L'expérience n'a pas duré très longtemps mais Swatch a fait il y a quelques années, 10 ans en tout, un chronographe automatique. L'idée était dans le vent depuis plus de 10 ans à l'époque et Nicolas Hayek a souhaité aller au bout de la démarche avec un calibre totalement amorti, le Lémania 5100 tué par le 7750 d'ETA.
Le 5100 est un calibre à compteur filant et non sautant comme le 7750 et il fut utilisé dans plusieurs Seamaster et Speedmaster par Omega mais aussi par nombre d'autres maisons comme Tissot, Sinn, Fortis etc...
Avant de faire son chrono automatique, Swatch fit au doigt mouillé une évaluation des prix que sa clientèle pourrait investir dans ce type de modèle. Les études démontraient qu'un prix public autour de 350 chf ne pouvait guère être dépassé. Le cahier des charges des concepteurs de cette montre fut donc d'abaisser les coûts. Cela revenait à jouer sur certains composants : Une boite en plastique, pardon en résine, fut donc préférée à la boite acier, le verre saphir fut adopté mais avec une finesse digne des tranches de jambon servies par la Sodexo dans les hôpitaux, le cadran fut imprimé mais cela arrive aussi dans les marques dites "chères", et il fallut ensuite s'attaquer au mouvement. Le nombre de rubis fut donc réduit de 17 à 15, il est vrai que cela ne change rigoureusement rien sur le rendu du calibre, la fréquence de 28800 alternances par heure pour la version originale fut abaissée à 21 600 alternances (fréquence fétiche d'Omega) faisant passer la réserve de marche de 40 à 46 heures, le remontage par la couronne en plus de l'automatique fut maintenu après moultes hésitations et la date rapide évidemment conservée. Le totalisateur des heures un temps compromis lors de la conception fut maintenu pour ne pas faire au final une montre trop cheap où on aurait tout sacrifié. Toutefois, l'économie essentielle fut faite sur l'échappement et l'ancre où Swatch choisit de les remplacer par des éléments en matériaux de synthèse. La raquette fut supprimée mais pas le réglage fin ce qui est un plus.
Cette roue d'échappement et son ancre n'ont pas à l'époque fait l'objet de communication de la part de Swatch qui a ainsi testé grandeur nature, la production industrielle d'échappement à bas coût et ceci en réalité augmentée par la diffusion massive du chrono. Le matériau est proche d'une sorte de vinyle gris très dur et quasi inusable. L'aspect est proche du Delrin cher à Lémania et tant décrié lorsqu'il fut utilisé dans le calibre 861 de la Speedmater. Evidemment, ce matériau s'éloigne de l'horlogerie traditionnelle mais pas davantage que le silicium, il est vrai mieux vendu par le marketing que le Delrin.
Le chrono a connu une vie commerciale courte car il a, disons-le, subi quelques avaries en raison de ses points de faiblesse. Réglé à la va-vite, les premiers fabriqués ont connu un taux de retour catastrophique avec des dérives parfois supérieures à 5 minutes par jour. Le verre saphir est si fin qu'il cassait facilement et l'étanchéité de la montre est relative. Enfin, la roue et l'ancre ont connu des problèmes de couple, entendez se sont mal assorties, et la montre s'arrêtait. Swatch a rectifié très vite les erreurs mais avec un surcout qui a vite confiné à une opération blanche ou presque car chaque chrono vendu rapportait au fabricant si peu que le coût de l'application de la garantie n'était pas couvert.
Les derniers fabriqués étaient beaucoup plus fiables et pour qui a possédé les 2 générations, effectivement, l'écart est celui du jour et de la nuit. Il semble que certains modèles aient profité purement et simplement du 5100 Lémania sans aucune retouche autre que l'échange de la masse oscillante pour une version gravée Swatch. Les mauvaises langues parlent d'un stock à écouler et les autres d'un déstockage avec de moindres risques de panne. Je n'ai jamais vu de tels modèles et n'y crois pas vraiment.
10 ans après, ne restent sur le marché quasiment que les montres qui marchent bien que l'on trouve beaucoup en Italie, mais qui donc a bien pu aider Swatch à destocker de tels volumes ? Il reste en Italie des marchands qui se déchargent de leurs stocks mais après une baisse sensible il y a 4 ou 5 ans jusqu'à 100 euros la montre neuve de stock, les prix aujourd'hui pour un modèle neuf sont plutôt de 280 euros. Le chrono reste intéressant à ce prix car c'est l'un des moins chers avec un mouvement vraiment suisse.
Lémania a ainsi pu fabriquer du calibre 5100 encore et encore, un mouvement au demeurant excellent et dont la fiabilité était totale . Rappelons qu'il fut le premier calibre automatique de Chrono Omega en 1972 et fut la réponse industrielle de la marque à Zenith, Breitling/Buren/Heuer ainsi que Seiko qui en 1969 avaient sorti leurs mouvement de chrono à remontage automatique, chose qu'Omega avait refusé de faire malgré les propositions de Lémania. Omega doutait en effet du succès industriel et commercial d'un tel produit. Omega s'est rattrapé avec la communication sur sa Speedmaster mais avait ici fait preuve d'une frilosité coupable. 40 ans plus tard Swatch vengeait l'affront avec le premier chrono suisse low-cost mais un succès commercial en demi-teinte. Pourtant, le produit est excellent, comme quoi il ne suffit pas d'être excellent pour remporter la mise, il faut aussi le faire savoir et savoir susciter l'envie….