Avertissement : ceci n’est pas une revue, ni un compte-rendu, au sens étroit du terme. Le site des Lundis Bleus est parfaitement conçu et toutes les informations sur les montres et le concept y sont présentes. Ce texte n’est qu’un texte, un ensemble de remarques et de pensées, plus quelques photos pour illustrer le tout.
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A l'ordinaire, je ne suis pas vraiment sujet aux achats "coup de tête" causés par une découverte sur internet (ou même ailleurs). Avec les Lundis Bleus, cela s'est passé un peu différemment. J'essaie de me remémorer ce qui m’a poussé à acquérir le premier modèle de cette micro marque de La Chaux-de-Fonds.
Le déclic, en plus du fait – évidemment - que j'ai de suite trouvé cette montre tout à fait à mon goût, a été le nom. Lundis Bleus. Un nom évocateur. Il évoque plein de choses, mais n'en signifie qu'une. Le lundi bleu, en vogue surtout au 19ème siècle, est ce lundi chômé après une dure semaine de travail. Il est parfois suivi du mardi. Voire du mercredi. Le lundi bleu est ouvrier. Et quasiment toujours bien arrosé. A la recherche des origines de ces lundis bleus, les historiens en sont en effet arrivés à la conclusion, qu'après au minimum onze heures de travail quotidien, samedi y compris (souvent, les ouvriers passaient même la nuit du samedi à terminer des commandes), les ouvriers aimaient passer un peu de temps dans les tavernes des cantons suisses ou s'adonner à des libations dans la nature. D'où ce lundi. Lundi bleu, bon lundi, Saint Lundi.
Lundis bleus donc. Absentéisme. Alcool. Discussions passionnées. Ambiance. Bagarres. Amis. Collègues. Oubli. Détente. Et puis, repos. Mais aussi : travail, connaissances, mérite, long apprentissage, maîtrise technique, respect. Un équilibre. Tout est lié.
J'ai donc rapidement pris la décision d'écrire aux créateurs de cette marque. Quelques mails échangés et je prends une double décision : acheter la montre et passer à la Chaux-de-Fonds leur rendre visite au retour d'un voyage en France.
Après la route depuis le Périgord pourpre, nous arrivons à La Chaux-de-Fonds, au-delà du brouillard. Dans un bel immeuble d'une grande artère de cette petite ville, Bastien, l'un des deux fondateurs (Bastien Vuilliomenet et son compère, Johan Storni) nous ouvre la porte de leur bureau-atelier, un espace agréable et lumineux. Nous commençons de suite à parler de montres sur un fond de jazz et de blues.
Les questions s'enchaînent, mais rapidement nous passons à des choses plus concrètes. Les Lundis Bleus.
La première chose qui me vient alors à l'esprit ? Que l'on voit bien que les deux amis sont des professionnels de l'horlogerie (pour leur curriculum vitae, voir ici). Et le mot détail. Ou plutôt détails. Voilà les mots qui émergent, si je dois résumer l'esprit Lundis Bleus. Le nom, Lundis Bleus : un détail. Beau détail. Je n’entends pas ici détail comme chose de peu d'intérêt. Je l’entends comme attention portée à un (des) aspect(s) particulier(s) de la réalité qui est la nôtre.
Toute la montre est faite de détails.
Le boîtier ? En bassine, poli, avec le haut des cornes brossé. Les cornes sont dépendantes du fond du boîtier et renforcent l'effet bassine en prolongeant les courbes, mais aussi en créant une inversion de ces mêmes courbes. Beau.
Le fond ? ll reprend le logo - une molécule d'éthanol stylisée - et le nom de la marque tout en proposant une ouverture sur le calibre (masse oscillante avec décalque) à travers un verre minéral bleui. On est devant un mini-vitrail en l'honneur des philtres d'ivresse. Rigolo.
La couronne ? 7 encoches, c'est une petite bassine inversée qui vient se poser en souplesse sur le boîtier. Elégante.
Le cadran ? Ouch. Deux plaques superposées proposant deux textures différentes. Logo et index appliqués. Guichet de date avec police Lundis bleus et fond raccord avec la couleur du cadran. Le chemin de fer sur la seconde plaque avec les minutes (échelle de 5 minutes). Les aiguilles sont à la fois imposantes et particulièrement élégantes. Elles sont relativement larges, mais creusées en leur centre et très fines, ce qui crée un contrepoint intéressant. Trop de choses à dire.
