Un ressort casse à la tête du groupe horloger genevois Rolex
MALAISE
L’horloger à la couronne reste muet sur les raisons qui ont conduit au départ, à la fin de cette année, de Patrick Heiniger, administrateur-délégué et directeur général du groupe.
La dépêche était aussi courte que la nouvelle était fracassante. Mardi soir, on apprenait que Patrick Heiniger, administrateur-délégué et directeur général de Rolex ( 24 heures d’hier), abandonnerait ces deux fonctions exécutives à la fin de l’année.
Nulle part, dans cette nouvelle en provenance de la prestigieuse maison d’horlogerie genevoise, n’étaient mentionnées les raisons de ce départ. Une demi-surprise lorsque l’on connaît la philosophie de Rolex sur le plan de la communication et qui tient en deux mots: discrétion et parcimonie.
Une démission forcée par le conseil?
Néanmoins, dans les coulisses, nombre d’observateurs suggèrent que ce n’est pas un départ volontaire, mais que le principal intéressé aurait subi une bronca d’une majorité des membres du conseil de la Fondation Hans Wilsdorf, qui chapeaute le groupe Rolex.
24 heures n’a pas reçu de confirmation officielle de cette version, mais plusieurs commentaires officieux abondent dans ce sens.
Au reste, un conflit à la tête de la marque à la couronne est d’autant plus probable que Patrick Heiniger est connu pour son attachement à Rolex, comme le confirme cette personne qui le côtoie en dehors du cercle de l’entreprise. «C’est toute sa vie, son réel moteur. Il a pris la succession de son père André Heiniger en 1992 et n’a eu de cesse de développer la marque depuis. » Ce même témoin le décrit comme un homme plutôt solitaire, même s’il est un habitué des événements mondains. «Il passe souvent pour quelqu’un d’autoritaire, sans grand égard pour ceux de son entourage, inspirant une certaine crainte jusque chez ses amis. Mais je doute que son caractère soit seul en cause ici. Sa fonction y est aussi pour quelque chose. Quand on dirige un groupe aussi puissant, on attise forcément les jalousies et les inimitiés. »
Rolex n’est pas victime du scandale Madoff
Selon l’édition datée du 17 décembre de L’Agefi, les conflits personnels au sommet de Rolex auraient été amplifiés par une affaire financière. En effet, la Fondation Rolex ferait partie de la liste des victimes du financier escroc américain, Bernard Madoff. Le journal ajoute que la fondation aurait perdu jusqu’à 1 milliard de francs dans cette aventure quand sa fortune se monte à 10 milliards. Une information formellement démentie hier soir par le groupe genevois.
Recul des ventes
Rolex souffre un peu aujourd’hui, à l’instar de toutes les marques horlogères de haut de gamme, des effets de la crise, surtout sur son principal marché, les Etats-Unis. «Peut-être un peu plus que les marques de très haut de gamme puisque son coeur de gamme se situe autour des 10 000 francs. Et que nombre de ses acheteurs potentiels sont aujourd’hui affectés par la crise», analyse ce connaisseur du marché horloger, qui s’empresse de relativiser ses propos.
«Rolex produit entre 700 000 et 800 000 pièces par année. Il n’y a guère que Swatch ou Tissot à pouvoir prétendre faire mieux. C’est vraiment une énorme entreprise. A Genève uniquement, elle emploie plus de 3500 personnes. » Dans un monde horloger de plus en plus mobilisé par l’innovation technique et les complications, Rolex s’en tient à sa propre voie. «Les lignes changent peu, reprend le spécialiste horloger. Mais l’innovation n’est pas absente pour autant. Bien au contraire. Ils sont connus pour la fiabilité de leurs produits. Ce qui ne se voit pas au premier coup d’oeil.» PIERRE-YVES FREI, 24 Heures Lausanne
Une fondation unique en son genre
Fondation Hans Wilsdorf. Si l’on oublie parfois que cette dernière règne sur l’empire Rolex, il est simplement impossible de passer à côté de ses multiples initiatives en faveur de ses contemporains.
La culture et les oeuvres caritatives restent à ce jour deux de ses cibles privilégiées.
On lui doit notamment d’avoir participé à hauteur de 500 000 francs à la réfection du Victoria Hall de Genève après que celui-ci a été victime d’un grave incendie. Mais il lui arrive aussi de surgir là où on ne l’attend pas forcément.
C’est ainsi que, en octobre, on apprenait que la Fondation Wilsdorf se rangeait aux côtés d’Yves Grange, président du club UGS, pour tenter de sauver le FC Servette enferré dans les profondeurs du classement de la ligue B de football.
La fondation a également répondu présent quand il s’est agi de reloger les artisans d’Artamis, haut lieu de la culture alternative genevoise, mais dont les terrains exigent d’être assainis avant de pouvoir accueillir un nouveau projet architectural. Son aide, dans ce cas précis, équivaut à 6 millions de francs. Si cette fondation, présidée par Pierre Mottu, notaire, existe, c’est que le fondateur de Rolex, le Bavarois Hans Wilsdorf, qui a créé la marque en 1905, l’a voulu ainsi en 1945. Sans enfants, cet horloger de génie a vu dans cette structure la meilleure façon d’assurer la pérennité du groupe.
Les statuts de la fondation précisent que ni les actions qui composent le capital de Rolex ni la société elle-même ne peuvent être cédées à un tiers. P.-Y. F.
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