ZEN Rang: Administrateur
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| Sujet: Actu: Egéries masculines ou la quête du Graal Lun 31 Mar 2008 - 7:32 | |
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- Egéries masculines ou la quête du Graal
[ 25/03/08 ]
Jamais la publicité ni les grandes marques de luxe n'ont autant fait appel à des stars masculines du grand écran, signe d'une quête de sens et de plus de profondeur. Le communiqué de presse vient de tomber : « Pour diffusion immédiate. Nouvelle égérie masculine pour Christian Dior Parfums. » Suit une photo très sexy d'un beau jeune homme avec une barbe de trois jours et d'un regard perçant. « Jude Law incarne le prochain parfum masculin de la Maison Dior, indique la direction de la communication. L'acteur prête ainsi pour la première fois son image à une maison de parfums. » C'est aussi la première fois que la célèbrissime marque recrute une égérie masculine qui ne soit pas un mannequin, en vue du lancement prochain, en septembre, de sa nouvelle fragrance. Encore une.
Avant Dior, Dunhill s'était en effet déjà offert l'acteur britannique de 35 ans nominé à deux reprises aux Oscars. Jude Law viendrait d'ailleurs de signer à nouveau avec eux pour plus de 6 millions d'euros. Montant en partie dû à la notoriété dopée de Dunhill en Asie, où Jude Law fait des miracles. Reste un fait : on ne compte plus les grands noms du luxe, de la mode ou de la beauté qui s'offrent à grands frais des sex-symbols du 7e art, moins délicats que les éphèbes imberbes et huilés des podiums. Patrick Dempsey, la star de la série « Grey's Anatomy », a été choisi par Donatella Versace « herself » pour incarner pendant deux ans le prêt-à-porter masculin de la marque de couture italienne. Il succède à Jonathan Rhys-Meyers, passé de Versace à Boss, et à Tuki Brando, qui fut un temps à l'affiche des billboards maison. Chez Lancôme, c'est Clive Owen, la plus belle gueule cassée du cinéma actuel, bientôt à l'écran de « Closer » avec Julia Roberts, qui a pour tâche de promouvoir le parfum « Hypnose » pour hommes et la gamme anti-âge « Lancôme for Men ». La presse britannique avance le chiffre de 3 millions d'euros pour expliquer l'empressement de l'acteur, peu coutumier du fait, à signer.
Accélérateur de notoriété Car tous les acteurs l'assurent, tourner un spot télé pour une marque alimentaire ou un lessivier est quasi « dégradant ». « On le fait pour l'argent, confirme Raphaël, jeune premier qui a démarré au théâtre et au cinéma. Quand on ne tourne pas, cela met du beurre dans les épinards. » Alors quoi, Jude Law ou George Clooney auraient des soucis de fin de mois ? Les marques les plus célèbres céderaient-elles aux sirènes de la pipolisation ? Que nenni, assure Gilbert Scher, cofondateur en charge de la création de l'Agence H (Havas). « Une personnalité masculine qui a une bonne image, comme les grands acteurs de cinéma, c'est un incroyable accélérateur de notoriété. Il s'agit de proposer aux consommateurs une figure dans laquelle ils peuvent se reconnaître. Si le choix est bien fait, c'est aussi pour les marques une certitude de reconnaissance, d'attribution et de notoriété sans vampirisation. Mon postulat, c'est que c'est bien à partir du moment où l'acteur est partie prenante dans le message, avec subtilité et humour. »
A cet égard, l'association de Georges Clooney à Nespresso, qui correspond à la classe et au raffinement du concept de la marque, est un modèle du genre. Pourtant, l'acteur n'en était pas à son coup d'essai, ayant déjà prêté son image à Omega ou, de façon plus décalée, à Martini aux Etats-Unis. « Les marques ont besoin d'un contenu plus riche, explique Natalie Rastoin, directrice générale d'Ogilvy France. Or les mannequins ont moins de personnalité aujourd'hui et offrent moins de surface projective. Choisir un acteur comme Clooney, qui arrive avec son histoire, offre une dimension supplémentaire à Nespresso. Deux icônes se rencontrent. » Mais Clooney n'est pas le seul : les belles gueules se multiplient. Et comme à l'époque de Woolite, où les actrices se battaient pour en être, ces messieurs n'arrêtent pas de tourner et de « shooter ». Un bon plan quand on sait que l'unité de compte sur leurs contrats est le million de dollars.
Certes, disent les professionnels de la communication, le phénomène n'est pas réellement nouveau. Laurence Olivier avait été sollicité en son temps par de grandes marques. Et plus récemment, John Travolta, ambassadeur de Breitling, a aussi servi de VRP pour l'Airbus A380 lors du dernier Salon du Bourget. « Les consommateurs demandent davantage d'authenticité. Or les acteurs n'ont pas à prouver qui ils sont, à raconter une histoire. Quand Lancôme choisit Mathieu Kassovitz pour incarner un parfum masculin, ils savent ce qu'ils font. C'est comme un témoignage, mais en mieux. » L'an dernier, c'est Jean Reno qui vantait les bagages Samsonite Graviton.
Affirmer une personnalité L'accélération du phénomène est patente. « Avant, la publicité véhiculait une même vision de l'homme très efféminé, très lisse, avec une attitude presque asexuée, analyse Scher. Il y avait une certaine banalisation des marques, qui cherchaient à émerger parce qu'elles avaient adopté les mêmes schémas et les mêmes codes d'identification. Aujourd'hui, elles cherchent à affirmer une personnalité en se choisissant des icônes en adéquation avec leurs valeurs. » Une fois qu'elles ont défini l'identité de leur produit, son univers, elles vont chercher l'incarnation de l'idée, notamment dans la mode ou le parfum. La projection de ce territoire mental passe par le choix très délicat d'un ambassadeur. Pour offrir une différenciation forte, celui-ci doit déjà avoir un vécu important. D'où le choix d'hommes célèbres, souvent quadras, pour asseoir la crédibilité du message. « La mode est aux hommes virils, au mari idéal, au visage parfois marqué, façon Clive Owen ou Mathieu Kassovitz, assure Anne Gaffié, chargée de la mode masculine aux éditions Jalou depuis quinze ans. Les marques pensent qu'ils sont les meilleurs relais pour s'adresser aux pères de famille de 40 ans qui n'achetaient pas trop de produits de beauté ou de luxe. Parallèlement, les jeunes premiers fonctionnent aussi très bien, comme si les hommes se disaient : «Si lui, qui plaît tant aux femmes, met ça ou fait ceci, c'est que ça doit être bien.» » A chaque fois, la star masculine apparaît comme un élément du réenchantement de la marque, renouvelle sa modernité et l'ancre dans une nouvelle vision du monde contemporain.
Mais ce n'est pas toujours suffisant. Et si la campagne Nespresso a remporté un tel succès, c'est justement parce qu'elle repose sur un petit supplément d'âme, selon Jérôme Guilbert, directeur général de Mc Cann Paris, en charge de l'ensemble du budget : « Nous n'avons pas utilisé Clooney comme un ambassadeur. Il sert de faire-valoir à Nespresso, mais dans la séduction, l'humour, et de façon génialement ironique. » C'est cette alchimie qui créerait de la différenciation et de l'intérêt. « Avec un acteur bien choisi, il y a une histoire dans l'histoire, la campagne se densifie et devient elle-même un objet de relations publiques. » Tout particulièrement à l'heure où l'acteur hollywoodien est plus que jamais la personnalité emblématique du monde moderne. AYMERIC MANTOUX http://www.lesechos.fr/info/metiers/4704766.htm _________________ Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).
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