Nombre de messages : 1335 Age : 53 Localisation : Guadeloupe Date d'inscription : 28/11/2006
Sujet: Montres et dilatation des matériaux Ven 3 Juil - 9:22
Bonjour,
Suite à une discussion générale à propos de l'influence de la température sur le fonctionnement d'une montre, je me demande à quel niveau la dilatation des matériaux est-elle prise en compte dans la conception et la réalisation des mouvements. La question peut-être posée également pour les boîtiers.
Merci!
MARC-RENE Membre Hyper actif
Nombre de messages : 561 Age : 67 Localisation : OISE Date d'inscription : 25/01/2008
Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Lun 6 Juil - 1:34
Bonjour,
J'ai déjà posé une question du même genre. C'est à dire la libération de contraintes lors du squelettage d'un mouvement. Il m'a été répondu ceci:
"C'est tout l'art de l'horloger".
Je te souhaite bonne chance, Cordialement,
MikeNovember Animateur
Nombre de messages : 1229 Date d'inscription : 19/12/2008
Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Lun 6 Juil - 3:01
Bonjour,
Sans rentrer dans les équations (j'ai pas le temps, plus tard peut-être), la fréquence propre de l'oscillateur, qui, dans une montre est assimilable à un pendule de torsion, dépend: - de l'inertie du balancier (la fréquence croît quand l'inertie décroît), - de la raideur du ressort (la fréquence croît quand la raideur croît.
Pour le premier point, le balancier est en gros un cercle; son inertie augmente avec la température; le moyen d'éviter cette variation est d'utiliser de l'Invar (alliage 64% Fe, 36% Ni) pour la fabrication du balancier. L'Invar a, en effet, un coefficient de dilatation approximativement nul dans les plages de températures auxquelles on porte les montres. Dans le passé, des montres (de poche essentiellement) ont été réalisées avec des mécanismes en Invar.
Pour le deuxième point, la raideur du ressort dépend de sa forme (longueur, nombre de spires, diamètre d'enroulement) et du module d'Young du matériau du ressort spiral. Le métal se dilate, et son module d'Young diminue avec la température. Pour réduire l'effet global, on peut utiliser de l'Elinvar pour la fabrication du ressort spiral (59% Fe, 36% Ni, 5% Cr). L'Elinvar a pour particularité d'avoir un module d'Young qui ne varie pas en fonction de la température, et un faible coefficient de dilatation.
On utilise aujourd'hui d'autres alliages, aux propriétés analogues, comme le Nivarox à la place de l'Elinvar.
Ainsi, balancier en Invar et ressort spiral en Elinvar permettent d'avoir un oscillateur pratiquement indépendant de la température.
Et l'emploi de roues dentées en Invar permettrait une meilleure maîtrise dimensionnelle des jeux fonctionnels.
Question: pourquoi l'Invar n'est-il plus utilisé dans la fabrication des montres aujourd'hui?
Réponse: parce que les marques s'en f...ent! L'Invar, l'Elinvar, ou des procédés comme l'Incastar pour la fixation du spiral ont été abandonnés au profit de "la décoration exclusive du mouvement" qu'on peut "admirer à travers un fond transparent".
Et, de plus, ça n'empêche pas de faire des montres certifiées COSC: comme toutes les normes, l'ISO utilisée par le COSC (et d'autres organismes) pour la certification de chronomètre a été écrite par les professionnels du secteur, et en général ils évitent de se tirer une balle dans le pied.
Bref, au XIXème et au XXème siècles on a essayé de faire des montres mécaniques avec un mouvement précis; on se contente maintenant de les faire avec un mouvement joli... (sauf la "haute horlogerie", inabordable pour le commun des mortels).
Saturne Permanent passionné
Nombre de messages : 2189 Age : 37 Localisation : Dans les Cévennes Date d'inscription : 01/02/2008
Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Lun 6 Juil - 3:59
MikeNovember a écrit:
Et l'emploi de roues dentées en Invar permettrait une meilleure maîtrise dimensionnelle des jeux fonctionnels.
Question: pourquoi l'Invar n'est-il plus utilisé dans la fabrication des montres aujourd'hui?
Réponse: parce que les marques s'en f...ent! L'Invar, l'Elinvar, ou des procédés comme l'Incastar pour la fixation du spiral ont été abandonnés au profit de "la décoration exclusive du mouvement" qu'on peut "admirer à travers un fond transparent".
Et, de plus, ça n'empêche pas de faire des montres certifiées COSC: comme toutes les normes, l'ISO utilisée par le COSC (et d'autres organismes) pour la certification de chronomètre a été écrite par les professionnels du secteur, et en général ils évitent de se tirer une balle dans le pied.
