Posons les valises ensemble et tentons un regard différent ...

Les amateurs de montres sont en général très "conservateurs". La montre doit être ronde, pas trop large, pas trop épaisse et dans des couleurs classiques… Un bracelet Nato est une fantaisie qui est acceptée parce que venue d'ailleurs mais on est à la limite de l'hérésie. "Si du chemin tracé tu t'écartes, la risée de tous tu seras" …

J'avoue avoir souvent et depuis fort longtemps caressé l'idée d'avoir une montre à moi faite de ce que je préfère ici ou là, une sorte de combinaison improbable qui n'ait de valeur que pour moi et dont je me fiche pas mal si elle est ou non reconnue par d'autres comme une vraie montre. L'idée des pièces uniques me séduit et en même temps, je me dis que ce serait dommage de déconstruire une montre pour en fabriquer une autre.  

Un jour, il y a quelques années, un prototype de Zenith fut mis sur mon chemin. Deux exemplaires de travail dans les années 1997/98 et pas de suite donnée. C'est le sort de la plupart des prototypes qui ne sont jamais transformés en modèles commerciaux. Cette fois, c'était Alfieri, le designer de Richard Mille notamment qui avait été sollicité pour une boite en damas sur un projet de chrono El Primero de grand diamètre. L'objectif était de créer un nouveau design.  Il réalisa lui-même à la main les boites alliant titane et damas.


Ce proto fut réalisé avec un cadran de Rainbow Flyback et un calibre 3019 et une boite en damas inox.  

Dans le même temps, je rêvais d'une Navitimer avec un calibre automatique El Primero. J'avais trouvé une 806 en quasi-épave que j'avais faite rénover par Breitling qui m'avait fait un excellent travail. Cela m'avait fait germer l'idée que cette montre avec un calibre à remontage automatique serait fabuleuse mais pas un calibre courant, un beau mouvement de manufacture. Le seul calibre de chrono fiable et plat est le El Primero (était). On a fait avec un horloger des tests et rien ne collait. La boite était inadaptée en hauteur, les pieds de cadran ne coïncidaient pas, les écartements des compteurs non plus… Bref, il aurait fallu tout refaire. Le projet s'arrêta là.

L'idée s'était endormie et puis c'est un Ukrainien qui m'a redonné l'envie. Avec un calibre de chronographe savonnette Zenith, il avait fait une montre bracelet. La beauté du cadran avec ses grands compteurs me faisait pleurer de ne pas avoir trouvé le chrono dans son état initial mais j'en avais par ailleurs déjà plusieurs et j'avais même avouons-le caressé l'idée d'en extirper une pour une montre bracelet.

Cet Ukrainien avait fait exactement ce que je cherchais avec le bon calibre et le bon cadran .


Ô sacrilège, crieront les puristes mais je m'en fiche puisque moi au moins je peux avoir tous les jours cette montre sous les yeux et je l'ai en version bracelet dans un format certes grand (46 mm) mais ce chrono a de la gueule. La mise à l'heure est faite par un poussoir forcément et l'étanchéité est inexistante mais qu'à cela ne tienne, je fais attention. Avoir le cadran, le calibre et les aiguilles d'origine c'est bien. Evidemment, pas d'antichoc mais diable, ce mouvement a une sacrée pêche et je ne suis pas karateka.


La suite de cette histoire est une autre montre. Là, je cherchais une montre de poche qui serait transformée elle aussi avec un calibre chronomètre et un cadran qui dépote, un truc original qui ne serait pas la montre de tout le monde. Un cadran qu'on ne montre pas sur un forum sans se faire lyncher et se faire taxer de mauvais goût mais mon idée était bien plus profonde et puis, je me moque bien des critiques. Je teste et j'analyse … Le goût esthétique contraire, forcément il y en aura mais cela n'a aucune importance dans mon expérience.

Une fois de plus un Ukrainien, un autre, fixa mon attention. Il débutait alors dans son "Art" car oui je pense que c'est un art. On connait tous les calibres massacrés. Ces mouvements de montres de poche squelettes dans la masse du laiton des ponts et platines et pas redoré ensuite. Les cadrans sont la plupart du temps collés avec du scotch double face car les pieds de cadran ont été massacrés. Bref, on assimile le travail à un vandalisme.

