les gens qui disparaissent étaient les vivants et nous les morts, cela expliquerait que nous ne les voyons plus. Mais ça inverserait les choses ... Es-tu certain que ton ami soit mort ce lundi ?
-Ben oui ...
-Et moi ? tu crois que je suis vivant ? A 177 ans ?
-Mais oui ...
-Et non, petit ...Je vais te faire une confidence ... Je suis passé de l'autre coté, il y a 177 ans mais je ne me suis pas décharné et j'ai continué à vivre sans que le temps n'ait plus de prise sur moi.
-Ah bon ? Et vous seriez mort alors ?
-Non ce n'est pas si simple ... Je ne fais plus partie du monde des vivants mais j'en partage l'espace.
-Mais mon Mahatma je ne comprends rien ...
-Alors tu n'es pas mort, sinon tu comprendrais ... Allez pars maintenant ... Oh mon portable "Oui Mahatma ? Ah c'est toi ma chérie ... Ton mari qui es venu me voir désespéré va être un peu perdu pendant quelques jours... On peut en profiter pour faire une retraite en normandie. Veules Les Roses ? Ca t'irait ?"
Il n'est pire conseiller que ceux qui sont indifférents.