ZEN Rang: Administrateur
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| Sujet: Actu: Le mystère Chanel Dim 17 Fév 2008 - 10:58 | |
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- Le mystère Chanel
Ca, c'est Chanel ! Magazine Challenges
Sur sa haute couture, son N° 5, ses sacs et ses souliers flotte un parfum de mystère. La maison n'est pas cotée et ses propriétaires, les frères Wertheimer, cultivent le secret. Et pourtant ça bouge chez Chanel.
Six lettres magiques pour une griffe légendaire. C'est Chanel, ses parfums - dont le plus célèbre, le N° 5 -, sa haute couture, ses sacs à chaîne dorée. Son aura de mystère aussi, entretenue par ses propriétaires, Alain et Gérard Wertheimer. Rares sont ceux qui se hasardent à évaluer cet empire : à peine si, faute de mieux, les concurrents avancent que le chiffre d'affaires tournerait autour de 5 milliards d'euros. Car Chanel, entreprise familiale, n'est pas coté. Nulle information à transmettre à la Bourse, nulle assemblée générale où affronter des actionnaires trop curieux. Son montage financier complexe, via quelques paradis fiscaux, aboutit à une totale opacité. Les frères Wertheimer, qui cultivent l'incognito, fuient les interviews, refusent d'entrer au Who's Who, s'en tiennent à de rares apparitions sur les hippodromes de Longchamp et Chantilly où courent leurs couleurs, casaque bleue et toque blanche. Et si le magazine Forbes les gratifie d'une fortune de 10 milliards de dollars, le chiffre relève plus de l'approximation que de l'arithmétique. Pour tout cela sans doute, Chanel reste unique. «Un rêve inaccessible dans l'imaginaire, s'enthousiasme Jean-Jacques Picart, conseil mode et produits de luxe. C'est une des plus belles marques du monde, son nom reste un symbole de chic, d'allure, de classe.» Ce qui lui a d'ailleurs permis de surmonter les revers passés. On la donnait moribonde dans les années 1970 ? La marque ressuscite. La couture démarre difficilement ? On continue. «La première collection de Karl Lagerfeld a été un flop total, se souvient un témoin. Au déjeuner qui a suivi, Alain Wertheimer parlait de tout, sauf du défilé.» La crise des années 1990 la frappe ? Elle refuse de fabriquer une gamme moins chère quand d'autres y succombent.
Femmes de tête Aujourd'hui, Chanel passe à une nouvelle phase de son histoire. En se réorganisant - un audit a été commandé -, la maison prépare son avenir dans un marché du luxe en plein essor mais très concurrentiel. «Les propriétaires abordent les problèmes dans l'ordre, estime un consultant. Ils mettent un commandant à la tête du navire.» Ce pilote, ils l'ont trouvé en la personne de Maureen Chiquet, 44 ans, une Américaine passée par L'Oréal et Gap. Avant de prendre la présidence mondiale de Chanel - un poste créé pour elle, à New York -, elle a subi un vrai parcours d'initiation au sein de la maison pendant plus de trois ans. Et la greffe a réussi. En revanche, celle de Véronique Morali, ex-directrice générale du groupe de services financiers Fimalac, n'a pas pris : arrivée en juillet dernier comme présidente pour l'Europe et le Moyen-Orient, elle a démissionné en septembre. «On lui avait fait miroiter des promesses impossibles à tenir, puisque tout ce qui touche à la marque est assuré par Maureen», explique un bon connaisseur de la maison. Pour parfaire le changement de génération, et aussi le lieu du pouvoir, Françoise Montenay, qui a présidé la marque pendant neuf ans de Paris, siège de la création, a été nommée en juillet dernier présidente du conseil de surveillance.
Mondialisation «Ne cherchez pas a comprendre l'organigramme, lance un expert. E est incompréhensible pour le profane, car fabriqué autour des personnes et non des fonctions.» La continuité est assurée par Alain Wertheimer, secondé par son demi-frère, Charles Heilbronn, qui occupe le bureau voisin, tandis que Gérard préfère résider dans le Genève élégant. C'est Alain qui, de l'immeuble de la 57e Rue à New York, vue sur Central Park et tableaux de maîtres aux murs, prend les grandes décisions, oriente la stratégie, restructure, mondialise. «Un chef d'orchestre, mais qui peut à tout moment changer la partition», résume un observateur. Il en est ainsi depuis plus de trente ans. A 26 ans, avec pour tout viatique sa licence en droit et une courte expérience chez Moët, Alain Wertheimer doit redresser la barre après le règne de Jacques, son père, esprit fantasque plus préoccupé d'art que de stratégie. A l'époque, la marque est en péril. Alain Wertheimer dépoussière le réseau de distribution des parfums, revisite la politique de prix. Pour réveiller la belle endormie, en 1978, il lance le prêt-à-porter; en 1983, il engage Karl Lagerfeld, fashion imperator aux allures de dandy (lire portrait page 60). Dix ans plus tard, refusant les avertissements des Cassandre, Alain Wertheimer crée un département joaillerie. «Personne n'y croyait, se souvient un proche. Mais Alain souhaitait faire une marque de création avec un positionnement au top.» Pari réussi. «Une très belle croissance, supérieure à celle du marché», se félicitait récemment Philippe Mougenot, président des activités horlogerie-joaillerie. Plus d'une quarantaine de boutiques, toutes en propre, ont été ouvertes de par le monde. Dont le récent écrin, signé de l'architecte Peter Marino, inauguré place Vendôme, à Paris.
