Lundi, 7h30. Ou bien était-ce mardi. Une clope, un café. Il y a comme une forte odeur de chaussettes dans l'entrée (les enfants sont là cette semaine). Je compulse machinalement les PA FAM et CDA, en prenant mon petit-déj.
C'est comme une obsession depuis déjà plusieurs mois, un truc qui vous démange de l'intérieur.. une évidence : avec une mécanique, qu'elle soit manuelle ou à remontage automatique, il FAUT un indicateur de réserve de marche. Forcément. Pour savoir où on en est, ne pas se faire surprendre, à l'improviste. Personne n'imagine une voiture sans jauge d'essence. Là, c'est pareil.
Il faudrait enquêter dans les annales horologiques, mais je suis convaincu que c'est déjà arrivé, qu'il y en a un qui y a déjà laissé sa peau, seul dans le bush au milieu des bêtes sauvages, sa tocante à plat, sans aucun repère. Une brève pensée pour le pauvre homme.
Manque de bol, je n'ai pas d'automatique avec indicateur de réserve de marche dans ma (maigre) collection. Il faut trouver une solution. C'est presque une question de vie ou de mort.
Bien sûr, ce serait la dernière (tu parles, Charles), l'ultime, la montre de toute une vie. Auto-suffisante et qui remiserait toutes ses copines dans la boîte à montres, condamnées à y rester jusqu'à ce que leur huile se transforme en pétrole visqueux et collant. La montre que je céderai à mes enfants sur mon lit de mort, qu'ils lègueront à leurs enfants après eux. Un patrimoine familial, quoi. On ne plaisante pas avec ces choses-là. La pression monte, je suis vraiment dos au mur. Il faut agir.
J'ai donc monté mon dossier, patiemment, méthodiquement. Des heures à trainer sur internet ("papa, tu regardes encore des montres ?!" non mais de quoi je me mêle ?). Des jours à surfer sur les forums, en français, en anglais, en allemand, en finnois.. Un temps j'ai envisagé d'apprendre l'araméen et le serbo-croate, et puis je me suis dit que ce n'était peut être pas utile. Au moins pour cette fois-là.
Ah j'en ai vu des montres..!
Des belles, des moches, des trop grosses (souvent), des trop petites. Des vulgos, maquillées comme une voiture volée, des carrément chics, des bourgeoises, des prolos, des méchamment badass. Des trop cheap et des vraiment trop chères. Des bling-bling, des m'as-tu-vu, des passe-partout, des trop fades. Des en or, en acier, en titane ou en toc. Des mastocs et des poids plume. Des NOS et des d'occas'. Des plus produites, en pré-commande ou bien sur liste d'attente, disponibles au mieux dans 5 ans (on sera probablement tous morts d'ici là, à cause de Poutine, du COVID ou du réchauffement climatique).
Rien qui ne convenait et qui cochait toutes les cases.
J'ai même envisagé tous les cas de figure: faire de la muscu pour avoir de gros bras.. vendre un rein.. m'engager dans la légion.. refaire ma vie à l'autre bout du monde..
"dis papa, quand est-ce qu'on mange ?"
Dur rappel à la réalité. J'en arrive à la conclusion, terrible et inéluctable, que la perfection n'était pas de ce monde et que LA montre idéale avec indicateur de réserve de marche n'existe pas. En tout cas pas ici et aujourd'hui. Cruelle désillusion !!
J'en étais à ces réflexions quand soudain je tombe par hasard sur cette annonce du CDA, lundi matin, donc, pour une Dietrich SD-1 (que, pour être honnête, j'avais déjà repérée à sa sortie il y a 1-2 ans).
Dietrich, quezako ?
Une marque confidentielle franco-suisse, libre réinterprétation d'un classique ("SD" pour skin diver) : bracelet acier "écailles" avec boucle déployante, cadran fumé en léger relief, aiguilles de forme rhomboïde rappelant le végétal, lunette saphir, et une attention particulière aux détails inutiles (et qui font pourtant toute la différence), comme ce petit poisson lumé sur la couronne, ou la gravure "SD-1" et "150m" entre les cornes. Emmanuel Dietrich est un grand malade, et c'est ce qui fait que sa montre est particulièrement attachante.
Le tout dans un budget contenu (1000-1200 €) et avec un moteur fiable et éprouvé, un modeste SW-200 qui fait le job sans prétention.
Si on va plus en détail, les spécs de la bête:
- 38.5 mm de diamètre
- entrecorne 20 mm
- verre et lunette saphir avec A/R
- couronne vissée avec insert saphir
- lunette hexagonale 120 clicks avec 6 zones de grip
- fond plein vissé (totalement vierge de toute écriture)
- boîte acier
- cornes percées
- mouvement Sellita SW-200
- étanche 150 m
- bracelet acier "écailles" avec déployante papillon + perlage (vient aussi avec un rubber de bonne facture + boucle siglée) et pompes rapides
- superluminova sur aiguilles, indexes, lunette et poisson de la couronne
Existe aussi en "Pacific Blue" et "Tropic Green" (exclusivité Gnomon)
Les plus:
- allure générale "apaisante" du cadran et des aiguilles
- diamètre contenu
- RQP intéressant
Les moins:
- guichet date peu lisible (mais disque date exclusif)
- boucle déployante qui semble fragile
Une semaine après, la montre était à mon poignet.
La morale de l'histoire: en ce bas-monde, on ne sait jamais sur quoi on peut tomber, et c'est en cherchant ce qu'on ne trouve pas qu'on trouve ce que l'on ne cherche pas.
En attendant la quête pour la montre ultime avec indicateur de réserve de marche court toujours..