Bonsoir,
Voici une interview abc-luxe de M. Meylan administrateur délégué d’Audemars Piguet, il nous parle notamment d'internet !
Audemars Piguet nous présente sa dernière création 27/02/2008
Lors du lancement de sa collection Royal Oak Offshores dames, abc-luxe a rencontré M. Meylan, administrateur délégué d’Audemars Piguet. L’occasion de parler des grandes orientations de la maison et de faire le point sur les stratégies internet.
"Parlez-nous des grandes orientations de la marque pour 2008-2009, nous avons l’impression que la femme devient l’une de vos priorités ? A la base, Audemars Piguet est une marque très masculine, mais il est vrai qu’on se bat depuis longtemps pour augmenter notre part de marché sur le segment féminin, ce qui n’est pas toujours facile quand on fait des grosses montres très sportives. Nous sommes actuellement à un ratio de 2/3 à 3/4 montres homme. Pour les montres femme, ce n’est pas facile malgré la mode des montres homme portées par les femmes. Notre but est de nous rapprocher d’un ratio 50/50.
Autres grandes orientations stratégiques cette année ?
Grosse orientation sur le golf cette année à travers du sponsoring et des événements. Nous avons été très fortement présents pendant plusieurs années sur la voile. Concernant l’America’s Cup (A-P est partenaire d’Alinghi, le défi Suisse tenant du titre) nous sommes en pleine discussion afin de savoir ce qui va se passer. Nous sommes présents sur des événements golfiques en Asie, aux USA, beaucoup d’ambassadeurs qui font d’excellents résultats, cela nous aide beaucoup. Nous nous sommes consacrés cette année tant pour l’homme que pour la femme sur le modèle Millenary, un modèle ovale dans la ligne « contemporaine ». Nous faisons beaucoup d’expositions et d’événements autour de ces produits.
Nous pouvons voir que les temps sont assez perturbés aujourd’hui du point de vue de la finance. Cela a-t-il des répercussions sur votre activité ?
Il y a beaucoup de choses qui peuvent nous faire évoluer, c’est vrai que les soubresauts de l’économie sont le prix à payer quand on travaille avec des produits dépendants des matières premières comme le pétrole. Les taux de change peuvent aussi devenir difficiles dans certains cas comme le dollar qui se « traîne » si je peux utiliser cette expression. Toutes ces choses nous intriguent et nous préoccupent. Toutefois, je pense que 2008 va rester une année assez forte parce que le marché a été très demandeur, surtout qu’il reste beaucoup de marchandises dans les différents canaux de distribution d’où un certain nombre de mois à venir assez sereins. Mais il faut être très attentif à ce qui va se passer après.
Finalement on parle très souvent des inconvénients d’être la dernière entreprise indépendante face à des groupes de plus en plus gigantesques, face aux variations de la bourse, c’est peut-être plutôt un gage de sérénité pour vous d’être indépendant ? Je crois qu’être indépendant, pour moi en tout cas, c’est vraiment un avantage. Comme nous sommes une société familiale, nous pensons à très long terme. On peut se permettre de se dire qu’il faut passer à travers la tempête parce qu’après celle-ci, il y aura toujours un calme, comme on l’a vu au fil des années. Cela s’est toujours passé ainsi. Nous ne sommes pas conduits par les cours de la bourse.
Quels sont vos projets de recrutement à l’internationale dans les années à venir ?
Nous sommes actuellement un millier de personnes dans le groupe. Nous couvrons pratiquement tous les principaux pays avec des sociétés de distribution, donc c’est notre croissance qui va guider notre recrutement. On a besoin de jeunes exécutifs dans le commercial, on a besoin de gens dans la technique, dans la production, on a besoin de personnes dans un peu tous les domaines vue la croissance que nous avons. Il y a aussi le fait qu’on ouvre de plus en plus de boutiques, nous avons actuellement des projets à Madrid, à Taiwan ou encore en Chine. Tout ceci amène à recruter des commerciaux pour faire tourner ces boutiques.