Bref, au XIXème et au XXème siècles on a essayé de faire des montres mécaniques avec un mouvement précis; on se contente maintenant de les faire avec un mouvement joli... (sauf la "haute horlogerie", inabordable pour le commun des mortels).
Je ne suis pas d'accord avec cette partie de ta réponse. Si l'on n'emploie pas l'Invar pour faire des platines ou des roues, c'est à mon avis tout simplement parce que ça n'apporte aucune amélioration tangible de la précision. Autant la compensation thermique est importante au niveau du spiral et du balancier, autant pour le reste du mouvement je pense que les changements de températures n'ont à peu près aucune répercussion sur la précision. Jusqu'à présent je n'avais pas connaissance qu'il ait existé des montres avec roues et platines en Invar mais si la voie n'a pas été suivie, c'est sans doute que l'expérience n'a pas eu les résultats escomptés.
Je doute que la dilatation des platines en laiton ne fassent beaucoup varier les entraxes des mobiles. De toute façon ,les jeux sont suffisants pour que ça ne pose pas de problèmes (et la montre est rarement soumise à des températures extrèmes). Pour ce qui est de faire des roues en Invar, peut-être n'est-ce pas non plus souhaitable pour des raisons tribologiques?
Les marques ne se foutent pas de la précision des montres. Vois tu des montres contemporaines avec des spiraux en acier bleu? Toutes les montres mécaniques sont aujourd'hui dotées de spiraux autocompensateurs et de balanciers en Glucydur ou autre. Quand à l'Incastar, s'il n'est pas employé c'est parce que les marques se sont tourné vers le réglage inertiel (sans raquette) qui est une meilleure solution technique (Patek, Rolex, Oméga...).
MikeNovember Animateur
Nombre de messages : 1229 Date d'inscription : 19/12/2008
Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Lun 6 Juil - 4:23
Saturne a écrit:
Je ne suis pas d'accord avec cette partie de ta réponse. Si l'on n'emploie pas l'Invar pour faire des platines ou des roues, c'est à mon avis tout simplement parce que ça n'apporte aucune amélioration tangible de la précision. Autant la compensation thermique est importante au niveau du spiral et du balancier, autant pour le reste du mouvement je pense que les changements de températures n'ont à peu près aucune répercussion sur la précision. Jusqu'à présent je n'avais pas connaissance qu'il ait existé des montres avec roues et platines en Invar mais si la voie n'a pas été suivie, c'est sans doute que l'expérience n'a pas eu les résultats escomptés.
Je doute que la dilatation des platines en laiton ne fassent beaucoup varier les entraxes des mobiles. De toute façon ,les jeux sont suffisants pour que ça ne pose pas de problèmes (et la montre est rarement soumise à des températures extrèmes). Pour ce qui est de faire des roues en Invar, peut-être n'est-ce pas non plus souhaitable pour des raisons tribologiques?
La maîtrise des jeux de fabrication peut avoir une incidence sur la précision de la montre, en particulier si on envisage de la faire fonctionner dans une large plage de température. En dehors de ça, l'incidence est en tous cas inférieure à celle de l'emploi d'Invar pour la réalisation du balancier. A noter que l'Invar a d'autres qualités: en particulier, il est amagnétique, s'utilise trempé et acquiert ainsi une bonne résistance à l'usure, et résiste bien à la corrosion, toutes caractéristiques intéressantes pour la réalisation d'un mécanisme complet.
Citation :
Les marques ne se foutent pas de la précision des montres. Vois tu des montres contemporaines avec des spiraux en acier bleu? Toutes les montres mécaniques sont aujourd'hui dotées de spiraux autocompensateurs et de balanciers en Glucydur ou autre. Quand à l'Incastar, s'il n'est pas employé c'est parce que les marques se sont tourné vers le réglage inertiel (sans raquette) qui est une meilleure solution technique (Patek, Rolex, Oméga...).
Mais si, les marques s'en foutent! Quelle est la proportion de chronomètres certifiés par rapport à la masse des montres mécaniques pour lesquelles il n'existe aucune garantie en matière de précision? Et pourquoi présenter un chronomètre certifié comme une montre de luxe, alors que ce n'est pas très difficile à faire (et que le mouvement représente en général moins de 10% du prix de revient de la montre?).