Cette fois, mon attention fut attirée par un travail soigné, avec dorure de qualité après le travail de sculpture, un travail précis et qui préserve l'intégrité technique du mouvement.


Ce travail est qualitatif. Il plait ou non mais il traduit un savoir faire réel. Je l'ai montré à des pros de la manufacture qui furent partagés je l'avoue entre un enthousiasme réel et une moue dubitative pour d'autres. Le cadran acheva de séparer les avis en deux … Le thème est très en vogue aux USA mais surtout, il est plus proche de la culture d'autres maisons pense-t-on et pourtant Zenith a fait des montres sur ce thème aussi. Plusieurs montres de poche ont des fonds gravés qui ont 100 ans et rappellent ce genre de sujet.  Cette fois l'Ukrainien qui a travaillé l'a fait non sur un cadran de récupération mais sur une création dans les règles de l'art.
A priori tout a été fait à la main sur cette montre mais depuis mon achat le travail s'est "modernisé" faisant appel à un appui par des machines. Il y a donc sur des pièces plus récentes moins de burin et davantage de gravure par laser. Voici le cadran …



J'entends d'ici les critiques mais pour une fois j'aimerais avoir des avis étayés et savoir ce que vous regardez (calibre, cadran, boite etc …).  Qui sait ce que cette idée peut provoquer !

Très belle gravure sur ce mouvement Zenith.

Donc idée c'est d'imaginer sa montre idéale ? Je partirais d'un mouvement manuel à longue marche, 5 à 8 jours, finitions HH avec des anglages à la Dufour. Et l'indicateur de réserve de marche au dos. Avec un boitier sans cornes, coussin ou rond, en titane par exemple, avec un bracelet du même métal.
Un cadran guilloché mais au design moderne, qui exprimerait du volume avec la petite touche sympathique comme par exemple la petite seconde qui passe sous l'applique, un truc que j'aime bien chez Mauron-Musy. Et probablement pas de date.

Enfin, c'est ce qui me vient là tout de suite, mais il faudrait que j'y réfléchisse plus longtemps.

travail original et soigné mais surtout c'est différent, j'aime bien   Avant tout quand j'achète une montre, je regarde la finition et la réputation du mouvement, vient ensuite la solidité du boîtier ainsi que la lisibilité du cadran. J'évite les boîtiers trop plats. Sur les chrono, la roue à colonne est préférée et la couronne vissée aussi. Je m'imagine mal inventer ma propre ma montre mais je retrouve souvent mon bonheur dans les fabrications de ce qui est antérieur à 1979 avec quelques rares exceptions pour les modernes.

Et puisque c'est Zen qui offre sa tournée, je rajoute un répétition minute à mes souhaits, pour faire bonne mesure.

Sinon c'est un tout que je regarde, difficile de séparer et si il y quelque chose qui me refroidit complètement, je passe. Mais probablement ma première tendance sera de regarder quel mouvement est embarqué, et les finitions du cadran. Mais tout à son importance.

Franchement moi j'adore, c'est quand même pas notre faute si la production actuelle
de mouvement est bien moins belle sauf a vouloir dépenser plus de 20k....

Ca me tente aussi regulierement de craquer pour ce type de montres, seul le diametre de 46/47 me rebute un peu, mais plus longtemps je sens

En gros, c'est sur l'idée de défoncer une montre pour en faire une autre?

Bah, ça dépend. Si c'est un truc générique, sans histoire particulière, le proprio peut bien faire ce qu'il veut. Il en restera toujours pour les puristes.

Apres, défoncer une montre rare ou a l'histoire particulière, là, oui, c'est un sacrilège.

Pour faire clair, Défoncer une Twingo de 1995 pour installer un jacuzzi à l'arriere: pourquoi pas.

Faire la même chose avec une De Tomaso Mangusta, là, je pense sincèrement et je souhaite que le mec aille en enfer...

