Ce que m'inspire le présent horloger ...

Nous confinons depuis 6 semaines et comme beaucoup, le présent horloger m'inspire quelques réflexions. Non pas que je me considère comme essentiel mais j'ai des avis et comme je n'ai pas l'habitude de les conserver pour moi, alors je vais les donner sans prétention, avec humilité et sans ressentir une seule seconde le besoin d'être approuvé ou désapprouvé, leader d'opinion ou marginal. Peu importe tout cela, l'essentiel est d'avoir encore des avis et donc de l'intérêt pour une industrie qui s'étiole.  


Le GPHG

Le GPHG a créé son Academy en cooptant "large", trop large pour représenter quoi que ce soit. Au final, elle a par de la reconnaissance, bradé le consensus qu'elle veut recevoir pour des intérêts de moyen et long terme auprès de ceux qui remuent entre du vent et quelques vagues dans le paysage horloger. Il y a dans les réquisitionnés ou sélectionnés des gens que je respecte mais je doute de l'utilité d'une telle démarche. Il va être difficile de critiquer le GPHG en étant membre de cette Academy. Cette structure devrait canaliser son énergie sur d'autres missions que la seule communication. La survie du secteur n'est pas qu'une affaire de communication. C'est aussi une question de structuration industrielle et d'un jeu multi-partenarial entre les entreprises suisses, la Comco, les partenaires financiers (banques, sociétés d'investissements, etc …). Le danger immédiat est avec la crise coronavirienne de voir arriver des capitaux chinois notamment pour s'emparer de marques voire de pôles horlogers devenus moins rentables et dont certains groupes voudraient à terme se séparer.


La FH

La fédération horlogère par son inexistence consolidée n'apporte plus rien à ses adhérents. Elle n'est ni structurante, ni opérationnelle ni même présente. Son silence pendant la crise et pire, le message surréaliste de son président en date du 26 mars qui explique qu'il ne peut se préoccuper de problème existentiel démontre l'inutilité de la FH dans sa structuration actuelle. Est-ce un problème de compétence de son président ou simplement un problème plus structurel lié à un cahier des charges de la structure à réécrire, c'est un débat. Elle fonctionne aujourd'hui avec des règles écrites dans l'euphorie des années où tout était possible et s'avère incapable d'apporter une aide de fond, ni même des recommandations entendables, c'est à dire autre chose que des lieux communs à l'industrie qu'elle est réputée défendre. Elle correspond aujourd'hui à une dépense inutile, une charge des adhérents et elle n'est plus qu'un parasite du système.


Watches & Wonder

Ou comment Richemont reprend la main sur un marché où pour ce qui est des montres neuves, le groupe a brillé par son inefficacité et des pertes abyssales sanctionnées par l'actionnaire sud-africain. Au delà de Richemont, l'objectif non annoncé et induit est de prendre le contrôle d'une partie du marché de la seconde main qui pourrait bien être l'os à ronger des années qui viennent. Richemont devient en outre la vitrine communicante de la montre neuve et va vider les blogs ou tout au moins la plupart d'entre eux de leur substance. La référence ne sera plus le blogueur qui déverse des communiqués de presse à n'en plus finir en les condensant ou en faisant du copié/collé mais proviendra d'une voix officielle. Richemont remet l'église au milieu du village et va de fait condamner certains blogs déjà très en péril du fait de l'absence d'actualité.


Baselworld

L'histoire s'est accélérée. Même si d'aucuns défendent la nouvelle Direction, celle-ci a précipité le conflit ouvert entre l'organisateur "MCH Group" et les marques exposantes. Rolex et Patek-Philippe étaient le pilier de ce château de cartes et leur départ évident condamne Baselworld emportant dans la vague les petits horlogers qui pour le moment n'ont plus rien. Celui qui détenait la clé de voute était Jean-Frédéric Dufour et avec beaucoup de patience, il a attendu que MCH Group commette une erreur stratégique majeure pour donner un nouveau tempo, celui du départ coordonné des derniers à être loyaux avec les organisateurs. Baselworld a souffert d'une communication foireuse, d'une incroyable audace stupide fixant les dates à janvier 2021 de la future manifestation sans concertation, cette erreur magistrale a précipité Baselworld dans le marasme. LVMH a suivi… laissant percevoir une certaine dissonance entre JC Babin et Stephan Bianchi dont nul n'ignore le besoin de prendre le leadership au sein du groupe.
La situation dépasse le seul évènement horloger. Les finances de la ville de Bâle et du canton sont très durement impactées et c'est au final une guerre entre la Suisse francophone et la Suisse alémanique qui a fait triompher Genève. On ne peut que dire "C'est bien fait pour eux" quand on voit la bêtise crasse des hôteliers qui ont refusé de rembourser les clients qui avaient réservé l'hôtel convaincu de la force de leur position dominante. Ils auront bien aidé à la décision … Comme ArtBasel se pose aussi des questions, ça risque de tourner très mal pour eux. Ce conflit est un beau cas d'école pour les écoles de commerce et de communication. La stratégie de Branquignoles de cette affaire démontre qu'il ne faut pas mettre n'importe qui dans une équipe de communication et que savoir gérer les urgences ne signifie pas qu'on peut faire n'importe quoi.