Quant au réglage de l'oscillateur, il y a deux solutions techniquement irréprochables et équivalentes sur le résultat (pas d'anisochronisme dû à la fixation du ressort et au dispositif de réglage): - par variation de la longueur du ressort avec emploi d'un incastar, - par variation de l'inertie du balancier avec des vis de réglage.
Personnellement, je trouve que l'Incastar est une solution bien plus élégante, avec un ajustement plus facile, moins long et moins coûteux que le réglage de l'inertie du balancier. Rolex et Omega pensent sans doute le contraire: avec un réglage de l'inertie du balancier, elles ont des clients captifs qui ne peuvent s'adresser à l'horloger de leur lieu de résidence et sont obligés de passer par le SAV de la marque.
Saturne Permanent passionné
Nombre de messages : 2189 Age : 37 Localisation : Dans les Cévennes Date d'inscription : 01/02/2008
Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Lun 6 Juil - 4:58
L'Incastar ne peut pas être employé rationnellement avec un spiral Breguet (où alors il y aurait modification de la longueur de la courbe terminale lors du réglage avance/retard). Le réglage par l'inertie du balancier n'est pas plus difficile que celui de l'Incastar, il suffit d'avoir la clé adéquate. Je dirais même qu'il est plus facile car avec l'Incastar, il faut refaire le point mort après une retouche de réglage. Qui plus est l'Incastar implique des pièces supplémentaires et pour moi, l'élégance en horlogerie c'est d'effectuer la fonction par les moyens les plus simples et les plus sûrs (donc la moins de pièces possibles).
Concernant la dilatation, je ne maîtrise pas les calculs mais je doute que la modification d'entraxe entre deux mobiles d'une montre suite à un changement de température atteigne ne serais-ce que le quart du jeu radial des axes.
Pour finir, en admettant que les marques se foutent de la précision je dirais ni plus ni moins qu'hier. Il y a toujours eu dans l'horlogerie une production "courante" et une production de qualité. Au XVIIIème siècle, tout le monde n'avait pas une Breguet, les gens avaient des montres à verge ou plus tard à cylindre produites industriellement en Suisse. De même, dans les années 60, la majorité des montres tournaient avec des FE, ETA et autres FHF qui n'étaient pas certifiés chronomètres! Il ne faut pas trop idéaliser le passé, même avant la crise du quartz, la plupart des montres étaient de qualité "honnête sans plus" et les montres de précision avec compensation de l'erreur secondaire, réglages aux 6 positions et j'en passe étaient déjà réservées à une élite.
Pat971 Animateur Chevronné
Nombre de messages : 1335 Age : 53 Localisation : Guadeloupe Date d'inscription : 28/11/2006
Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Lun 6 Juil - 5:26
Ha ben voilà qui devient intéressant!
Donc si je comprends bien, on peut considérer comme négligeable l'influence de la dilatation sur toutes les pièces d'un mouvement (rouages, platine, etc) dû au simple fait que les déformations en jeu entrent dans les tolérances de précision de fabrication des différentes pièces et dans les jeux utilisés dans l'assemblage de ces éléments.
Le point sensible restant l'organe de régulation, spiral et balancier. Pour le spiral, je comprends. Vu la longueur du ressort on imagine bien que son allongement peut avoir une incidence sur le réglage. Mais concernant le balancier, son inertie pourrait être modifiée par la dilatation? Est-ce pour cela que l'on voit des balanciers coupés?
Saturne Permanent passionné
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Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Lun 6 Juil - 5:49
Pat971 a écrit:
Donc si je comprends bien, on peut considérer comme négligeable l'influence de la dilatation sur toutes les pièces d'un mouvement (rouages, platine, etc) dû au simple fait que les déformations en jeu entrent dans les tolérances de précision de fabrication des différentes pièces et dans les jeux utilisés dans l'assemblage de ces éléments.
Oui, c'est du moins mon avis... mais je ne suis pas constructeur de mouvements, je n'ai pas de données chiffrées à apporter.
Pat971 a écrit:
Le point sensible restant l'organe de régulation, spiral et balancier. Pour le spiral, je comprends. Vu la longueur du ressort on imagine bien que son allongement peut avoir une incidence sur le réglage. Mais concernant le balancier, son inertie pourrait être modifiée par la dilatation? Est-ce pour cela que l'on voit des balanciers coupés?
Ce qui a la plus grande influence sur le réglage, ce n'est pas la dilatation du ressort, mais la modification de son coefficient d'élasticité. Plus la température augmente, plus le spiral (non compensé s'entend) devient "mou". Cela provoque du retard au chaud. Parallèlement, le spiral s'allonge avec la chaleur ce qui occasionne aussi du retard mais dans une moindre mesure (ça déplace aussi légèrement le point mort). Le balancier lui aussi occasionne un certain retard quand la dilatation augmente son diamètre (donc son rayon de giration).