Comptabilité top secret «S'ils ouvrent autant de boutiques, c'est que ça marche», constatent les concurrents. De 17 pour le prêt-àporter en 1983, on en est à 154, à quoi il faut ajouter une centaine de corners dans les grands magasins, notamment américains. Un succès planétaire, donc ? Bien malin celui quipeut hasarder le moindre chiffre. A peine si les cadres dirigeants, réunis en séminaires à New York en décembre et à Deauville en juin, sont informés. Certes, en fouillant bien, on peut dénicher le chiffre d'affaires de la société Chanel SAS, «haute couture, parfums, créations de mode, bijoux», domiciliée à Neuillysur-Seine, soit 1,046 milliard d'euros pour un bénéfice de 184000 euros, mais ce n'est guère significatif. Comme le remarque un ancien directeur : «Mes résultats, je les envoyais à New York en prix coûtant.» Et chacun sait que si Chanel est une des rares maisons à équilibrer ses ventes entre le prêt-à-porter et les cosmétiques, l'Asie et les Etats-Unis représentent l'essentiel des ventes. Au Japon, Chanel a ainsi quasiment doublé son chiffre d'affaires depuis dix ans pour atteindre 700 millions de dollars. Pour se positionner toujours plus haut de gamme, les prix ont été revus à la hausse : un sac qui coûtait 400000 yens (2500 euros) voilà cinq ans est aujourd'hui vendu 700000 yens (4500 euros). Rien à moins de 70000 yens (450 euros), premier prix pour un porte-cartes. Pourtant le magasin de Tokyo ne désemplit pas. Avec son espace culturel et, au sommet de l'immeuble, le restaurant Beige, confié à Alain Ducasse, cette vitrine du luxe a nécessité un investissement de 240 millions de dollars. Le propriétaire, Alain Wertheimer, toujours par discrétion, ne l'avait même pas inaugurée en décembre 2004 : il s'était borné à envoyer un courriel de félicitations. Seule Françoise Montenay, qui dirigeait la maison, assurait à la journaliste Dana Thomas que le retour sur investissement était prévu dans les trois ans. Mais ces ambitions internationales ne dispensent pas Chanel de rester Adèle à ses collaborateurs. «Quand quelqu'un est en difficulté, on lui laisse son poste et son bureau», reconnaît un observateur. Depuis toujours ou presque, c'est le cabinet d'avocats Salans, là où a longtemps officié la mère d'Alain Wertheimer, Eliane Heilbronn, qui défend les intérêts de la maison. Seul accroc : le conflit opposant Chanel au façonnier World Tricot, qui l'accuse d'avoir plagié une de ses créations. L'expertise traîne depuis plus de vingt mois, au grand dam de sa fondatrice, Carmen Colle, qui travaillait depuis près de dix ans avec Chanel. «Je pensais qu'il existait une relation de partenariat entre nous», regrette-t-elle.
Tabou de la succession Chanel se veut éternel. «Sa vision du temps est différente des autres griffes du luxe», souligne un expert du secteur. «Les codes de la maison sont très forts. Ce sont les créateurs et les produits qui doivent s'exprimer par eux-mêmes», confirme Bruno Pavlovsky, président des activités mode. «Tout y est cohérent, comme si l'héritage de Coco Chanel se perpétuait, comme si l'esprit maison aplanissait les dissensions entre les vedettes de la maison», remarque un ancien. Heureuse nouvelle car, après le changement de direction, il s'agit aussi de renouveler la création. Jacques Helleu, le directeur artistique des parfums et de lajoaillerie, disparu à l'automne dernier, laisse un vide. On lui doit l'image - et une grande part de la notoriété - de Chanel (lire ci-contre). Onlui doitaussile succès des montres, comme la Première il y a une vingtaine d'années et, plus récemment, la J12, qu'il a créées. Les maquilleurs vedettes Dominique Moncourtois et Heidi Morawetz ont passé le relais. Ne reste que Karl Lagerfeld, dont la succession est un sujet tabou.
Les belles de Chanel Pour promouvoir le N° 5 aux Etats-Unis, l'ancien directeur artistique des parfums Chanel, Jacques Helleu, récemment décédé, a l'idée, en 1968, de lui associer un visage de star. Catherine Deneuve offre son image au N° 5. Il devient un mythe. Carole Bouquet, Candice Bergen, Vanessa Paradis, et plus récemment Nicole Kidman ou Keira Knightley, lui ont succédé. Les plus grands photographes et réalisateurs, de David Bailey à Richard Avedon, de Baz Luhrmann à Dominique Isserman, ont bénéficié de budgets de longsmétrages pour immortaliser quelques minutes de grâce et d'élégance... http://www.challenges.fr/business/20080214.CHAP1023568/ca_cest_chanel_.html _________________ Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).
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