Les nouveautés  

Faut-il ou non sortir une nouvelle montre maintenant ? Assurément oui et non.  Oui si on arrive à se marginaliser par une communication originale et à attirer intelligemment l'attention, non si c'est pour sortir une nouveauté comme on le fait d'habitude avec un prestataire qui gère les réseaux sociaux et deux communiqués de presse miteux. Certaines maisons comme Omega collée à l'évènement JO sont dans une problématique "coronarneilienne." Leur montres millésimées JO 2020 vont accompagner un événement de 2021 que les organisateurs ont prévu de maintenir sous le nom 2020. Ceci étant, 2020 est une année de référence cauchemar et ça va être un peu compliqué de vendre ça. Une communication intelligente peut en venir à bout et positiver les choses mais cela se travaille. Mais si un grand groupe peut avoir une stratégie efficace, une marque de moindre envergure risque d'y perdre des plumes. Longines, Zenith? en limitant leur communication à l'histoire? ont bien réagi.


Les réseaux sociaux

On sort sur les réseaux sociaux de la communication spontanée et bon enfant des grandes maisons. Elles sont passées du Community manager autodidacte au prestataire multimarque et à la campagne coordonnée, réfléchie et stratégique. Terminée l'époque où tout le personnel venait cliquer pour défendre son employeur. Aujourd'hui tout est précuit, écrit, mis en perspective et le Community manager quand il en reste un ne s'intéresse qu'aux statistiques et à la modération de la meute. L'amateur s'adresse à des mateurs qui parlent à des robots qui automatiquement balancent les messages aux heures programmées pour l'Asie et le continent américain ou européen. On crée des visuels pour les réseaux sociaux, on fabrique des contenus préécrits, et on lisse les messages. C'est devenu aussi attrayant et aventureux que des vacances chez Center Park.


La presse magazine

A force d'être singée par les blogueurs, la presse magazine tire son épingle du jeu. Sans elle, les autres n'existeraient pas, d'abord parce qu'elle a été là avant et ensuite parce qu'elle maintient un niveau de qualité qui la fait préférer à bien des lectures. De son niveau d'exigence dépendra son futur. Plus elle innove et est créatrice et plus son avenir semble garanti.


La collection

Il ne suffit pas d'avoir les moyens de pousser la porte d'une boutique ou de faire exploser la carte bleue pour être collectionneur. La collection n'est pas une succession d'achats mais une vision structurée de ce que l'on souhaite avoir. Ce ne sont pas les montres qui créent l'envie mais la réponse à cette volonté structurelle. Une collection est une construction de l'esprit pas un cumul d'objets fussent-ils en relation les uns avec les autres. Peu de possesseurs de plusieurs pièces méritent d'accéder à l'appellation de collectionneurs. Cela n'est pas vrai que dans l'horlogerie.


Après

Comme prévu. Les montres connectées remplaceront les montres mécaniques de plus en plus. C'est inéluctable. Ce n'est pas contre la montre connectée qu'il faut lutter mais contre l'idée qu'on ne peut avancer que sous contrôle de l'électronique.  La dépendance numérique est un danger que nul ne mesure …

ZEN a écrit:

La collection

Il ne suffit pas d'avoir les moyens de pousser la porte d'une boutique ou de faire exploser la carte bleue pour être collectionneur. La collection n'est pas une succession d'achats mais une vision structurée de ce que l'on souhaite avoir. Ce ne sont pas les montres qui créent l'envie mais la réponse à cette volonté structurelle. Une collection est une construction de l'esprit pas un cumul d'objets fussent-ils en relation les uns avec les autres. Peu de possesseurs de plusieurs pièces méritent d'accéder à l'appellation de collectionneurs. Cela n'est pas vrai que dans l'horlogerie.       

+1 , ça fait du bien à rappeler. Le terme collection s'est galvaudé à l'instar d'icone (qui n'est pas égal à "must-have" ou "best-seller" pour parler anglais ).

Osmie a écrit:

+1 , ça fait du bien à rappeler. Le terme collection s'est galvaudé à l'instar d'icone (qui n'est pas égal à "must-have" ou "best-seller" pour parler anglais ).

Bonjour,

L'analyse de Zen est juste et cette crise va devoir faire changer de paradigme bon nombre d'entreprises, de collectivités, de décideurs, d'individus...

Malheureusement, j'ai bien peur qu'une fois le train passé, le garde-barrière ne reprenne son petit somme habituel.