Les balanciers coupés sont une des solutions trouvées pour compenser ces problèmes avant l'apparition des spiraux autocompensateurs. Depuis, les balanciers coupés n'ont plus lieu d'être (à la rigueur des balanciers à affixes pour compenser une erreur résiduelle).
Pat971 Animateur Chevronné
Nombre de messages : 1335 Age : 53 Localisation : Guadeloupe Date d'inscription : 28/11/2006
Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Lun 6 Juil - 8:07
Saturne a écrit:
Pat971 a écrit:
Donc si je comprends bien, on peut considérer comme négligeable l'influence de la dilatation sur toutes les pièces d'un mouvement (rouages, platine, etc) dû au simple fait que les déformations en jeu entrent dans les tolérances de précision de fabrication des différentes pièces et dans les jeux utilisés dans l'assemblage de ces éléments.
Oui, c'est du moins mon avis... mais je ne suis pas constructeur de mouvements, je n'ai pas de données chiffrées à apporter.
En tout cas, on peut affirmer que la dilatation des matériaux n'est pas un facteur indispensable à prendre en compte dans la conception d'un mouvement. Après, ça peut être éventuellement une piste pour optimiser la précision.
Ok merci MikeNovember et Saturne pour vos explications on ne peut plus claires!
Les spiraux autocompensateurs sont soit en alliage Niobium et Zirconium, soit bi-matière (type elinvar/alliage NiP par ex)?
En revanche, c'est comment un balancier à affixes? (j'ai trouvé que c'est Paul DITISHEIM qui a inventé ça)
Invité Invité
Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Lun 6 Juil - 8:36
http://www.bhi.co.uk/hj/AOM%20August%2007.pdf
Saturne Permanent passionné
Nombre de messages : 2189 Age : 37 Localisation : Dans les Cévennes Date d'inscription : 01/02/2008
Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Lun 6 Juil - 10:31
Tac reloaded a écrit:
http://www.bhi.co.uk/hj/AOM%20August%2007.pdf
Merci pour le document
Pat971 Animateur Chevronné
Nombre de messages : 1335 Age : 53 Localisation : Guadeloupe Date d'inscription : 28/11/2006
Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Lun 6 Juil - 12:36
Thanks Tac!
Michel Tou Membre super actif
Nombre de messages : 426 Date d'inscription : 18/06/2009
Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Lun 6 Juil - 21:32
Bonjour à Tous, C'est un vrai régal pour le néofite que je suis quand des spécialistes discutent aussi clairement et simplement d'un sujet si pointu. J'ai tout compris, donc Chapeau les pros.
"Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément" (Ce n'est pas de moi, bien sur ) Bonne journée,
MikeNovember Animateur
Nombre de messages : 1229 Date d'inscription : 19/12/2008
Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Lun 6 Juil - 21:42
Saturne a écrit:
L'Incastar ne peut pas être employé rationnellement avec un spiral Breguet (où alors il y aurait modification de la longueur de la courbe terminale lors du réglage avance/retard).
L'incastar n'a pas à être employé avec un spiral Bréguet! Le spiral Bréguet est une solution qui tend à réduire l'anisochronisme habituel dû à la raquette de réglage et à la tenue du ressort par des goupilles. C'est une solution de performance intermédiaire entre entre la tenue par goupilles et l'Incastar.
Citation :
Le réglage par l'inertie du balancier n'est pas plus difficile que celui de l'Incastar, il suffit d'avoir la clé adéquate. Je dirais même qu'il est plus facile car avec l'Incastar, il faut refaire le point mort après une retouche de réglage. Qui plus est l'Incastar implique des pièces supplémentaires et pour moi, l'élégance en horlogerie c'est d'effectuer la fonction par les moyens les plus simples et les plus sûrs (donc la moins de pièces possibles).
Voici un avis extérieur, celui du site Ranfft.de: "Incastar The only large-scale produced regulator featuring a free oscillating hairspring. The end of the spring is fixed between two rollers, adjusting actually its length (photos at the bottom). Rolex's unimaginative solution by troublesome weight screws on the balance is replaced here by a sophisticated micro mechanism - both eliminate the isochronism error due to the gap between the regulator pins." En français: "Incastar Le seul régulateur produit à large échelle doté d'un ressort spiral oscillant librement. La fin du ressort est fixée entre deux rouleaux, ajustant sa longueur (photos ci-dessous). La solution pas imaginative de Rolex par l'emploi de vis pesantes sur le balancier, source de problème, est remplacée ici par un micro-mécanisme sophistiqué - tous deux éliminent l'erreur d'isochronisme dûe au jeu entre les goupilles du régulateur".