Côté production, vous faites justement partie des derniers garants des traditions ancestrales, est-ce que cela devient compliqué de former, de trouver des personnes qui veulent aller vers ces métiers de très haute précision ?
Il y a beaucoup de jeunes, qui sont intéressés parce qu’ils s’aperçoivent que c’est une profession stable, avec de bons salaires. Il y a beaucoup de développement, des possibilités même en tant que technicien, de travailler à l’international. Si vous êtes horloger dans le service client, nous avons des postes à pourvoir aussi bien à Moscou, à Londres ou à New York. C’est la même chose dans le domaine marketing, dans le domaine des relations publiques ou de la presse… Tout ceci permet à des jeunes de trouver des emplois intéressants.
Internet, est-ce que vous y croyez sur votre marché ? Vous ne vendez pas en ligne. Cela fait-il partie de vos projets comme certains de vos concurrents ?
Nous venons de refaire notre site internet, un site de communication le plus interactif possible mais le e-commerce reste une préoccupation, un sujet d’étude et de discussions, de savoir ce qu’on fait dans le e-commerce. On a un peu tendance à attendre de voir ce que chacun fait, mais j’ai l’impression que dans la profession, tout le monde s’observe mais il n’y a pas beaucoup de décisions qui sont prises.
Il y a Mauboussin et Boucheron qui se sont récemment mis à la vente en ligne…
Ces deux entreprises ont une très grande différence avec nous, ils vendent avant tout des bijoux, la montre reste une activité plus accessoire. Chez Audemars Piguet, l’activité principale est l’horlogerie, en particulier les montres compliquées, qui nécessitent une présentation, une démonstration, la possibilité de l’essayer, de la toucher….. Et c’est difficile de l’éviter. On pourrait avoir des boutiques qui les présentent et les vendent ensuite sur internet. C’est le genre de réflexion que nous avons et je pense qu’on ne pourra pas éviter un jour qu’il y ait des ventes de nos produits sur internet. Il y en a déjà qu’on ne souhaite pas nécessairement parce qu’il y a des sites qui ne sont pas corrects, qui vendent n’importe quoi aussi bien du vrai que du faux. Donc j’incite plutôt la clientèle à faire très attention parce que même le plus grand site au monde vend du faux !
Vous parlez d’eBay ?
Absolument !
Audemars Piguet possède une particularité sur internet, c’est le nombre de références avec une mauvaise orthographe. Visiblement les gens écrivent Piguet avec un Q plutôt qu’un G. Est-ce que cela vous pose un problème en terme de communication ?
A mon avis la difficulté de Audemars Piguet dans beaucoup de langues, c’est plutôt la prononciation du mot. Nous sommes une marque aux deux noms longs et difficiles à prononcer. Les Américains nous appellent Audemars et les Asiatiques plutôt AP… Il est vrai que c’est un petit handicap mais nos affaires fonctionnent très bien malgré cela.
Comment faites-vous pour former tous les gens qui doivent être en mesure d’employer des termes spécifiques ? Est-ce une difficulté ?
En effet, c’est un souci mais on s’en occupe beaucoup, on a d’ailleurs créé la A.P. Académie. L’Académie Audemars Piguet, consiste à former toutes les personnes qui gravitent autour de la marque afin de leur permettre d’avoir une bonne connaissance de celle-ci, des produits, de l’histoire, tout ce qui fait l’ADN d’Audemars Piguet. Nous avons actuellement des sessions de trois jours tous les quinze jours. On utilise à la fois des formateurs et en même temps nous proposons une visite de nos ateliers afin d’expliquer les choses. C’est vraiment important que toutes les personnes qui parlent du produit en aient une vraie connaissance. Il faut savoir que dans notre métier, l’acheteur est souvent meilleur connaisseur que les gens de la maison. Nous avons donc un gros travail de formation à faire. On est en train de le réaliser avec succès parce nos employés comme les gens qui travaillent dans les boutiques, sont tous demandeurs de ce type de formation. Beaucoup de travail pour les mois et années à venir…
Propos recueillis par Gaël Polles "