Les montres Ulysse Nardin du ministère de la guerre
Une montre militaire répondant à un sévère cahier des charges. Les marchés concernant les montres de poche passés par les armées pendant et après les deux guerres mondiales furent particulièrement nombreux. Les montres commandées par les armées avaient pour la plupart les caractéristiques qualitatives communes synthétisées dans de sévères cahiers des charges telles qu’un acier non oxydable, une précision équivalente à celle d’un chronomètre et une étanchéité avérée, en particulier à la poussière. Les plus prestigieuses des manufactures d’aujourd’hui ont quasiment toutes une ADN militaire et une histoire qui à un moment ou un autre a croisé celle des instruments militaires. On ne citera pour mémoire que Vacheron Constantin, Zenith, Omega, IWC, Jaeger LeCoultre, ou encore Breguet ou Hamilton.
La montre est évidemment un instrument indispensable à une armée pour coordonner son action sur le terrain et même si la seconde guerre mondiale a sonné le glas des montres de poche, il s’en commandera encore jusqu’aux années 60…
Plusieurs corps militaires de nombreux états furent équipés de montres de manufactures Suisses et l'armée Française reçut ainsi en dotation des montres de poche équipées du calibre 19 lignes "6.2". Pour que ces montres d’une fabrication « spéciales » ne se retrouvent pas sur les marchés civils et pour bien marquer leur propriété militaire, les fonds vissés et les cadrans furent marqués d’un numéro identifiant la montre ainsi que la mention « MG » pour Ministère de la Guerre. Elément marquant, la montre est équipée d’aiguille pommes et non d’aiguilles « Mercédès » ou ailes de mouches au radium beaucoup plus fréquentes sur les montres militaires.
Une pièce rare résultat d’une production limitée. Une recherche dans les livres de la manufacture Ulysse Nardin permet d’établir que ce mouvement fut produit dans une quantité limitée notamment en 1919. Ulysse Nardin n’en dénombre que 4484 exemplaires dont moins de 1000 furent livrés à l’armée française. Ce chiffres reste toutefois théorique car rencontrer un numéro supérieur à 500 inscrit sur le cadran ou le fond est semble-t-il impossible.
Livrées par cartons de 6 pièces, ces montres avaient la particularité de disposer d’un joint d’étanchéité et d’un fond vissé avec six encoches permettant un serrage parfait au moyen d’une clé ou le cas échéant avec la main. La mention « Acier inoxydable » inscrite sur le fond de la boite laisse imaginer une livraison aux armées aux alentours de 1940 et en tout état de cause avant 1948 puisqu’à partir de cette date le ministère de la guerre devint celui de la défense nationale. Le cadran en émail était directement numéroté au moment où les chiffres et les minutes en chemin de fers étaient peints de sorte que la numérotation ne pouvait être effacée par exemple pour donner une « vie civile » à la montre.
Un mouvement de haute qualité avec une précision chronomètriqueLe mouvement de 19 lignes est particulièrement soigné. Outre un anglage soigné des ponts, la plaque de contre pivot et le contre pivot à l’échappement dénotent une finition haut de gamme. La raquette à disque excentrique basée sur un brevet de 1903 peut être vue sur les mouvements d’autres manufactures et Zenith en acquerra finalement l’exclusivité pour ses montres. La dorure de grande qualité avec un aspect sablé « fin » supprime les reflets disgracieux sur le mouvement comme si ses concepteurs avaient imaginé que l’esthétique des calibres serait un jour un critère étudié. L’empierrement généreux de la montre est à noter car garant de qualité, il est aussi générateur d’un surcoût qui ne semble pas avoir fait reculer les services des armées. Le balancier bimétallique de grand diamètre achève de convaincre de la conception soignée de ce mouvement.
La précision de la montre est à l’image du savoir faire d’Ulysse Nardin et donc irréprochable dans sa fiabilité. Montre du génie, cette pièce est le témoin du savoir faire d’Ulysse Nardin dans le domaine des montres de poche à une époque où la manufacture triomphait dans les concours internationaux de chronométrie organisés par l’Observatoire de Neuchâtel. C’est dans la catégorie des chronos de marine qu’Ulysse Nardin s’était octroyé un véritable monopole des victoires avec des résultats d’autant plus brillants et aisés que la manufacture avait découragé ses concurrents de se comparer quant aux performances de leur pièces de cette catégorie.
Une pièce de collection Ces pièces militaires sont évidemment recherchées des collectionneurs et ceci d’autant plus que leur précision chronométrique demeure après près d’un siècle. Ulysse Nardin a décliné ce même mouvement avec deux autres types de raquette, l’une monoflèche de type classique et l’autre version est dotée d’un col de cygne permettant un réglage fin. La raquette à disque excentrique qui favorise un réglage de qualité sans outil particulier puisque le brevet mentionne la faculté de régler le disque avec la pointe de l’ongle, ne semble pas avoir été exploitée ailleurs que dans les montres militaires à de rares exceptions près.
Comme aime à le dire un grand collectionneur de montres militaires, en posséder une est une chance, en posséder six dans leur carton de livraison est divinité… sans aller dans cette voie, il doit être souligné que ces montres sont très prisées des collectionneurs et connaissent à ce titre une inflation qui leur fait dépasser la cote rare des 1000 euros, ce qui est exceptionnel pour une montre de poche en acier sans complication.
Il sera par ailleurs noté qu’il existe des variantes de ce mouvement dont une avec un affichage de réserve de marche à midi qui fut livré sur quelques rares montres militaires et plus fréquemment sur des pièces à vocation commerciales. On retrouve également cette architecture de mouvement sur un calibre de 22 lignes de la manufacture Ulysse Nardin.
L’intérêt de cette pièce résulte autant de son histoire que de ses qualités horlogères exceptionnelles et du prestige de la manufacture qui l’a produite. La boite en acier inoxydable permet sans grand risque de s’offrir le plaisir de la porter et de pouvoir présenter aux amateurs de plus en plus nombreux de belle horlogerie, une pièce de prestige à la fois simple et rare, fiable et particulièrement soignée.
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