Il y a au moins un membre de FAM qui pratique cet art :
https://forumamontres.forumactif.com/t191834-mon-site-mon-atelier

Personnellement, je ne suis pas client des mouvements décorés.
Un mouvement peut être beau sans gravure seulement par sa conception.

Pour les cadrans, pas client non plus. Un cadran doit permettre une lecture de l'heure aisée sinon c'est juste un bracelet.

Par contre, j'aime bien les boîtiers ciselés/sculptés dans leurs déclinaisons modernes.
Il me semble en avoir vu ici mais je ne retrouve pas les posts.

ZEN a écrit:

...

La dernière est magnifique - aiguilles feuille peut-être a la place?- et Zenith devrait s’en inspirer! 

Oui, et cela aurait été meilleur encore si la disposition des torons de la corde était moins détaillée et fouillée, et que ceux-ci, moins nombreux, se contentaient de marquer les secondes ou les minutes. Trop d'affèterie tue la praticité...

À part ça, Zenith envoie le bonjour à Layer Watches, ainsi qu'à la première inspiration d'Akrone pour son chrono, avec ce boîtier Damas

Aeromariner a écrit:

Oui, et cela aurait été meilleur encore si la disposition des torons de la corde était moins détaillée et fouillée, et que ceux-ci, moins nombreux, se contentaient de marquer les secondes ou les minutes. Trop d'affèterie tue la praticité...

À part ça, Zenith envoie le bonjour à Layer Watches, ainsi qu'à la première inspiration d'Akrone pour son chrono, avec ce boîtier Damas

Tu nous fait une Zen-ith   !

Non, du tout, déjà car j'apprécie le bonhomme; qu'à part la dernière du trio du jour, je les verrais bien à mon poignet; et que de toute façon et de manière générale, je ne juge pas la personne par sa montre (ou ses chaussures, ou je ne sais quoi d'autre)

Ce qui compte pour moi, c'est la démarche intellectuelle et la qualité du travail. Peu importe que l'idée soit complexe ou simple, pourvu qu'elle soit cohérente et maitrisée, avec un résultat net.

J'ai été virulent sur 2 montres sur FAM: un machin rouge et des copies hommages... des... d'autres machins bien pâles. La première (le machin rouge) ressemblait à une fulgurance éruptive d'adolescent devant un poster de Samantha Fox et l'autre (le truc pâle) présentait tout d'une inspiration bien trop romantique pour que le concepteur se soit intéressé au résultat. Bref, des truc bancales dès l'origine.

Dans ce que tu nous montre :
- La Zenith proto : la performance tient dans le travail de l'acier. Le choix de l'absence de marquage sur la lunette rend inutile la lunette puisqu'elle n'a plus sa fonction. Il y a donc un déséquilibre entre la fonction (absente) et ce qui porte cette fonction (toujours présent). Il faut donc quitter le champ du pratique pour regarder l'ensemble, mais il me manque des informations pour comprendre ce choix de lunette si large sans fonction, alors en l'état, je ne peux pas apprécier. Il faut donc quitter le champ "'artistique" ou "design" pour réagir émotivement ; la lunette doit être agréable à toucher avec ses courbes de niveaux (terrestre) ou aériens (pressions)... Le cadran mesure le temps sur terre ou dans les cieux... Bref, c'est un boitier sensoriel, tactile, spirituel...

- La Zenith chrono : j'adhère ; il s'agit de redonner une nouvelle vie à des éléments laissés intègres, de faire que des objets nous survivent. Rien ne se cré, tout ce se recycle, nous même également.

- la Zenith de la mort : c'est marrant (!). Mélange des genres à priori. La qualité de la gravure des platines et ponts ne semble souffrir d'aucune critique, avec un petit effet qui me semble rare (les pros jugeront) : les volutes sont en générale gravées en creux et là, elles me semble dégagées. Quant au cadran, le thème me laisse indifférent : un phare, une chauve-souris (?), un marin, un squelette, 13 +1 étoiles, un noeud plat, une mandoline... Sans plus d'info, je ne peux que m'en remettre à ma première impression : bah, c'est pas joli. Si c'est joli, c'est bien fait mais... mais voilà, ça me cause pas.