Nicolas Mathieu Rieussec inventeur du chronographe à encre
Les cinq dernières années furent riches de rebondissements sur l'invention du chronographe. Il apparaît évident que les inventeurs de systèmes de mesures de temps courts n'ont aucunement tenté de copier qui que ce soit lors de la mise au point de leurs inventions. Il en est ainsi quand une invention est dans l'air du temps. Plusieurs esprits s'attèlent simultanément ou dans un laps de temps très court à développer chacun la leur. Leurs différences font leur richesse, leurs ressemblances démontrent qu'une même bonne idée peut germer simultanément dans plusieurs esprits.
Nicolas Mathieu Rieussec : D'horloger talentueux à horloger du roi Le nom de Nicolas Mathieu Rieussec (1781 - 1866) est indéfectiblement associé à l'invention du chronographe même si Louis Moinet semble l'avoir précédé en 1816 avec un mécanisme très différent du sien. Rieussec devient horloger en 1802. Il a seulement 21 ans. Pendant des années, il travaille dans sa boutique parisienne de l'île de la Cité où il se fait une réputation d'horloger de bon niveau. Cela lui vaut en 1810 d'être répertorié parmi les 222 horlogers de Paris dans l'Almanach du commerce.
Son destin s'accélère quand après la chute de Napoléon, Nicolas Mathieu Rieussec est nommé horloger du roi Louis XVIII en 1817. Il devient alors, en 1818 sur sa demande, horloger du garde-meuble royal, bureau gouvernemental chargé de gérer les meubles et illustrations utilisés pour décorer les résidences royales.
Nicolas Mathieu Rieussec chronomètre alors une course de chevaux sur le Champ-de-Mars comme il s'en organise régulièrement à l'époque. Il ne se charge pas de mesurer les performances du seul vainqueur mais prend en charge la mesure des temps de tous les participants. C'est une grande première qui illustre ce que sera par la suite le chronométrage sportif. Le travail est de grande ampleur et supposerait, sans l'invention de Rieussec, un appareil de mesure pour chaque concurrent. Cette fois un seul instrument de mesure assure le marquage de chaque résultat. Le succès est à la dimension du défi à la fois étonnant et scientifiquement passionnant. Le travail accompli par Rieussec est reçu par un concert de louanges. Son talent devient une référence internationale.
L'invention du chronographe encreur En 1822, Rieussec obtient un brevet de cinq ans pour l'invention de son chronographe à secondes ou "chronographe encreur". Cet instrument, muni d'une aiguille et d'un réservoir à encre, permet d'inscrire le temps sur le cadran. Dès l'année suivante, Fatton perfectionnera le système pour Abraham-Louis Breguet. Nicolas Mathieu Rieussec meurt en 1866 et son fils Joseph-Ferdinand devient à son tour horloger.
La pièce est dotée d'un totalisateur des minutes, une évolution fondamentale vers la modernité L'invention majeure de Nicolas Mathieu Rieussec va marquer l'histoire. Son chronographe encreur est monté initialement dans un coffret en bois de palissandre. Il dispose d'un cadran en émail incrusté dans une plaque de laiton doré. Celui-ci comporte des divisions en secondes numérotées par groupes de cinq, avec un cadran de cinquièmes de seconde sous l'indication 60. Des poussoirs pour "marche/arrêt" et "pointage" commandent les fonctions et un réservoir d'encre assure le marquage sur le cadran en émail. Le mouvement comporte une double platine en laiton et acier ainsi qu'un grand barillet. L'échappement est à cylindre. Le balancier est simple en laiton (les balanciers bimétalliques n'existent pas encore) et le remontage par un grand bouton qui tourne dans le sens inverse des aiguilles d'une montre est situé à l'arrière. La taille est limitée puisque le chronographe mesure 80 x 106mm.
Avec cette invention, Nicolas Mathieu Rieussec obtient un obtient un brevet de cinq ans, le 9 mars 1822, pour "un garde-temps, ou compteur de chemin parcouru", appelé chronographe à secondes, indiquant la durée de plusieurs phénomènes successifs". Rieussec avait réellement imaginé son instrument pour les seules courses de chevaux mais très rapidement, de nombreuses autres utilisations vont le rendre très utile et adapté. L'un de ses chronographes équipe des savants tels Humboldt, Arago, Prony, etc., pour mesurer la vitesse du son à Montlhéry le 21 et 22 juin 1822.
Rieussec ne cesse d'améliorer son chronographe. Dispositif d'arrêt du chronographe Le 16 janvier 1838, il obtient de nouveau un brevet cette fois pour dix ans pour les "perfectionnements" qu’il a apportés à son invention. L'un des développements les plus marquants est la conversion du cadran mobile avec index fixe en cadran fixe avec index mobile. Rieussec fait sans cesse évoluer son chronographe qu'il finit par assembler dans une boite en laiton vers 1845. Il y intègre par la suite un totalisateur des minutes. Il se rapproche à petits pas du chronographe moderne.
Chaudé, Horloger de la Marine, 35 Palais Royal à Paris, succède à Rieussec dont il continue à vendre les inventions en y apportant sa touche personnelle. Le chronographe pourvu d'un système de marche/ arrêt sur le côté et d'un poussoir sur le dessus a probablement servi à la marine française. Il prend alors une forme moderne et son utilisation militaire lui confère une autre gloire. L'instrument est rare. Devenu pièce de musée, il s'inscrit dans le patrimoine historique de l'horlogerie comme le premier à avoir pu mesurer plusieurs temps et comme une pièce originale issue d'un esprit inventif et innovant. Rieussec est à jamais une référence pour ce qui concerne les chronographes. Il est le créateur du chronométrage sportif moderne et son invention donne une idée de l’ampleur de son génie. Il a passé sa vie autour de son chronographe, fidèle à l’objectif de progresser sans cesse.
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