On est en 1918 à la fin de la guerre dans un village de l'oise, un département qui a souffert de l'invasion allemande. Quand Jean a été mobilisé en 1914, Suzanne Mertigue a d'abord fait face toute seule aux charges de la ferme et puis en 1917, il a fallu partir se protéger en Lozère dans la famille de Jean. Suzane du haut de ses 36 ans a jusque là et comme elle a pu, fait face avec Lise sa fille de 17 ans aux tâches de la ferme avant de répartir le bétail dans d'autres exploitations pour sauvegarder ses enfants. Pierre le second enfant du couple, un garçon de 6 ans a lui aussi prété la main au travail agricole.
La famille est à la fin de la guerre disloquée, ruinée... Jean blessé est dans un hôpital près de Verdun et la ferme que retrouve la famille est méconnaissable. La vaisselle a été volée ou cassée, les meubles sont renversés ou ont disparu au grès des pillages.
On avait prévenu Suzanne que tout départ de la ferme serait fatal pour les biens de la famille. On lui avait dit aussi qu'elle et sa fille couraient de grands risques avec ces soldats en appétance de femmes.
Lise était une jolie brune fine et candide. Suzanne n'avait voulu courir aucun risque pour elle et pour Pierre fragilisé par l'absence de son père.
Ce 19 novembre, on attend Jean qui devrait d'après son dernier courrier sortir de l'hôpital. Il n'a pas précisé ses blessures mais Suzanne est confiante, il semble avoir le moral dans ses derniers courriers. Depuis des mois, il ne cessait de s'inquiéter pour la famille et la savoir de retour à la maison le rassure. Dans sa lettre d'octobre, il a un mot pour chacun... Quand on frappe à la porte à la nuit tombante, Suzanne s'attend à retrouver Jean après 4 ans d'éloignement. Au lieu de cela, ce sont les gendarmes qui viennent embarrassés lui expliquer que Jean s'est jeté sous le train en gare de Verdun. Il a laissé une lettre dans laquelle il explique que la perte de sa jambe et de sa main gauche le rendent indigne de la famille. il dit ausi que son visage est effacé du coté gauche par un éclat d'Obus qui le rend méconnaissable. Il supplie Suzanne de refaire sa vie et de l'oublier tout en lui demandant d'expliquer aux enfants qu'il les aimait.
Suzanne s'effondre, anéantie, désespérée. Elle se mure immédiatement dans un silence total et semble incapable de bouger. Sa prostration est expliquée par Jacques, le médecin du village qui pense qu'il faudra des mois et peut-être des années pour en sortir.
Le médecin est jeune, il a pratiqué sur le front ses premiers gestes médicaux. Chaque jour, il vient à heure fixe parler à Suzanne et rassurer Lise qui assure seule l'éducation de Pierre. La famille est pauvre, très pauvre. On se nourrit comme on peut avec du pain raci trempé dans du lait et de l'eau. Lise élève des volailles qu'elle vend sur le marché pour assurer le quotidien. La maison est tenue, Lise ne rechigne pas à la tâche ne se plaignant jamais. Pierre vit dans l'angoisse de la mort de sa mère et du départ de sa soeur. Que deviendrait-il s'il restait tout seul ?
Jacques prend le temps de leur parler et de les rassurer. Il sort à chaque visite un chronographe de poche Omega et mesure les pulsations de Suzanne. Il laisse volontier Pierre déclencher le chrono. Le gamin est fasciné par la qualité de la mécanique.
La veille de Noël, Jacques montre à Pierre, le mouvement du chrono qu'il ouvre avec un scalpel logé au fond de sa sacoche. Le gamin en rêve de cette mécanique...
On n'est pas encore en 1919 quand Lise est prise par la fièvre. Pierre court chercher le médecin à onze heure mais il est en tournée et ne sera pas là avant l'après midi. Les cas de fièvres se multiplient dans le canton. La grippe Espagnole connait un pic. On la croyait repartie comme elle était venue mais elle vient frapper , ici au coeur du canton.
Quand il apprend la fièvre de Lise , Jacques vient sans tarder. Il décide de rester là pour la soigner, la veiller . Il isole le gamin dans la pièce à coté et fait manger Suzanne. Pierre est inquiet, affolé ... Il n'arrête pas de questionner Jacques . Il veut qu'on lui promette que personne ne va mourir, qu'il ne sera jamais seul.
Pendant 2 jours, Jacques est auprès de Lise . Il laisse son chronographe à Pierre qui peut s'amuser avec la montre. Ces deux jours sont interminables... Jacques ne lache plus la main de Lise. Il la tutoie pendant qu'elle dort et lui caresse le visage quand elle ouvre les yeux.
L'année a changé à minuit, Lise ouvre enfin les yeux...Elle semble aller mieux, la fièvre est tombée. Jacques l'annonce à Pierre et à Suzanne qui pour la première fois dit un mot à peine intelligible "Merci".
Ce 1er janvier 1919 est celui de la renaissance de la famille. Jacques rentre chez lui. Il est heureux. Après des années de fréquentation de la mort, il vient de faire triompher la vie.
Pierre est décédé en 1998 d'un oedème pulmonaire, il avait presque 86 ans. Il fut professeur de médecine. Sa vocation, il la tenait depuis l'âge de 6 ans quand un jour de l'an, il vit la vie chasser la mort de sa soeur. C'est Jacques qui l'aida à poursuivre ses études. Il le considérait comme son fils, ce gamin malheureux et si attachant. Pierre fut un grand collectionneur de chronographes de poche...Ils le rattachaient à la vie et il ne cessait de les déclencher et de les remettre à zéro... On sait pourquoi.