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PPR a vocation à devenir un grand groupe de marques mondiales d'équipement de la personne
[ 18/11/09 ]
Après la vente du Printemps en 2006, la prise de contrôle de Puma en 2007 et la cession d'YSL Beauté en 2008, la mise en Bourse de la majorité du capital de CFAO constitue la 4
e grande opération structurante réalisée par François-Henri Pinault depuis son accession, en 2005, à la présidence du groupe familial. Dans un entretien aux « Echos », « FHP » détaille sa stratégie visant à bâtir, autour de Gucci et de Puma, un portefeuille de marques mondiales d'équipement de la personne, dans le luxe et le « lifestyle ».
« C'est maintenant que tout commence », lançait votre père, François Pinault, en 1990 lorsqu'il prit le contrôle de CFAO, première étape du repositionnement vers la distribution du Groupe Pinault, qui allait devenir PPR. Diriez-vous la même chose alors que vous allez cette fois céder le contrôle de CFAO, amplifiant ainsi le recentrage de votre groupe vers les marques mondiales d'équipement de la personne ? Notre groupe est un groupe d'entrepreneurs qui a toujours poursuivi une stratégie de développement et de croissance l'amenant à se transformer régulièrement. La stratégie de recentrage que vous évoquez, je l'ai décidée en 2005. J'aurais donc pu aussi bien le dire en juillet 2006, lorsque nous avons vendu le Printemps, ou en juillet 2007 lors de la finalisation de la prise de contrôle de Puma. Depuis quarante ans, l'histoire du groupe est jalonnée de mouvements étalés sur des périodes assez longues. Lorsque j'ai pris la présidence du groupe en 2005, j'ai poursuivi cette dynamique de développement en choisissant de tourner le groupe vers des marques mondiales d'équipement de la personne, moins dépendantes de leur marché domestique que ne l'est la distribution grand public. Dans l'exécution de cette stratégie, ma première décision a été de vendre le Printemps et de trouver des marques mondiales grand public. J'ai eu un premier contact en septembre 2006 avec Jochen Zeitz, le président du directoire de Puma. Je le connaissais car il avait été approché par notre chasseur de tête en 2004 pour Gucci Group ! Nous avons finalement acheté Puma en 2007. Puis il y a eu la vente d'YSL Beauté à L'Oréal en juin 2008. C'est alors que la crise financière est arrivée.
Pourquoi CFAO aujourd'hui, et à travers une introduction en Bourse, plutôt qu'une vente pure et simple ? Il s'agit d'une nouvelle étape dans l'exécution de la stratégie de développement que nous poursuivons depuis 2006. CFAO a toujours eu une place à part dans le groupe. C'est une très belle entreprise dont
PPR a fait un leader sur ses marchés, avec un chiffre d'affaires multiplié par près de trois en dix ans, des positions clefs dans 31 pays d'Afrique et une présence unique sur un continent qui suscite de plus en plus d'intérêts. Et sa valorisation en témoigne. La décision de céder une partie du capital de CFAO a été prise en janvier 2009, puis gelée pendant six mois à cause de la crise financière. Le dossier a été rouvert cet été car nous anticipions un redressement des marchés. Aujourd'hui, la valorisation d'un tel actif ne peut se faire qu'en Bourse. En effet, le marché des fusions-acquisitions de taille significative est fermé par manque de financement pour les acquéreurs.
Combien comptez-vous retirer de cette opération ? Il ne s'agit encore que d'un projet et il est donc un peu tôt pour se prononcer sur ce point. L'AMF a apposé son visa sur les conditions de mise en Bourse d'une majorité du capital de CFAO dans une fourchette de prix entre 24,80 et 29 euros. Les résultats de l'introduction en Bourse devraient être connus le 2 décembre et je suis confiant dans le succès de cette opération. D'ailleurs, nous avons choisi de ne pas étendre l'offre au-delà de 50,4 % sauf mise en jeu de la traditionnelle « greenshoe », car nous souhaitons participer à la création de valeur future de l'entreprise.
Si elle se concrétise, que ferez-vous du produit de la vente ? Mécaniquement et à court terme, il contribuera au désendettement du groupe. Et je confirme qu'il n'y aura pas de distribution de dividende exceptionnel. Je rappelle en outre que nos récentes émissions obligataires ont significativement allongé la maturité moyenne de notre dette et que nous gardons un volant de liquidités d'environ 4,5 milliards d'euros, par des lignes de crédit confirmées non utilisées.