Quant à l'esprit de collection ou de collectionneur  : bien vu ! Pour la part, je ne me défini pas comme un collectionneur de montres mais plutôt comme un amateur de montres, réagissant parfois impulsivement. Un jour, peut-être, je changerai de paradigme concernant mes montres pour m'orienter vers le véritable esprit de la collection, probablement celui d'un thème (phase de lune, période, marque, modèle ou je ne sais quoi encore...)

Pour répondre à @osmie, dont je partage l'intérêt, je crois que la passion que l'on peut avoir pour ces petites bestioles est assez proche du véritable esprit de collectionneur !

Cordialement vôtre

Citation :

Les réseaux sociaux

On sort sur les réseaux sociaux de la communication spontanée et bon enfant des grandes maisons. Elles sont passées du Community manager autodidacte au prestataire multimarque et à la campagne coordonnée, réfléchie et stratégique. Terminée l'époque où tout le personnel venait cliquer pour défendre son employeur. Aujourd'hui tout est précuit, écrit, mis en perspective et le Community manager quand il en reste un ne s'intéresse qu'aux statistiques et à la modération de la meute. L'amateur s'adresse à des mateurs qui parlent à des robots qui automatiquement balancent les messages aux heures programmées pour l'Asie et le continent américain ou européen. On crée des visuels pour les réseaux sociaux, on fabrique des contenus préécrits, et on lisse les messages. C'est devenu aussi attrayant et aventureux que des vacances chez Center Park.


La presse magazine

A force d'être singée par les blogueurs, la presse magazine tire son épingle du jeu. 

D'accord avec toi ZEN sur tous les points sauf pour les réseaux sociaux et la presse magazine. Je pense que le contenu y est maintenant de qualité et draine beaucoup plus de trafic d'amateur de montre que la presse magazine standard.

Cette période de confinement a permi de voir des nouvelles façons de parler d'horlogerie. Les live sur instagram par exemple en sont la preuve et fédèrent de plus en plus de mondes....

Je suis sceptique sur ces live réalisés dans des salons ou bureaux. Les questions sont souvent voire toujours une manière de singer le travail de journaliste et servent la soupe ou passent les plats à un patron heureux de cette complaisance.

J'entrevois la satisfaction des quelques internautes mais au plan qualitatif c'est tout de même aux antipodes de ce que l'homme cultivé de 2020 peut accepter et pire que les interviews complaisantes de l'ORTF quand il y avait un ministère de la communication.

Sur la Collection, c'est très joliment dit Joël comme c'est vrai! sur les "connectées" je n'y crois toujours pas mais bon... 

ft1000mp a écrit:

Sur la Collection, c'est très joliment dit Joël comme c'est vrai! sur les "connectées" je n'y crois toujours pas mais bon... 

Je suis assez d'accord avec @ft1000mp s'agissant des montres connectées.

Pour en avoir acheté une (Apple Watch, pour ne pas la citer), j'avoue la considérer non comme une montre, un "garde-temps", mais comme un accessoire informatique.

Je ne la mets pratiquement jamais et elle reste dans un tiroir.

En revanche, je suis sûr que l'horlogerie traditionnelle (mécanique ou quartz de bonne facture) perdurera d'une façon ou d'une autre. J'en veux pour preuve le regain d'intérêt pour la photographie argentique face aux "APN" pourtant de plus en plus performant de nos jours.

Pour "savoir l'heure qu'il est" ou "faire des photos" les approches sont totalement différentes en fonction de la technologie que l'on choisi : rappelez vous la photo officielle de notre ex-président M. François Hollande réalisée par Raymond Depardon : prise au final avec un rolleiflex argentique !

Cordialement vôtre,

ZEN a écrit:

Après

Comme prévu. Les montres connectées remplaceront les montres mécaniques de plus en plus. C'est inéluctable.

Fichtre, quel pessimisme. Je ne suis pas du tout d'accord. D'abord les ventes de montres mécaniques restent stables (hors cette période sanitaire particulière, s'entend), c'est le quartz qui se fait manger par les Apple Watch et autres. Pour moi vouloir vendre une smartwatch à un passionné de belles mécaniques, c'est comme essayer de refiler une Zoé à un fan de Mustang Fastback V8 '68. Ce n'est pas le même public.

Ensuite il y a cette tendance à la "déconnection", une partie de la population qui va grandissante ne ressent pas le besoin de rajouter un objet connecté au poignet, qui en a déjà assez par ailleurs : smartphone, tablettes, ordis...
Et qui peut prédire l'avenir ? Qui pouvait prédire, par exemple, le retour en grace des vinyles, des bons amplis à lampes pour la sono de salon, à l'heure du mp3 ? Et pourtant, c'est ce qui se passe.

