Je précise en préambule de cette histoire que je ne suis pas superstitieux et ne crois en aucune manifestation surnaturelle. Je reste prêt à y croire si demain matin ma table de nuit est remplie de billets au réveil...
Cette histoire de déroule dans l'Est de la France. On est à la fin des années 50 dans une famille qui vit du travail du père chef d'équipe dans une compagnie minière. Paul est le fils aîné de la famille âgé de 14 ans et Raoul le fils cadet âgé de 12 ans. Jean, le père a cinquante ans et Monique, la mère vivent paisiblement dans une petite maison dotée à l'arrière d'un petit potager que cultive le père de famille.
Jean tousse énormément et le médecin n'arrive plus à calmer sa toux malgré des tentatives avec toutes sortes de sirops.. Un soir du mois de mai, Jean très affaibli, se sent partir. il est à demi-conscient mais de ses dernières forces, il parle à chacun de ses enfants pour leur dire adieu parce le médecin ne lui laisse plus que quelques heures.
Tout le monde est en larme, Monique bien sûr mais aussi les enfants tous les deux nés à deux heures moins le quart du matin. Jean les avait surnommés les nocturnes et lorsqu'il les voit pour la dernière fois, il leur parle de leur heure de naissance pour détendre l'atmosphère. Il sourit même pour ne pas leur laisser une image négative. Les enfants peinent à imaginer que le reste de leur enfance se déroulera sans leur père.
Ce dernier a vécu son enfance élevé par sa grand-mère qui pratiquait le spiritisme. Jean fut le témoin de scènes troublantes notamment à la fin des années 1920 lorsque dans la salle à manger, une table s'est mise à tourner et qu'il a ressenti une sorte de chaleur accompagnée de bruit répondant à des questions sur le lieu d'enterrement de membres de la famille morts pendant la grande guerre. Jean ne croit pas en Dieu mais il a toute sa vie durant évoqué ces drôles de choses que sa grand-mère réussissait à faire.
Les recherches ultérieures ont démontré que les informations recueillies ce soir là étaient justes. Les membres de la famille étaient bien là, enterrés précisément où la grand-mère les avait vus. Jean pour consoler son fils Paul, lui dit que s'il peut, là où il est, il viendra se manifester pour lui faire comprendre qu'il reste à ses cotés. "Je viendrai à 2 heures moins le quart, un jour pour faire quelque chose qui te fera me reconnaître". Jean disparaît quelques heures plus tard;
Le gamin va s'accrocher à cette promesse pendant des mois. C'est lui qui a récupéré la montre de poche de son père, une montre sans marque, en panne et dont les aiguilles sont bloquées sur 11 heures moins cinq. Il l'a accrochée au mur de sa chambre et elle est devenue le symbole de sa vie passée heureuse et tranquille.
Le 21 septembre est la date anniversaire de Paul qui aura 15 ans en cette année 1954. Il se couche le soir, la veille de ses 15 ans sans le plaisir de savoir qu'il fêtera cet anniversaire avec son père. Il peine à s'endormir ... Il décroche la montre en panne du clou sur lequel elle est pendue et la pose machinalement sur une étagère de sa chambre. A Deux heures moins le quart du matin, il entend la montre de son père dont le mouvement fait tic-tac. Il allume sa lampe de chevet et va contrôler la montre. La montre n'est pas à l'heure lorsqu'il allume la lumière mais sa trotteuse tourne normalement.
Au petit matin, à 7 heures, heure habituelle du lever, la montre est sur 2 heures moins le quart. La promesse de son père est omniprésente dans la tète de l'adolescent. Il en parle à sa mère qui dit qu'à 2 heures moins le quart ce matin, elle a été réveillée en sursaut. Le gamin est intrigué et va voir l'horloger dont le fils est l'un de ses camarades de classe. Il a raconté à ce dernier son expérience et l'adolescent en a parlé à son père qui a demandé à voir la montre.
Le verdict de l'horloger éloigne le gamin de l'irrationalité dans laquelle il avait mis le pied. " Les aiguille se touchent à peine lorsque la montre est à 11 h moins 5. Cela explique l'arrêt de la montre. La bouger et/ou une dilatation légère près d'une source de chaleur peut suffire à débloquer les aiguilles pour la réserve de marche résiduelle. Le hasard a voulu que ce soit à 2h moins le quart". L'horloger redresse les aiguilles et a finalement convaincu le gamin que la montre n'avait aucunement manifesté la présence de son père. En 1958, pourtant, le gamin redeviendra sceptique. Non seulement la montre s'arrête le 21 septembre à l'heure de son anniversaire mais cette fois c'est le ressort qui se casse à cette heure là.
L'horloger est à nouveau sollicité et sans se démonter, il explique que c'est le fruit du hasard d'autant que sur une montre de poche, il n'y a pas d'heure du matin ou de l'après-midi. Il répare la montre et découvre une inscription à l'intérieur du cache poussière. On la lit avec une certaine position de la lumière et elle semble avoir été tracée avec une aiguille fine à main levée. "2 h moins le quart, l'heure de mes chéris" Elle fait tout le tour du cache poussière. Le bijoutier est formel. Cette inscription a plusieurs années car elle est en partie couverte par un peu d'oxydation" .
La montre est révisée et restituée au jeune homme. Elle ne fera plus jamais parler d'elle. Dans les années 1980, Paul devenu un vieil homme racontait cette histoire à ses petits enfants. L'un d'eux est né à 2 h moins le quart du matin un 21 septembre. Paul voulait y voir un signe. Le gamin a hérité de la montre et c'est lui qui transmet cette histoire aujourd'hui. Il y d'autant plus sensible que jeune papa, son propre fils est né en 2014, le 21 septembre à 2 h moins le quart du matin.
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Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).