Citation :
Concernant la dilatation, je ne maîtrise pas les calculs mais je doute que la modification d'entraxe entre deux mobiles d'une montre suite à un changement de température atteigne ne serais-ce que le quart du jeu radial des axes.
On a toujours intérêt, en mécanique, à limiter au minimum les jeux fonctionnels, ne serait-ce que parce que ça ménage une marge de fonctionnement vis à vis de l'usure qui va augmenter ces jeux.
Pour fixer les idées, prenons deux axes distants de 10 mm, montés sur une platine en laiton. Le coefficient de dilatation des laitons, va, suivant l'alliage, de 11.8 à 21.2 10^-6/°C. Considérons une valeur moyenne à 16,5.
Une variation de température de 20°C, amène une variation d'entraxe de 10 (mm)*20 (°C)*16.5*10^-6 (/°C) = 0.0033 mm (3,3 µm, 0.33 centièmes de mm).
Considérons maintenant une variation plus importante (par exemple une montre destinée à fonctionner lorsque'il fait très froid, disons -20°C, et lorsqu'il fait très chaud, disons 40°C); la variation de température entre ces deux extrêmes est de 60°C, 3 fois plus forte que le cas précédent, et on arrive donc à un déplacement de 10µm, ou 1 centième de mm. --> on est en plein dans l'ordre de grandeur des jeux fonctionnels qu'on trouve à l'intérieur des mouvements.
Citation :
Pour finir, en admettant que les marques se foutent de la précision je dirais ni plus ni moins qu'hier. Il y a toujours eu dans l'horlogerie une production "courante" et une production de qualité. Au XVIIIème siècle, tout le monde n'avait pas une Breguet, les gens avaient des montres à verge ou plus tard à cylindre produites industriellement en Suisse. De même, dans les années 60, la majorité des montres tournaient avec des FE, ETA et autres FHF qui n'étaient pas certifiés chronomètres! Il ne faut pas trop idéaliser le passé, même avant la crise du quartz, la plupart des montres étaient de qualité "honnête sans plus" et les montres de précision avec compensation de l'erreur secondaire, réglages aux 6 positions et j'en passe étaient déjà réservées à une élite.
Sans idéaliser le passé, une montre mécanique servait alors à donner l'heure, et on n'avait que ça; même pour une montre non COSC, un fabricant n'aurait jamais osé la commercialiser sans lui faire un ajustement minimum, à plat, à l'ambiante. Le problème d'aujourd'hui c'est qu'entre temps sont apparues les montres à quartz, à la précision imbattable par une montre mécanique, et que les fabricants de montres mécaniques se sont transportés sur un autre domaine, celui du rêve ("c'est vivant" "on entend son coeur battre") et de la déco (fond transparent et mouvement enjolivé).
Ceci dit, quand je vois Zodiac qui met dans ses montres un mouvement chinois (Seagull ST16), décoré en Suisse avec une valeur de plus de 50% pour le décor --> et donc le mouvement devient suisse, et une précision annoncée de +/- 1 min par jour, j'appelle ça du foutage de gueule.
Et quand je vois Longines, jadis manufacture, aujourd'hui marque du Swatch Group et contrainte de ne pas faire de concurrence à Omega, qui annonce de l'ordre de +/-20 s par jour pour certaines de ses montres, je suis très triste pour ce qu'est devenue cette marque!
Chimère Membre très actif
Nombre de messages : 154 Age : 47 Localisation : la plus belle vallée du monde Date d'inscription : 06/05/2009
Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Lun 6 Juil - 22:24
Prenons un entraxe de 3 mm, ce qui est une valeur moyenne d'entraxe dans une montre bracelet, pour un écart de 60°C la variation est de plus ou moins 0.003mm ce qui correspond au jeu radial minimum d'un pivot dans une pierre lorsque les ajustement sont serrés. On vient donc de bouffer notre jeu et nos deux roues ce sont écartées de 0.003mm. Concrètement ça veut dire quoi? Le rendement de paire d'engrenage va diminuer (encore que ça dépend du profil) donc on va au pire perdre quelque degré d'amplitude au balancier. Mais on s'en fout un peut parce que l'isochronisme du balancier est là pour compenser le tout grâce à sont super alliage.
C'est un peu simpliste mais c'est l'idée.