N'est-ce pas le moment de porter votre participation à 100 % dans Puma pour percevoir la totalité des bénéfices et gommer ainsi l'effet dilutif de l'opération CFAO ? Celle-ci aura bien un effet dilutif sur l'Ebit du groupe, mais qui ne justifie pas de consacrer le bénéfice de l'introduction éventuelle de CFAO en Bourse à une montée à 100 % au capital de Puma. D'autant que, je le répète, cela n'est pas notre priorité à court et moyen terme. Je préfère garder du cash pour des opérations structurantes, car j'ai d'autres projets en tête.
Lesquels ? Je reste attaché à notre stratégie d'un groupe équilibré entre le grand public et le luxe. PPR ne sera jamais un « pure player » du luxe, sauf à ce que je me résolve à n'avoir qu'un petit groupe. D'ailleurs, la plupart de nos compétiteurs ne sont pas des « pure players ». Et j'ai l'habitude de dire que les résultats se font d'abord en euros et non pas en pourcentage. Pour autant, le profil de PPR va profondément gagner en cohérence. Jusqu'ici il n'y avait pas de réelles synergies entre nos métiers. Notre vision stratégique nous amènera à construire un groupe dans l'équipement de la personne, sur les segments luxe et grand public, à travers des marques fortes et un modèle de développement fondé, en partie, sur la maîtrise de nos réseaux de distribution. C'est déjà le cas à plus de 70 % pour Gucci, Bottega Veneta et Yves Saint Laurent, et nous sommes en train de développer le réseau de Balenciaga. Dans les marchés grand public où PPR va se développer, la part des revendeurs est traditionnellement plus importante. Puma ne maîtrise encore que 18 % de sa distribution, mais nous avons l'ambition à long terme de porter cette part jusqu'à de 30 % à 40 %. Ce sera le moteur commun de la croissance. Nous allons bâtir un portefeuille de marques mondiales à la légitimité forte et complémentaires autour de la marque Puma dans l'univers « lifestyle », comme c'est le cas autour de la marque Gucci dans le luxe. A terme, PPR a vocation à devenir un grand groupe de marques mondiales d'équipement de la personne dans un univers de consommation et sur un modèle de développement homogènes. Ca n'a jamais été le cas auparavant.
Cela veut-il dire que le portefeuille de Gucci Group va rester figé ? Non, bien sûr, nous allons continuer à le faire évoluer. Par exemple, dans le secteur joaillerie, bijouterie, horlogerie, nous avons une très belle marque de haute joaillerie, Boucheron, mais nous ne sommes pas très présents dans le premier segment de ce marché, ni dans la haute horlogerie. La crise va accélérer certains mouvements et il y aura des opportunités à saisir.
D'autant que les marchés ont pu être déçus par vos récentes performances dans le luxe... … Notre marque Gucci figure dans le tiercé de tête des grandes marques de luxe dans le monde. Elle surperforme en période de croissance des marchés et elle a pu enregistrer des différentiels jusqu'à de 2 à 5 points en sa faveur par rapport à nos principaux concurrents. On le voit, en période de crise, les clients se replient sur les produits intemporels plutôt que sur les nouveautés. Or il est vrai que les collections de Gucci comportent une part importante de nouveautés, ce qui est inscrit dans l'ADN de la marque. Mais j'observe que les périodes de croissance sont toujours plus longues que celles de récession …
Quel est le timing que vous avez donné aux dirigeants de Conforama, FNAC et Redcats pour le redressement de ces entreprises avant leur mise en Bourse ? A court terme, il n'existe pas de processus de cession ou de mise sur le marché de ces enseignes. La priorité est que nous sortions renforcés de cette crise. Et, malgré leurs difficultés structurelles, ces entreprises restent parmi les plus rentables de leurs secteurs. La FNAC marche très bien, Conforama enregistre des signes extrêmement positifs et pour Redcats c'est encourageant. La Bourse fait partie des options, mais elles n'ont pas toutes vocation à être cotées. Quoi qu'il en soit, je ne braderai pas ces magnifiques entreprises.
http://www.lesechos.fr/info/distri/020224833000-ppr-a-vocation-a-devenir-un-grand-groupe-de-marques-mondiales-d-equipement-de-la-personne-.htm