Les calibres de chronographes de poche de la manufacture ZENITH Avant la seconde guerre mondiale, les manufactures ont une offre diversifiée de chronographes qui ne sont pas toujours issus d'une conception ou d'une fabrication interne.
Omega qui s'est lancé très tôt, dès la fin du 19ème siècle dans la fabrication de chronographes "in house" réfléchit déjà à l'aube de la guerre à confier à Lémania la fabrication de ses mouvements de chronographes. La demande de ces pièces reste en effet marginale, conditionnée essentiellement par l'expansion du marché naissant de l'automobile.
Longines qui s'est engagé dans la conception et la fabrication d'un calibre de chronographe de 19 lignes très astucieux et très performant connait un franc succès essentiellement en Amérique Latine. Omega partagent le marché encore assez peu florissant et nombre d'autres manufactures telles Ulysse Nardin ou Vacheron et Constantin se focalisent sur d'autres catégories de mouvements.
Avant 1914, la manufacture Zenith ne dispose pas encore de ses propres mouvements. Les chronographes de poche et les versions bracelets qu’elle distribue déjà renferment donc des calibres achetés à l’extérieur, le plus souvent des Valjoux de 17 rubis de 15 lignes dans les modèles bracelet et de 18 ou 19 lignes dans les chronographes de poche. La demande n’est pas assez importante avant 1910 pour que ZENITH s’engage dans la conception d’un mouvement de chronographe. Les marchés sensibles aux équilibres politiques internationaux débouchent sur une économie en dents de scie qui n’incite pas les actionnaires de la manufacture à laisser Georges Favre Jacot développer un mouvement dont les ventes resteraient limitées.
De fait, les chronographes ne sont pas des pièces de grande diffusion et ZENITH répond aux commandes avec des mouvements dont la fiabilité peut d’autant moins être mise en cause que de nombreuses autres manufactures font également appel à Valjoux pour équiper leurs propres chronographes.
Omega et Longines commencent à exploiter l’image du sport et des chronométrages sportifs pour fonder leur communication vers le grand public sur la qualité et la précision de leurs mouvements. Les messages mettent l’accent sur le savoir faire des manufactures. Il n’en faut pas davantage pour qu’au Locle, sur les directives de James Favre, qui a succédé à Georges Favre-Jacot en 1911, soit engagée par le bureau d’étude la conception d’un mouvement de chronographe. Celui-ci voit le jour en 1915 tandis que la même année Zenith prend le contrôle de la manufacture Le Phare installée également au Locle et qui est spécialisée dans les complications dont notamment les chronographes..
Le mouvement Zenith est un calibre de 19 lignes de 19 rubis, une pièce de grande qualité précise et fiable qui passe pour être une référence dans le foisonnement des chronographes présentés ici et là, à l’époque parfois sur des bases identiques et retravaillées juste pour dissimuler leur provenance. Le balancier coupé bimétallique à vis est assorti d’un spiral Breguet et la raquetterie est celle brevetée en 1903 à disque excentrique. ZENITH a quasiment universalisé ce type de raquette dans tous ses modèles et cet ensemble d’éléments réglants depuis plus de 10 ans est la clé de voûte de tous les mouvements de la manufacture.
Livré en version Lépine ou savonnette, le cadran peut intégrer un pulsomètre, un tachymètre, un télémètre ou simplement un disque de mesure décimal. On en trouve avec plusieurs combinaisons de ces différentes échelles de lecture. Les boites sont en or parfois assorti d’émail peint, argent, acier bruni, acier nickelé ou métal blanc. C’est la manufacture qui réalisait elle-même les boites des mouvements qu’elle manufacturait. Le poinçon d’orfèvre pour les versions en métaux précieux intègre les lettres ZB pour « Zenith Billodes » et témoigne de cette paternité de fabrication.