Invité Invité
Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Lun 6 Juil - 22:33
MikeNovember a écrit:
En français: "Incastar Le seul régulateur produit à large échelle doté d'un ressort spiral oscillant librement. La fin du ressort est fixée entre deux rouleaux, ajustant sa longueur (photos ci-dessous). La solution pas imaginative de Rolex par l'emploi de vis pesantes sur le balancier, source de problème, est remplacée ici par un micro-mécanisme sophistiqué - tous deux éliminent l'erreur d'isochronisme dûe au jeu entre les goupilles du régulateur"
- l'auteur de ce texte crédite à tort Rolex :
1. le réglage inertiel est une invention des concepteurs de chronomètre de bord, et même dans leurs dernières versions au milieu du 20ème siècles, comme le Hamilton 21, ils utilisaient cette méthode.
2. la transposition de ce système aux montres bracelet est le fait de Patek et Elgin à la fin des années 50 (gyromax et durabalance).
- je serais curieux de connaitre la production annuelle d'incastar, Rolex produit environ 800 000 montres méca équipées de leur microstella, on est déjà dans l'industriel de masse, et on n'entend que rarement parler de masselottes qui posent des problèmes, qui se sont détachées, etc...
- le système incastar est un peu meurtrissant pour le spiral, non ? on trouve un bon compromis entre un maintien fiable entre les rouleaux et le non écrasement du sipral ?
Citation :
la variation de température entre ces deux extrêmes est de 60°C, 3 fois plus forte que le cas précédent, et on arrive donc à un déplacement de 10µm, ou 1 centième de mm. --> on est en plein dans l'ordre de grandeur des jeux fonctionnels qu'on trouve à l'intérieur des mouvements.
Si on suit tes calculs, cela fait +/- 5 micromètres pour la variation d'entraxe par rapport à une valeur moyenne, selon l'extrême de température. Si chaque pivot a un peu de battement...
Dans les percement de platines, on est dans une tolérance inférieure à quelques micromètres ?
Citation :
Sans idéaliser le passé, une montre mécanique servait alors à donner l'heure, et on n'avait que ça; même pour une montre non COSC, un fabricant n'aurait jamais osé la commercialiser sans lui faire un ajustement minimum, à plat, à l'ambiante.
La "démocratisation" de l'horlogerie et l'appropriation par tous du "temps civil", l'ouvrier qui a l'heure avec lui pour arriver à temps à l'usine, etc... c'est le gousset roskopf, et dans les années 50/60, c'est Timex kelton etc...
Tissot, c'est déjà de la montre de bourgeois, même si c'est l'entrée de gamme de la SSH, holding Omega/tissot...
La montres mécaniques à 0, 1, 3, 7 rubis, c'est une réalité de cette époque.
Citation :
Et quand je vois Longines, jadis manufacture, aujourd'hui marque du Swatch Group et contrainte de ne pas faire de concurrence à Omega, qui annonce de l'ordre de +/-20 s par jour pour certaines de ses montres, je suis très triste pour ce qu'est devenue cette marque!
Pour Longines, le gag c'est aussi qu'ils ont été en pointe dans les chronos et aujourd'hui ils emboitent du valjoux ou valgrange...
Invité Invité
Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Lun 6 Juil - 22:37
Chimère a écrit:
on va au pire perdre quelque degré d'amplitude au balancier. Mais on s'en fout un peut parce que l'isochronisme du balancier est là
(merci de l'exemple, j'ai trop trop tendance à imaginer l'isochronisme comme utile surtout pour une tenue de la précision et régularité à long terme en cas de diminution de l'amplitude due à l'encrassement, usure...)
Michel Tou Membre super actif
Nombre de messages : 426 Date d'inscription : 18/06/2009
Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Lun 6 Juil - 23:19
Bon.... Je me suis précipité sur mon dictionnaire pour voir la définition du mot "ISOCHRONISME" et là: surprise!... Plein de formules physiques qui ont rapidement saturé mon unique neurone. Si j'en croit mes vieux souvenirs de latin et de grec (Ben, oui, suis plus tout jeune... ) et pour faire plus simple ca définirait le batement régulier d'un pendule. "Tic-Tac..." et non pas "Tic-et parfois Tac". Me trompe-Je. Merci de vos lumières Bonne journée,
Invité Invité
Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Mar 7 Juil - 0:21
Oui, il suffit de faire appel au grec, iso et chronos
La durée de l'oscillation est indépendante de son amplitude. Elle reste la même.
(elle variera selon la longueur du pendule, ou pour un oscillateur balancier/spiral, de la longueur active du ressort ou du moment d'inertie du balancier).
