Benjamin Wright Raymond, le visionnaire de l’horlogerie américaine
Benjamin Wright Raymond
L’industrie a ses propres héros. Des visionnaires qui ont marqué leur temps en anticipant le développement de l’industrie qu’ils portent. La période située à la fin du 19ème siècle fut celle des pionniers de l’industrie moderne. Benjamin Wright Raymond fut l’un d’eux. Fondateur associé de la manufacture Elgin, il donna naissance à un immense complexe industriel horloger qui fabriqua d’immenses volumes de montres, ceci sans équivalent sur le territoire américain. Un défenseur du libéralisme Benjamin Wright Raymond est né le 15 juin 1801. Fervent défenseur du libéralisme, il se consacra d'abord à la politique et représenta le Parti whig, un parti politique américain de la droite libérale, créé durant l'hiver 1833-1834 pour s'opposer au président Andrew Jackson. Le nom des « whig » fait référence à un parti politique du même nom existant depuis le XVIIe siècle en Angleterre, opposé au pouvoir du Roi et à la restauration. Parmi les défenseurs et adhérents du parti américain, Abraham Lincoln en fut certainement le représentant le plus célèbre.
B.W Raymond fut élu maire de Chicago de 1839 à 1840 puis de 1842 à 1843. Raymond était un libéral hautement convaincu du bien-fondé de la libre entreprise. Lorsqu'il eut terminé son second mandat de maire en 1843, il construisit la première usine de laine dans l'Illinois précisément à Elgin. Raymond fut également président de la Fox River Railroad, qui reliait par voie ferroviaire Elgin à Lake Geneva, Wisconsin.
La Génèse d'ElginEn 1864, JC Adams de la Waltham Watch Company, célèbre manufacture de montres, contacte Raymond afin de créer une entreprise d'horlogerie dans le Midwest. L'horlogerie apparaît comme un secteur prospère au regard du nombre de personnes à équiper en montres précises et fiables.
Le milieu économique américain est très sensibilisé à l’universalisation de la détention individuelle de l’heure. Les bassins industriels nombreux aux Etats-Unis induisent que les personnels puissent travailler ensemble voire se succéder sur les chaines d’assemblage et ainsi contribuer à mieux rentabiliser l’outil industriel. Une montre pour tous devient une sorte de leitmotiv porté par les patrons. L’industrie horlogère promet d’être prospère d’autant plus que les militaires vont s’intéresser de très près à l’horlogerie pour équiper chaque soldat ce qui constitue un immense marché.
Benjamin Wright Raymond est un homme avisé. Un temps réticent à s’engager dans l’horlogerie dont il mesure la sévère concurrence non seulement sur le territoire américain mais aussi au regard des manufactures qui fleurissent en Europe et en particulier en Suisse, il se laisse finalement convaincre par Adams qui est un habile négociateur et qui fort de son expérience inspire une confiance sans faille de la part de Raymond. Le pari économique n’a de sens que s’il débouche sur un projet gigantesque susceptible de rivaliser avec les manufactures existantes.
Les ateliers Elgin en 1890
Raymond fait alors obtenir à Adams un terrain de 142 000 m² sur lequel va être implantée l'une des plus grandes manufactures horlogères de l'histoire. Le bâtiment immense sera achevé en 1866 et abritera la société Elgin Watch Company. Celle-ci pour rendre hommage à Raymond qui devint l'un des associés fondateur de la manufacture horlogère va désigner certains modèles, essentiellement des montres de chemin de fer dites « railroad » sous le nom de BW Raymond sans qui l'entreprise n'aurait pu pas s'installer et prospérer. Le nom de Raymond va figurer sur des cadrans et des calibres fabriqués par Elgin. Le nom de Raymond va ainsi devenir aussi célèbre dans l’horlogerie que celui de la marque Elgin qui en sera le support. Ce sera aussi une référence qualitative dans les collections Elgin.
Une production immenseEn 1910, comme la plupart des autres manufactures américaines, Elgin créa son propre observatoire le « Elgin National Watch Company Observatory » afin de disposer sur place des équipements permettant à l'entreprise de parfaire le réglage de ses montres. Tandis qu’en Suisse les observatoires relevaient des Cantons et avaient une vocation publique, les observatoires américains attachés aux manufactures horlogères étaient des structures privées internes aux marques. La Seconde Guerre mondiale emporte Elgin dans la fabrication de viseurs et d'instruments destinés à l'armement pour le Ministère de la Défense américain. Le marché militaire est immense mais son développement est de courte durée. Les marques obligées de s’y consacrer pleinement pour tenir les carnets de commandes très exigeants des armées, y perdent une partie de leur clientèle civile qui se reporte sur d’autres marques et surtout limitent leur progression envers une clientèle plus durable. L’entreprise se trouve déséquilibrée par son engagement auprès des armées et lorsqu’elle tente de se redresser les besoins de la clientèle ont changé. La montre de poche est remplacée par les montres bracelets à remontage automatique. L’industrie horlogère se doit d’être extrêmement réactive à peine de se retrouver condamnée à ne plus occuper que des marchés réduits à peu de chose.
Elgin va peiner comme toute l'industrie horlogère américaine à se redresser et la manufacture fermera ses portes en 1964 après avoir produit plus de la moitié de toutes les montres fabriquées aux Etats-Unis. Un géant de l’horlogerie s’effondre alors démontrant la fragilité des marchés et la vigilance élevée, indispensable à la conduite de ce type d’entreprises.
Les volumes de montres produits par Elgin sont si imposants qu'il reste de quoi assurer des services sur les montres pendant plusieurs siècles ! Elgin sut puiser dans les modèles de ses concurrents ce qu'ils avaient de meilleur et le mit à profit pour elle-même. Ainsi la réserve de marche affichée en 1935 sur les montres de poche Elgin apparaît 20 ans plus tôt chez Waltham.
Elgin fut sans doute l’une des manufactures les mieux pilotées de l’industrie américaine. Elle fit des montres pour les compagnies de chemins de fer nord-américaines, ce dont elle profita pour fonder sa communication auprès de la clientèle civile et étendit la distribution sur tout le territoire américain avant de conquérir le monde. Son approche dynamique du marketing et de grandes campagnes de communication assurèrent la prospérité de la manufacture. Elle travailla beaucoup notamment pour l'Armée américaine, scella des accords avec des marques suisses pour emboîter des mouvements suisses sur le territoire américain, condition de leur vente sur ces territoires, et explora le marché européen.
On doit à Elgin, des montres pour l'Aéronavale américaine reconnues parmi les meilleures du genre.
La manufacture, pour ses montres de poche, eut une inventivité sans limite, notamment sur les raquettes de réglage dont les variantes sont très nombreuses. Elle n’hésita pas à élargir ses gammes au maximum des modèles les plus simples dans des boites en nickel avec un empierrement réduit pour proposer des prix bas jusqu’aux pièces les plus sophistiquées à 23 voire 25 rubis dans des boites en or. Elgin produisit aussi d'excellentes montres bracelet dont des modèles automatiques fort appréciés et fiables. Les modèles bracelets sont plus rarement signés du nom de B.W Raymond.
Raymond disparut le 6 avril 1883 mais son nom restera ancré dans la mémoire collective des Américains à force d'être reproduit sur les cadrans des plus belles montres de chemins de fer. La tombe de Benjamin Wright Raymond est toujours visible aujourd’hui, dans le cimetière de Graceland à Chicago dans l'Illinois.
Droits réservés - Forumamontres - Joël Duval - Janvier 2016