Certaines productions de ces montres furent luxueuses. Les boîtiers rivalisent alors d’élégance et de finesse. Certains modèles furent enrichis de décorations émaillées représentant des scènes romantiques ou art déco. D’autres furent ornés de fines gravures ou de reliefs faisant l’apologie de la voiture et des modes de transport. Les automobilistes aimaient à mesurer leurs performances autant que celle des voitures et le calcul des vitesses et des moyennes n’était pas encore intégré dans les tableaux de bord.
Selon les variantes, le compteur totalisateur des minutes est situé à midi en version Lépine ou savonnette. La version savonnette est plus généralement livrée avec un totalisateur des minutes à trois heures. Ce totalisateur cumule jusqu’à trente minutes, la période chronométrée. Il existe une version rare du chronographe avec une variante de compteurs qui totalise jusqu’à dix minutes sur un arc de cadran situé à midi et revient à 0 au delà de ce délai.
Une version du calibre fut présentée avec rattrapante. Il en fut fabriqué très peu d’exemplaires d’autant que Le Phare allait offrir une collection assez complète de chronographes à complications.
Le mouvement classique de chronographe ZENITH a connu des variantes très particulières sans doutes dues aux recherches menées par Charles Rosat qui en 1915 dirigeait l’atelier que la manufacture possédait à Boudry. Dans sa quête de la précision ultime, Charles Rosat auquel on doit une raquette par ailleurs décrite, s’intéressait également à la composition des balanciers et des spiraux. Ses recherches qui lui avaient valu entre autre le prix Guillaume, avaient un degré d’avancement certain quand il mit au point un balancier monométallique assorti d’un spiral faisant une entorse au recours au balancier compensé bimétallique coupé à vis dit balancier Guillaume auquel la manufacture recourait généralement. Si les recherches sur le balancier monométallique n’était pas l’exclusivité de Charles Rosat, son emploi dans des pièces de précision était une première au moins chez ZENITH tant la fiabilité des balanciers bimétalliques était un acquis.
Avec des éléments réglant classiques, la variation de température qui déforme le spiral est compensée par la dilatation des métaux qui composent le balancier. Ce dernier est coupé pour mieux absorber les déformations induites par le changement de température. Le recours à l’Elinvar pour le spiral, en évite la déformation. Le balancier n’a plus alors d’effet de compensation utile et il devient possible de le fabriquer avec un seul métal ou alliage. Si ce composant est lui-même de l’Elinvar, la conjugaison du spiral et du balancier est théoriquement insensible aux variations de température, ce qui assure à la montre une régularité de marche optimale.
Ces balanciers monocomposés étaient très controversés auprès des horlogers et ingénieurs et peu croyaient à la précision qu’ils étaient capables d’atteindre. Charles Rosat qui aimait les défis équipa deux cartons de six pièces de ce type de balancier. Si l’équilibrage est opéré avec des vis en or jaune, en revanche, c’est bien un élément réglant révolutionnaire qui anime ces douze pièces rarissimes sorties de la manufacture début avril 1916 et dont la fabrication des ébauches remonte à décembre 1915.
Pour dissiper la perplexité probable des détracteurs de ce type de balanciers, ZENITH qui surfait sur le fil de la précision extrême livra ces douze modèles avec un bulletin de marche attestant de leur précision chronométrique.
Le très rare chronographe à balancier monométallique mis au point par Charles Rosat Si cela ne suffit pas à généraliser ce type de balancier sur lesquels les concurrents de la manufacture n’ont pas recherché à développer des produits analogues pour les commercialiser. En revanche, la performance demeure le fruit d’une initiative qui illustre les recherches permanentes menées au Locle en matière de conception des mouvements et de chronométrie.
Zenith va donc commercialiser deux chronographes simultanément voire trois pendant un certain temps , celui avec le calibre Valjoux, celui avec le calibre interne et celui avec un mouvement Le Phare.
Le calibre "simple" de chronographe mis au point par Le Phare Le succès du calibre Zenith sera d'autant plus grand que les armées d'Europe s'engagent dans un conflit armé sans précédent et que les armées sont demanderesses de chronographes de qualité.
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