Michel Tou Membre super actif
Nombre de messages : 426 Date d'inscription : 18/06/2009
Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Mar 7 Juil - 0:29
Merci Tac Me coucherais moins bête... Bonne journée,
Spiff Membre référent
Nombre de messages : 5601 Age : 54 Localisation : BE Date d'inscription : 18/01/2007
Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Mar 7 Juil - 0:50
Michel Tou,
Fais une recherche sur "isochronisme" (avancée avec l'outil google) sur le forum, tu verras qu'on en a déjà beaucoup parlé. Comme le dit tac, la durée d'oscillation théorique est indépendante de l'amplitude et donc de l'armage du barillet. Car l'amplitude du barillet est dépendante de l'armage, au fur et à mesure que le barillet se vide, il a moins de force à transmettre au balancier et donc l'amplitude de l'oscillation diminue. Cette loi est globalement vraie dans la pratique même si on observes des écarts quand le barillet est fortement désarmé.
Michel Tou Membre super actif
Nombre de messages : 426 Date d'inscription : 18/06/2009
Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Mar 7 Juil - 0:52
J'y cours Merci à tous et bonne journée.
Hypnos Membre référent
Nombre de messages : 5272 Age : 72 Localisation : Lyon Date d'inscription : 27/11/2008
Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Mar 7 Juil - 1:18
Pour l'isochronisme du pendule pesant il faut quand même dire qu'elle est déduite d'une approximation dans l'équation différentielle du second ordre qui régit le mouvement: Θ' ' = ( - M g a sin(Θ) + Mr ) / J Comme elle n'a pas de solution analytique on l'approxime en considérant que pour les angles "petits" - sin(Θ)=Θ - on néglige les frottements (Mr) solides et visqueux
Ca veut quand même dire que pour les "grands" angles la période est différente que pour les petits et que cette approximation et ses conséquences se retrouvent dans une certaine manière pour le pendule à ressort de rappel (spiral) (dont je ne connais pas l'équation théorique).
Isochronisme donc, mais avec des réserves et en définissant bien les conditions pour lesquelles il est vérifié (cf. armage du barillet et amplitude du balancier).
________________________________________________________________________________ " .. L'homme n'est que poussière, c'est dire l'importance du plumeau… " Alexandre Vialatte
Saturne Permanent passionné
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Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Mar 7 Juil - 11:35
Merci pour cette réponse détaillée et étayée Je me permets d'y insérer mes commentaires en vert (désolé pour les daltoniens )
MikeNovember a écrit:
Saturne a écrit:
L'Incastar ne peut pas être employé rationnellement avec un spiral Breguet (où alors il y aurait modification de la longueur de la courbe terminale lors du réglage avance/retard).
L'incastar n'a pas à être employé avec un spiral Bréguet! Le spiral Bréguet est une solution qui tend à réduire l'anisochronisme habituel dû à la raquette de réglage et à la tenue du ressort par des goupilles. C'est une solution de performance intermédiaire entre entre la tenue par goupilles et l'Incastar. Les courbes terminales Breguet (ou Phillips si on préfère, de toute façon c'est Arnold qui en fut le précurseur) n'ont pas été inventées pour compenser les défauts dûs à la raquette. Le but des courbes terminales est de permettre de maintenir le centre de gravité du spiral sur l'axe de balancier pendant l'oscillation en permettant un développement concentrique de celui-ci (suppression de l'effet Caspari). Ce développement concentrique du spiral a aussi pour effet de réduire la pression latérale sur les pivots de balancier d'où une plus grande amplitude et une plus faible usure. L'Incastar associé à un spiral plat n'élimine aucun de ces défauts.
Citation :
Le réglage par l'inertie du balancier n'est pas plus difficile que celui de l'Incastar, il suffit d'avoir la clé adéquate. Je dirais même qu'il est plus facile car avec l'Incastar, il faut refaire le point mort après une retouche de réglage. Qui plus est l'Incastar implique des pièces supplémentaires et pour moi, l'élégance en horlogerie c'est d'effectuer la fonction par les moyens les plus simples et les plus sûrs (donc la moins de pièces possibles).