Bref, je crois au futur des montres mécaniques. Aux marques de faire des propositions séduisantes et pertinentes, d'expliquer que c'est un match entre le charme, le durable et  réparable contre le jetable, pour que ça dure. C'est dans l'air du temps.

J'espère bien que la montre mécanique a un avenir mais elle va devenir un produit qui ne sera plus celui vers lequel le consommateur ira en première intuition. La montre mécanique sera qualifiante pour son porteur, un peu comme un luxe mais la première intention va aller vers un produit connecté qui va porter en lui un instrument de surveillance de sa santé. Le coronavirus aura eu cet effet …

Le monde moderne, numérique, ce qu'on vit, c'est une expérience déçue. Les promesses de ce monde virent au cauchemar, l'arrivée de la 5G suscite beaucoup d'inquiétude. 
Je crois que les gens vont faire la part des choses, ils vont garder ce qu'il y a de nécessaire dans le numérique, or la montre connectée ne me parait pas vraiment nécessaire. 
Il me semble qu'on va ressentir le besoin de nous entourer de choses plus durables, je perçois cela autour de moi, de ce point de vue, la montre mécanique a de beaux jours devant elle.

Une montre mécanique sert, paraît-il, à "garder le temps". Un objet connecté, à le dilapider.

Oui, c'est vrai que les montres pourront renfermer en elle pas mal de données de santé mais j'ai par contre 2 doutes:

1) Quid de la volonté des gens de s'équiper de tels instruments? Évidemment, pour les personnes à risque (à quand une montre permettant aussi à un diabétique d'analyser son taux de sucre?), un tel outil fera office d'équipement quasi obligatoire mais pour le reste de la population, avez vous envie d'un outil qui vous scrute en permanence? Sur ce point, j'ai un doute mais cela viendra peut être avec le temps (avec peut être le témoignage de qqn sauvé par une montre connectée).
2) Il y a aussi le sujet de ces données avec les géants de la tech qui seront ravis de collecter ces données de santé. De la même façon que Google utilise les recherches sur le web pour montrer des pubs ciblées, on peut imaginer Google ou un autre acteur (Amazon au hasard) récupérer ces informations et nous envoyer des petits messages: "on a vu que votre rythme cardiaque s'était emballé et hop, un petit lien vers la partie pharmacie d'Amazon.

Ceci dit, malgré ces doutes, je préfère voir le verre à moitié plein. J'ai ainsi le souvenir d'un jeune collègue décédé en faisant un footing (il y a bien 6/7 ans) et si des outils du type montre connectées permettent de détecter des anomalies et de sauver des vies plus facilement, le monde ne s'en portera que mieux. Autrement, à part faire des tests poussés (ma société propose du coup des bilans de santé réguliers avec notamment un test d'effort permettant de détecter ces risques mais combien de sociétés proposent cela? Très peu), ce n'est pas évident de prévenir ces événements.

Et sur les montres mécaniques, c'est en effet le discours de Biver de dire que ces montres connectées amèneront ensuite les gens à s'y intéresser. C'est vrai mais le % risque d'être assez faible par rapport au passé à mon humble avis.

Ca peut être interessant pour les gens qui doivent surveiller leur santé, d'accord. Ce n'est tout de même pas la majorité. Et perso je n'ai pas besoin d'un objet qui me rappelle quotidiennement que je ne suis pas en grande forme et que le temps passant, ça ne va pa s'arranger.

Il y a aussi les gens qui portent les deux, c'est un peu bizarre mais ça le sera moins si ça devient plus courant. En montant dans l'avion pour aller à Montréal il y a quelques mois et passant par la première classe pour rejoindre ma place, j'ai vu un homme dans la cinquantaine ayant une Dayto au poignet gauche, et un Apple Watch au poignet droit. Pas trop ma tasse de thé, mais après tout pourquoi pas.

Au bureau, déjà vu des personnes qui alternent des Rolex avec des Smartwatches...

Mon cousin alterne aussi la montre Apple avec sa JLC. Pas spécialement pour le sport, ses explications n'ont pas été des plus convaincantes mais s'en dégage le sentiment de vouloir être à la pointe de la technologie et du modernisme à tous les niveaux. L'ordinateur, puis le téléphone, la tablette, la montre etc connectés. Pour beaucoup le dernier gadget technologique à la mode est toujours à avoir.

Herge81 a écrit:

Et sur les montres mécaniques, c'est en effet le discours de Biver de dire que ces montres connectées amèneront ensuite les gens à s'y intéresser. C'est vrai mais le % risque d'être assez faible par rapport au passé à mon humble avis.

Je suis aussi dubitatif, l'écart entre le passage d'une montre connectée d'aujourd'hui à une mécanique me semble bien moins naturel et bien plus grand que celui d'une montre à quartz "d'hier", même digitale, à une belle mécanique.