Le bracelet ? Bicolore. L'envers est bleu ou... rouge. Avec la glace du fond de la même couleur, évidemment. En croûte de vachette poncée. Petit côté négligé tout en retenu qui ajoute à l'originalité de l'ensemble. Complexe.
La boucle ? Ardillon avec trois textures. Elle complète l'ensemble. Elle rappelle l'ensemble. Avec ses lignes, elle rappelle le boîtier, avec son satiné sur le dessus, elle rappelle le bracelet. Détail(s).
Vous l'avez compris, elle me plaît bien cette montre. Et la rencontre ?
Bastien est disponible. Il répond à toutes nos questions sans ambages. Positionnement, concept, clientèle, approche marketing, projets, fonctionnement.
Les Lundis Bleus sont des montres réalisées avec soin. Les fournisseurs sont choisis avec une grande attention et la communication est claire : ils sont en majorité asiatiques. Les pièces et le calibre le sont donc aussi. J'ai lu ici et là des remarques sur la présence d'un Miyota dans les entrailles des Lundis Bleus et sur le fait que le prix devrait être plus bas. Je ne pense pas. Je comprends le cheminement de la pensée, mais je ne suis pas d'accord. En discutant avec Bastien, il ressort très clairement que le sieur connaît très bien les fournisseurs, les différents grades de qualité et l'épithète asiatique ne veut aucunement dire basse qualité. Il faut savoir choisir. Et contrôler. Bastien et Johan choisissent, contrôlent, assemblent, recontrôlent. Et proposent une garantie de 5 ans et une première révision comprise dans le prix. Regardez ce que Johan arrive à sortir d’un Miyota en jouant un peu avec, petit clin d'œil à ceux qui sont dubitatifs devant ce mouvement japonais.
Non, la montre n'est pas donnée. Mais quand on l'a dans les mains, tous les préjugés sur les fournisseurs asiatiques disparaissent. Les détails et le soin apporté à l'assemblage apparaissent. Le calibre est réglé avec une tolérance de -10/+10 secondes par jour, mais dans les faits, on est plus souvent dans les tolérances du COSC (la mienne l'est bien). Il est évidemment vérifié, tout comme la qualité et l'intégrité des boîtiers, des bracelets, des boucles, etc. Je me répète : les deux fondateurs sont tous les deux horlogers avec une expérience plus que conséquente dans le milieu (Renaud & Papi, La Joux-Perret, Richard Mille, Corum, Roventa-Henex). On n'achète pas une montre assemblée à la va-vite sur un coin de table. On achète quelque chose de pensé et de parfaitement réalisé. On achète des connaissances et un travail. Les pièces détachées ne sont pas tout. Elles sont importantes, mais ne sont qu'une partie de la valeur ajoutée de l'objet.
Il n'y a pas de points de friction entre le discours internet, le discours en direct et l'objet que l'on a dans les mains. On ne nous vend pas du rêve. C'est l'impression que j'ai en parlant à Bastien et en le questionnant sur sa vision de l'horlogerie actuelle. Il y a toujours de la retenue dans ses paroles, un respect de la concurrence et du travail des autres. Bien sûr, tout ne lui plaît pas. Et c'est pour ça qu'eux proposent ce qu'ils proposent. Ils agissent. Un produit bien fait, à un prix accessible, avec une approche personnalisée, une recherche conceptuelle, une petite histoire inscrite dans une historicité factuelle et quotidienne, sans grandiloquence ni contes de fées.
J'ai acheté un projet sans prise de tête, une montre qui me propose quelque chose de cohérent et de concret. Pour le reste, j'ai mon OP et ma Chronomaster. Et une petite mamie Omega. Qui ont trouvé refuge dans... la boîte dans laquelle est arrivée ma Lundis Bleus.
Comment conclure ? Je suis convaincu. Cette montre m'apporte vraiment du plaisir. J'aime les mots, j'en ai fait mon métier et cette montre me
parle. Elle me raconte une certaine histoire du monde ouvrier, un certain art de vivre. J'aime ça.
Et j'aime aussi les projets des
Lundis Bleus. L'émaillage grand feu.
Je rêve de la mienne avec un morceau d'un tableau de Paul Klee. L'art et l'ouvrier. L'art ouvrier.
dejinytravy----
Voici deux-trois autres photos :