Voici un avis extérieur, celui du site Ranfft.de: "Incastar The only large-scale produced regulator featuring a free oscillating hairspring. The end of the spring is fixed between two rollers, adjusting actually its length (photos at the bottom). Rolex's unimaginative solution by troublesome weight screws on the balance is replaced here by a sophisticated micro mechanism - both eliminate the isochronism error due to the gap between the regulator pins." En français: "Incastar Le seul régulateur produit à large échelle doté d'un ressort spiral oscillant librement. La fin du ressort est fixée entre deux rouleaux, ajustant sa longueur (photos ci-dessous). La solution pas imaginative de Rolex par l'emploi de vis pesantes sur le balancier, source de problème, est remplacée ici par un micro-mécanisme sophistiqué - tous deux éliminent l'erreur d'isochronisme dûe au jeu entre les goupilles du régulateur".
La solution de Rolex (entre autres) n'est peut-être pas "imaginative" mais elle à le mérite d'être simple et efficace. Quand aux "problèmes", j'aimerais bien les connaître. La solution Incastar est en effet plus "sophistiquée" au sens où il y a plus de pièces pour faire la même fonction. cf. devise Shadock: "Pourquoi faire simple quand on peut faire sophistiqué compliqué?"(j'en profite pour rappeler que le terme sophistiqué n'a pris une connotation positive que récemment, auparavant il était plutôt synonyme de falsifié, altéré, corrompu...) Au passage, je me permets d'échanger ta photo contre une autre.
Arnold & Son, vers 1789, pas de raquette, réglage inertiel:
1. le réglage inertiel est une invention des concepteurs de chronomètre de bord, et même dans leurs dernières versions au milieu du 20ème siècles, comme le Hamilton 21, ils utilisaient cette méthode.
La réponse de Tac fait sens. Pourquoi cette méthode est-elle employée sur tous les chronomètres de bord si ce n'est pour ses avantages chronométriques évidents? A contrario, je n'ai connaissance d'aucun chronomètre doté d'Incastar.
Citation :
Concernant la dilatation, je ne maîtrise pas les calculs mais je doute que la modification d'entraxe entre deux mobiles d'une montre suite à un changement de température atteigne ne serais-ce que le quart du jeu radial des axes.
On a toujours intérêt, en mécanique, à limiter au minimum les jeux fonctionnels, ne serait-ce que parce que ça ménage une marge de fonctionnement vis à vis de l'usure qui va augmenter ces jeux.
Pour fixer les idées, prenons deux axes distants de 10 mm, montés sur une platine en laiton. Le coefficient de dilatation des laitons, va, suivant l'alliage, de 11.8 à 21.2 10^-6/°C. Considérons une valeur moyenne à 16,5.
Une variation de température de 20°C, amène une variation d'entraxe de 10 (mm)*20 (°C)*16.5*10^-6 (/°C) = 0.0033 mm (3,3 µm, 0.33 centièmes de mm).
Considérons maintenant une variation plus importante (par exemple une montre destinée à fonctionner lorsque'il fait très froid, disons -20°C, et lorsqu'il fait très chaud, disons 40°C); la variation de température entre ces deux extrêmes est de 60°C, 3 fois plus forte que le cas précédent, et on arrive donc à un déplacement de 10µm, ou 1 centième de mm. --> on est en plein dans l'ordre de grandeur des jeux fonctionnels qu'on trouve à l'intérieur des mouvements.
D'une part merci pour ces calculs et valeurs chiffrées . Tu démontre que le maximum quasi absolu (entraxe important, températures "extrèmes") de modification d'entraxe était d'un centième de mm. C'est en effet de l'ordre de grandeur des jeux radiaux admis pour les pivots dans une montre "standard". Cependant comme il s'agit d'un entraxe, il faut compter le jeu radial des deux mobiles ce qui fait déjà une valeur double. Il faut ajouter à cela que la roue elle aussi est en laiton et qu'elle se dilate donc dans les mêmes proportions, venant "combler" l'augmentation de distance entre les mobiles. Seul le pignon qui est lui en acier se dilate moins, mais son rayon est bien plus faible que celui de la roue. La modification de la pénétration du rouage ne sera donc pas égale à la valeur de la dilatation totale mais à la différence entre la dilatation de la platine et la dilatation de la roue et du pignon.
Pat971 Animateur Chevronné
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Sujet: Re: Montres et dilatation des matériaux Mar 7 Juil - 12:03
Merci messieurs, c'est passionnant de vous lire.
Mais à évoquer les réglages inertiels sur les balanciers, savez-vous ce qui conduit à une quantité et une répartition des vis de réglage si irrégulière (même si elles semblent réparties globalement symétriquement).
Et du même coup, comment se fait-il que l'on puisse trouver sur un même organe de régulation, une raquette et un balancier à réglage inertiel (cf en-tête du forum)? Si je comprends bien, ça fait un peu double emploi, non?