Une anecdote qui devait attendre quelques jours après la Saint Valentin

Je dois vous raconter cette anecdote qui a maintenant 10 ans ou un peu plus. Cela se passe un dimanche au bord de l'eau dans un coin de campagne, c'est un dimanche après-midi de printemps et il fait beau, très beau. A l'époque j'allais sur les brocantes de villages le matin mais rarement dans la journée. Exceptionnellement, traversant la Seine et Marne, je m'arrête dans un superbe village.

Les exposants n'ont pas tous passé toute la journée, c'est un peu à la bonne franquette, décontractée et loin des brocantes habituelles avec des professionnels du dimanche…. Je m'arrête sur un stand d'une jeune femme qui déballe. Elle est sublime, distinguée, frêle et sublimement brune et souriante. Elle vend 2 montres de qualité et des stylos plumes Montblanc et Parker Duofold. Tout est neuf ou presque. Elle vend aussi un peu de maroquinerie, une chaine Hifi, des affaires diverses comme un joli Laguiole etc …  Elle semble très dynamique et est terriblement sympathique. Le dialogue s'installe vite car je suis enthousiaste sur ce qu'elle vend et elle est ouverte de son coté à discuter. On rit, on discute et elle m'explique qu'elle reste une heure et repart.

Je regarde ses objets en vente. Le Parker est superbe et pas cher, je prends, la Rolex est très belle mais très fausse, l'Omega est très belle mais un peu fausse comme bricolées avec des vieilles et des morceaux neufs. La maroquinerie MontBlanc est jolie mais fausse de qualité malgré tout. Les étuis Montblanc de stylo sont troublants car un est vrai et les deux autres faux. Le laguiole est tout bon, je prends.

Ma dépense se limite à 150 euros et la jeune femme m'explique qu'elle tient tout ça de son ex qui l'a jetée comme un boulet avec méchanceté et véhémence pour aller avec une fille plus jeune. Nous convenons de nous retrouver en fin d'après-midi. Oh là là … Je me rends chez elle et elle me montre toutes les affaires de son ex-gaillard. Un vrai palais de la contrefaçon. Je sonde (au sens noble) pour déterminer si elle est consciente de la fausseté des objets ou si elle s'est fait abuser. Très vite, il apparait que le type l'a arnaquée, a vendue ses affaires et a laissé ses merdouilles comme une sorte de compensation en feignant une colère et en lui disant "Tu n'auras qu'à te payer sur les ventes de mes affaires, je ne veux plus les voir" . La jeune femme a d'autant moins de scrupules qu'il lui a fait payer les cadeaux qu'elle lui a faits en prétextant des remise obtenues ici et là. "Le Parker c'est moi qui l'avait acheté en boutique et cet étui que vous avez pris aussi comme le Laguiole" . Je comprends que la pauvre s'est faite arnaquer par un petit escroc qui l'a séduite, lui a pris ses économies et l'a larguée une fois qu'elle n'avait plus rien.

Mon doute est de lui expliquer ou non . Je finis par décider de lui expliquer et de lui ouvrir les yeux… Tout s'éclaire très vite pour elle et elle fond en larmes. Elle comprend que tout était bidon dans sa relation et qu'elle a été utilisée de A à Z. Notre échange s'arrête là…

Quelques semaines plus tard, sur une autre brocante, une autre jeune femme vend les affaires de son ex.  Le type est lui aussi parti avec une autre demoiselle et a tout laissé car la jeune femme l'a mis à la porte avec ses affaires. Là aussi, stylos, objets de fumeurs dont un superbe Dupont, couteau etc … Tout est vrai cette fois. La jeune femme brade tout car ce type la dégoute et elle ne veut plus voir ses objets. On sent la haine dans son attitude voire un dégoût de l'amour et une méfiance. "Ce sont tous les cadeaux que je lui ai faits et j'ai toutes les factures. J'ai pu cette fois acheter plein d'objets dont quelques CD et DVD. La montre était une Festina…

J'écris souvent avec le Parker, le Laguiole me sert chaque jour, l'étui est je ne sais où…

Ce matin, une jeune femme déposait dans un espace de dépôt-vente des objets de son mari décédé en novembre. Elle était accompagnée d'un homme qui était son nouveau compagnon. Une sorte d'opération coup de balai rapide. Pas de deuil, pas de remords, pas de nostalgie, pas de sentiment sur les objets, le défunt…

Que dire, je suis sans doute vieille France. Cela m'a, je l'avoue, choqué autant que les deux premières personnes rencontrées. Je ne sais pas quoi dire en fait. Je reste donc factuel. Profitons de nos montres …

Ah, les objets...comment dire...c'est comme une maison ou une voiture: si on a des bons souvenirs on s'y attache sentimentalement, sinon c'est du simple matérialisme de consommateurs-gogos voire un fétichisme neuneus.
On peut aussi tout donner (serviettes Hermés, meubles anciens recherchés mais prend de la place) pour s'en débarrasser, à un secours populaire pour faire le bonheur d'un quidam ou d'un margoulin...