Ce soir pour m'encourager, je vais me relire ...

Bonjour

Je rentre d'une de ces manifestations à vocation culturelle, vous savez ces concerts cocktails où l'on déguste des petits fours en versant une larme sur un tableau, une tirade d'acteur cintré ou une poussée vocale d'une chanteuse dont la poitrine a été surgonflée. J'avoue avoir une grande sensibilité pour ces soirées où l'art cotoie le toast et où la mastication remplace le propos insipide des incultes. Plutôt que de les laisser dire n'importe quoi , autant leur occuper la bouche avec des tartines. C'est que voyez-vous, il n'est pas d'équivalent que les imbéciles pour avoir sur tout une opinion et comme le disait fort justement Coluche, surtout des idées.

J'avoue prendre un certain plaisir à entendre les interprétations des invités de ces soirées sur la perspective de la photographie du maître, l'attrait du noir et blanc, la profondeur de champ, l'allegro spiritual ou bien même le si bémol majeur. Vraiment, je comprends que de plus en plus que l'on juxtapose le service des petits fours et celui de la prestation intellectuelle qui se veut support de l'art.

Notez que lors de ces manifestations, personne ne reste sans avis et surtout qu'aucun avis n'est négatif de peur pour l'auteur d'un avis divergent de n'être jamais réinvité. Dans l'art du faire semblant, de la simulation du plaisir et du camouflage du néant culturel, la foule est le meilleur endroit de dissimulation. L'errance intellectuelle, pardon la déshérence des esprits est de plus en plus habilement cachée pour des raisons finalement assez simples. Les gens cultivés n'ont plus d'auditoire pour les écouter. Une référence littéraire tombe plus facilement à plat qu'une crépe de la mère Poulard dans l'assiette du consommateur.

Je ne ferai pas comme ces vieux aigris qui sont convaincus que la responsabilité de tout cela revient à la télé, au net et au système scolaire mal construit mais tout de même force est de constater que des conversations dont les sujets sont soumis, nourris et distillés par des cons deviennent lorsqu'ils trouvent échos auprès d'autres cons des moments d'anthologie illustrant la dégénérescence de l'esprit humain.

Qu'ils soient Genevois ou Parisiens, les cons sont universellement répandus avec les mêmes avis tranchés, les mêmes certitudes et les mêmes lieux communs pour illustrer le vide abyssal de leurs pensées.

Je ne sais pas finalement si je ne préférerais pas encore le con de base à celui de cours car lui au moins ne revendique aucun autre statut social que celui d'employé au service de gens qu'il qualifie de cons simplement parce qu'ils ont sur lui, autorité et influence.

Un con influent est-il aussi négligeable qu'un con qu'au mi-temps on associe aux idées reçues ? J'avoue ne pas avoir de réponse et si l'on est bien chacun le con de l'autre, il ne faudrait tout de même pas imaginer que la frontière de la bétise puisse reculer indéfiniment.

Nous avons probablement tous un seuil de tolérance maximum. Je ne connais pas le mien et ce serait prétentieux d'imaginer que d'autres ne prennent pas un malin plaisir à évaluer le niveau de ma propre connerie car de toute évidence, le con s'évalue en permanence et se compare, c'est même comme cela qu'il s'identifie dans le groupe auquel il appartient. Tiens, finalement je préfére encore faire bande à part. Au moins là, je ne prendrai le risque d'être déçu que par moi-même. J'espère que ce n'est pas trop difficile de devenir son propre con. Je ferai des efforts pour ne jamais atteindre cette limite pour moi-même bien sur et aussi pour ceux qui au fond d'eux-mêmes savent que nous ne sommes pas si cons que cela.

Bon, ce soir pour m'encourager, je vais me relire ...