Le dilemme de Baselworld n'a jamais été aussi prégnant. Aller y exposer, c'est prendre le risque de payer fort cher un stand avec un retour sur investissement négatif faute de visiteurs d'abord parce qu'il n'y a plus assez de maisons et que les marques résiduelles ne suffiront pas à remplir un hall. Ne pas y aller pour motif de Coronavirus ou parce qu'il n'y a plus assez d'inscrits est la certitude de ne rien y vendre mais aussi de ne pas dépenser inutilement dans le montage, la location et la gestion du stand. L'apport d'image de Baselworld n'est guère empreint de modernité voire même ringardise l'image des marques.
Les organisateurs avaient annoncé une révolution dans l'organisation et la promotion de l'évènement mais cela appartient à l'effet d'annonces car il faut avouer qu'il ne s'est pas passé grand-chose depuis l'an dernier. Les marques qui restent officiellement attachées à Baselworld et en particulier Rolex et Patek Philippe n'ont pas vraiment encore réfléchi à un plan B mais faut-il souligner que les deux maisons sont genevoises et que l'aéroport international de Genève qui fait migrer la production de Tag Heuer à Genève rend le site plus attractif que celui de Bâle qui n'arrange plus grand-monde à l'heure de l'avion bon marché et des lignes intérieures qui privilégient Genève.
Bâle n'est peut-être plus ni le bon lieu, ni la meilleure idée pour organiser un évènement international. Regarder la situation en face inspirerait favorablement les responsables de Baselworld. Et si la bonne idée pour 2020 était de sortir par le haut d'un salon atrophié, amputé de ce qui le rend attractif ? Et si la bonne idée était d'annuler purement et simplement la version 2020 et de revoir les choses en 2021 en créant l'évènement, le retour des Chinois avec, allez soyons fous, un hommage appuyé à la Chine ou à l'Asie.
Et si d'une communication subie, victimisante, humiliante à force de s'étonner des départs, Baselworld devenait une opération dynamique, revigorée et offrant une nouvelle attractivité teintée de modernité, d'enthousiasme et d'espoir. Rêvons un peu, et si l'industrie horlogère frappée de plein fouet par une crise majeure liée à une pandémie meurtrière, redescendait sur terre et trouvait des élément fédérateurs, encouragée par exemple par un organisme fédérateur de l'horlogerie, pour se retrouver et envisager avec sérénité son futur en faisant abstraction des haines et rancoeurs que cet univers industriel suisse cultive.
En d'autres termes, et si l'horlogerie envisageait une action collective positive ? Pour le moment, nous assistons à un triste spectacle fait de tromperies, de cocufiages et d'hypocrisie avec une communication lénifiante et totalement déconnectée des réalités de l'économie et de la situation sociale des clients et de la politique internationale.
Les messages qui varient du "Tout va bien" à "tout va bien aller" ne sont même plus relayés par la presse un peu comme la mission Apollo 13 n'intéressait plus personne et que seul un accident a pu faire revenir les journalistes.
Bulgari vient d'abandonner Baselworld dans un brouhaha franco-suisse qui a fait que l'info officialisée en Suisse était encore inaudible en France plusieurs heures après la première annonce. Comment comprendre que Bulgari ait une attitude différente de celle du pôle horloger alors que les deux sont issus du même groupe ? Vu des amateurs et des professionnels de l'horlogerie, l'encodage de la décision semble indécodable. Le coronavirus semble bien être le meilleur motif pour annuler et cela personne ne pourra en contester le bien fondé. Plus les organisateurs attendent et moins l'annonce d'une annulation trop tardive serait comprise. Il faut savoir saisir les opportunités quand elles permettent de se dégager sans déshonneur, sans perdre la face.
Mieux vaut se priver de désert que d'ouvrir un salon en recherchant vainement des visiteurs. Ensuite, il faut penser autrement au futur Baselworld et redonner du sens à l'événement à moins que ce salon finalement ne manque à personne…
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Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).