Charles Edouard Heuer, un pilier du chronométrage moderne
La création de l'entreprise Charles Edouard Heuer a fondé son entreprise en Suisse à Saint-Imier en 1860. Son atelier se situe à quelques centaines de mètres de Longines. Sept ans plus tard, il transfère son entreprise à Bienne où les avantages fiscaux sont bien plus intéressants. Dès son entrée dans l'industrie horlogère, Heuer s'avère être un brillant gestionnaire et dès 1878, il va s'associer à Fritz Lambelet, un marchand en pierres précieuses. C'est l'occasion de baptiser son entreprise Heuer-Lambelet et Cie.
Edouard Heuer comprend rapidement l'intérêt de développer des chronographes. Il perçoit à quel point ce type de pièces particulières va intéresser et accompagner le développement de l'industrie notamment automobile. Si en matière de production de pièces en série,
Waltham en 1876 aux Etats-Unis et
Longines en Suisse l'ont précédé en 1878, il fait le pari en 1882 de proposer un chronographe à une clientèle encore balbutiante dans l'industrie, celle issue de l'automobile et l'armée. L'aviation viendra plus tard. Heuer précède de 3 ans
Omega. En effet, la maison de Louis Brandt ne présentera son
chronoscope qu'en 1885. Cette même année, Lambelet se sépare d'Heuer et Edouard Heuer donne son nom à l'entreprise. Il entreprend de moderniser et de réduire le coût de fabrication des chronographes.
Un foisonnement créatif
Il dépose en 1887 pour la France et l'Allemagne, un brevet de pignon oscillant qui permet la suppression de la roue de champ* et de la roue intermédiaire. Cette singularité reprise ensuite par d'autres fabricants est un apport immense dans la construction des chronographes modernes. Cela en simplifie la fabrication et en fiabilise le fonctionnement.
Heuer ne s'arrête pas là et s'intéresse aux montres à complications telles la grande sonnerie ou la répétition des minutes. La concurrence est particulièrement importante en ce domaine où l'inventivité et la créativité sont essentielles. Ainsi parmi d'autres, les chronographes Lecoultre, Barbezart Baillot (Le Phare) et Louis Audemars (Audemars Frères) sont très prisés.
*La roue de champ a des dents parallèles à son axe au lieu d'être perpendiculaires. Elles s'élèvent perpendiculairement sur le plan de son cercle. Cette forme permet d'engrener dans le pignon de roue de rencontre, dont la tige perpendiculaire à celle du balancier est posée parallèlement aux platines.L'après EdouardEdouard Heuer décède en 1892 à l'âge de 52 ans. Ses fils vont lui succéder d'abord avec Jules-Edouard puis Charles Auguste qui se concentrera sur la commercialisation aux Etats-Unis. A partir de 1894, la manufacture Heuer se met à vendre ses calibres seuls avec des cadrans anonymes à des emboîteurs. Heuer est ainsi en concurrence directe avec d'autres fabricants d'ébauches et mouvements terminés. La qualité des mouvements est constante et les chronographes Heuer sont reconnus comme étant parmi les meilleurs. Cette diffusion des mouvements en qualité de fournisseur fait que l'on retrouve les montres avec des cadrans anonymes et des boites non signées. Toutefois, les caractéristiques des mouvements font des chronographes Heuer des pièces "reconnaissables" parmi d'autres.
Si Heuer prend la précaution de numéroter ses calibres avec un numéro de série en général sur le pont d'ancre, la diffusion commerciale des calibres montés en montres n'est plus chronologique. Ainsi un mouvement de 1892 peut n'être assemblé dans une montre que 10 ou 15 ans plus tard au moment où d'autres mouvements à peine fabriqués vont immédiatement être intégrés dans des montres immédiatement mises dans le commerce.
Chronographe à rattrapante fondé sur un brevet de 1887 et produit par Heuer en 1892 On observera la complexité induite par la fabrication des deux roues à colonnes qui impliquent une fabrication dans la masse d'acier à la fois dans un axe perpendiculaire à l'axe de la roue mais aussi dans un axe parallèle. Les deux roues sont différentes.
La finesse des dents de la roue de centre et la fourchette de rattrapante laisse imaginer la légèreté du contact entre la roue et celle-ci. Le réglage devient alors un art. Une trop forte pression arrête le mécanisme et une trop légère pression n'engrène pas. Ici, la subtilité de l'horloger est mise à rude épreuve.
Rareté et qualitéCe type de chronographe, fort rare, ne fut pas produit en grandes quantités et il en reste aujourd'hui très peu. Ces chronographes étaient à l'époque très chers et leur entretien n'était pas à la portée du premier horloger. N'ont traversé le temps que des pièces que leurs propriétaires ont renoncé à réparer mais ont conservées dans un tiroir et celles qui en état de fonctionnement étaient peu utilisées. Les experts ont coutume de considérer que sur un siècle, il ne subsiste qu'environ 10% des pièces fabriquées.
La difficulté sur ce type de chronographe est de préserver la qualité de fiabilité horaire que le chronographe soit ou non enclenché. Heuer fut en la matière un pionnier. Cela lui donna une place privilégiée très tôt dans le domaine automobile mais aussi dès les premiers balbutiements de l'aviation et auprès des militaires. Heuer fut l'un des inventeurs du chronographe moderne, une de ces manufactures qui ont contribué à lui faire faire un pas de géant. Le recours par ses concurrents à ses brevets démontre à quel point Heuer avait de l'avance dans la création de chronographes.
Les chronographes Heuer du 19ème siècle portent une modernité qu'il faudra parfois attendre les années 1920 pour retrouver ailleurs. Les simplifications apportées par Heuer amélioraient la faculté d'intervention des horlogers en cas de panne et rassuraient des possesseurs de ces montres qui les soumettaient à rude épreuve sur le tableau de bord de voitures lancées sur des chemins peu carrossables.
Heuer est ainsi devenu plus qu'un fabricant, une référence aux yeux des professionnels comme des amateurs.
Droits réservés - Joël Duval - Mars 2020 - Forumamontres
Pour aller plus loin :
https://forumamontres.forumactif.com/t160647-lhistoire-exceptionnelle-des-premiers-chronographes-de-serie