Audemars Frères - Simplement chronomètre et accessoirement superbe.
PréambuleAudemars frères a fait autant pour les autres maisons que pour elle-même. Cette manufacture horlogère en partie homonyme d'Audemars Piguet fut un concepteur de complications de très haute qualité qui brillaient pour leur fiabilité. On trouve du Audemars Frères dans des grandes sonneries de Zenith ou des maisons suisses qui n'ont jamais identifié leur fournisseur. La maison faisait assez peu de montres 3 aiguilles car ce n'était pas ce que l'on appellerait aujourd'hui son créneau. Elle a longtemps utilisé des rubis traditionnels plutôt que des rubis de synthèse et on trouve même des ébauches Audemars avec des diamants. La précision des montres reste bluffante plus de 100 ans après leur fabrication.
Génèse Le 19ème siècle fut incontestablement celui de la plus grande révolution horlogère portée par une finalité en soi, celle de la recherche de la précision ultime. Pour aboutir à ce que l’heure exacte soit universellement distribuée et devienne un attribut individuel de tous les acteurs économiques de l’ouvrier à l’industriel, du fonctionnaire au notable et du communiant à l’homme mur, il fallut que la fabrication des montres s’industrialise et se mette à niveau par une rationalisation des tâches et l’interchangeabilité des composants. La conquête du temps Publicité de 1896
Nombre de grandes maisons furent créées au cours des sept dernières décennies du 19ème siècle. C’est le cas de Longines, Omega, Tissot, Zenith, Ulysse Nardin, Audemars Piguet et bien d’autres. Certaines maisons ont une souche plus ancienne comme Vacheron Constantin ou Breguet. Nombre de ces maisons ont disparu au gré des fusions, absorptions, faillites ou simplement disparition des dirigeants et cessions partielles. Parmi elles, Audemars Frères est réputé pour avoir été une manufacture qui proposait des complications et des calibres chronomètres de grande qualité. Si on retrouve trace de cette marque au Brassus, on la retrouve également à Genève. Répétitions des minutes, montres à quantièmes n’avaient aucun secret pour cette maison issue d’une première maison Audemars créée en 1811. Les marques encore présentes à la fin du 19ème siècle sont très attachées à leur histoire et à leur antériorité qui légitime une qualité que seule l’expérience autorise.
Toutes les manufactures vont donc mentionner avec beaucoup de soin la date la plus ancienne pour fixer dans les esprits l’année de leur création ou celle de l’entreprise dont elles sont issues. L’horlogerie capitalise ainsi son expérience. La fin du 19ème siècle est aussi une période où la communication des marques est essentiellement fondée sur la précision des pièces produites et donc la réussite soit aux concours de toutes sortes, soit aux médailles que chaque exposition universelle ou nationale distribue pour motiver les grandes maisons à être présentes et contribuer au commerce.
Une marque ancrée dans l’histoire A voir les montres de l’époque, on pourrait d’ailleurs parfois se demander si elles n’avaient pas toutes reçu certains premiers prix. Pour ce qui est d’Audemars puis d’Audemars Frères, les médailles sont le réel reflet d’une supériorité mécanique et d’une précision confortée par une finition de grande qualité. Audemars Frères, d’ailleurs avec beaucoup de prudence, souligne sur le cache poussière de ses boites que ces médailles furent obtenues par Audemars de sorte que la nouvelle maison revendique son savoir faire mais ne puisse se voir reprocher de se targuer de médailles qui ne lui appartiennent pas en propre.
Au-delà des complications coûteuses, Audemars Frères s’attache comme les autres grandes maisons à diffuser des pièces de qualité supérieure à des prix les plus concurrentiels. Implantée à Genève, la maison signe ses cadrans, ses boites et son calibre sur un pont et sur la roue de barillet. La plupart des cadrans de l’époque étaient en émail. Celui de cette Audemars Frères est en argent avec la marque incrustée, gravée en creux et les chiffres finement peints en noir avec des pleins et des déliés dignes des plus grandes plumes.
Le mouvement en avance sur son tempsLe mouvement de 19 lignes et 17 rubis malgré les apparences n’est pas de qualité « courante ». Ses anglages sont soignés y compris ceux rentrants et le calibre est empierré au centre avec un très gros rubis. Si le mouvement n’a pas de référence, il dispose d’un numéro de série, signe des meilleures maisons et pour cause, à l’époque, il est d’usage pour les meilleures pièces d’être livrées avec un bulletin de marche ce qui fut sans aucun doute le cas de cette pièce.
La raquette de type monoflèche est dotée d’un col de cygne pour affiner le réglage et le balancier bimétallique de type Guillaume à vis de compensation contribue à faire de cette montre, un garde temps qui un siècle après sa création offre encore des qualités chronométriques.
La boite signe ultime de qualitéLa maison Audemars Frères livrait ses pièces en or de 18 ou de 14 carats. L’écusson sur le fond de boite était très fréquent et les gentlemen pouvaient y faire inscrire leurs initiales. Il apparait que la plupart du temps moins d’une montre sur trois a été signée ainsi. Un vieil horloger expliquait que cette réticence était due à la volonté de pouvoir un jour céder la montre à ses descendants et en laissant vierge l’écusson, de favoriser sa conservation dans la famille. Cette explication rationnelle n’est probablement pas sans fondement. En effet, la montre a de tout temps été un objet chargé affectivement et auquel son possesseur entendait donner une pérennité, en envisageant de le céder à sa descendance. Personne au début du 20ème siècle et encore moins au siècle précédent ne pouvait imaginer que la montre bracelet supplanterait la montre de poche et que les générations futures, la plupart du temps, abandonneraient ces pièces en les laissant sortir des familles.
Les boites étaient travaillées et qu’elles fussent en argent ou en or, le guillochage concentrique dont la régularité tient à la précision du geste se devait toujours d’être une réussite pour que la finition soit parfaite. A la fin du 19ème siècle et au début du 20ème, la qualité d’une montre est un tout et l’acheteur regarde autant la boite que le mouvement et son aptitude potentielle à la précision. On porte sa montre quotidiennement et à la différence de nombre d’amateurs d’aujourd’hui, on ne détient qu’une pièce qui sert dans toutes les occasions. La montre est davantage un attribut de la personne qu’un bijou et pour cette raison, les boites des montres de cette époque sont souvent un peu usées, patinées par le temps qu’elles mesurent. Quand la boite d’une pièce comme celle-ci a échappé aux vagues de fontes massives qu’engendrent les augmentations sensibles des cours de l’or, c’est forcément qu’elle est détenue par un véritable amateur qui sait faire la différence entre une pièce de second rang et un garde temps qui mérite d’être offert aux collectionneurs des générations à venir.
Droits réservés - Forumamontres - Joël Duval - Août 2017-Juillet 2020