Actu : Les horlogers des Montagnes ont bâti un Etat républicain moderne

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Les horlogers des Montagnes ont bâti un Etat républicain moderne

Une révolution vise souvent à obtenir davantage de libertés. Celle du 1er mars 1848 en terres neuchâteloises n'échappe pas à la règle. Les patrons horlogers y ont contribué pour assurer notamment l'avenir de leur industrie. L'historienne Estelle Fallet revient sur le sujet.





En ce 1er mars 1848, Fritz Courvoisier mène les troupes républicaines en direction de Neuchâtel. Avant le premier soulèvement de septembre 1831, il a voyagé pendant 15 ans en Europe, en Turquie et en Egypte pour le compte de la maison horlogère familiale. Banni deux ans à La Ferrière par les royalistes, il reviendra en 1839 à La Chaux-de-Fonds pour ouvrir sa propre société. Il est un de ces patrons horlogers de l'époque, ouvert aux idées libérales.

Il n'est pas le seul. Parmi les révolutionnaires de 1848, «les horlogers des Montagnes neuchâteloises, spécialement Fritz Courvoisier - Constant Girard, Ami Girard, Aimé Humbert, Frédéric William Dubois, Henry Grandjean entre autres - sont acteurs des événements de 1848, parce qu'ils possèdent un sens politique profond et la volonté de construire des institutions étatiques modernes, inspirés par l'esprit républicain. Ils sont imprégnés de la notion de progrès qui guide les mouvements révolutionnaires et l'émergence des nations modernes partout en Europe», explique l'historienne Estelle Fallet, conservatrice du Musée d'horlogerie et d'émaillerie de Genève.

L'horlogerie, industrie d'exportation par excellence, permet à ces ressortissants de parcourir le monde. Ils en ramènent des trésors mais aussi des idées. «Ces capitaines d'industrie» d'alors sont en contact direct, par leurs réseaux d'affaires, avec les idées de modernité qui circulent et affaiblissent les monarchies en place. Sur le plan local, ils sont engagés dans les sociétés d'utilité publique, et sont au service des collectivités locales, de la «res publica», la chose publique, au sens politique premier», écrit la Chaux-de-Fonnière.

Une fois les royalistes déchus, ils s'impliquent directement dans la marche des affaires publiques. «Par leur engagement dans les journées des 29 février et du 1er mars et leur implication dans le premier gouvernement provisoire, les horlogers neuchâtelois participent à l'élaboration d'un état moderne, capable de soutenir et de défendre l'industrie locale, sur ses marchés internes et extérieurs, où la concurrence étrangère est vive», précise Estelle Fallet.

Pas question toutefois de réduire cet engagement à des arguments d'ordre économique. Certes, la Révolution neuchâteloise éclate en période de récession horlogère. «Cepen-dant, la contrainte économique n'est pas décisive quant à l'engagement politique des établisseurs horlogers. Même si les entrepreneurs sont conscients de doter le pays d'une activité lucrative», note l'historienne. «Leur engagement au service du gouvernement provisoire, commandé par leurs opinions libérales, s'accorde avec les exigences de la tenue de leurs affaires.»

Les décisions qu'ils prendront les années qui suivent 1848 sont «prises en faveur du maintien et du développement de l'horlogerie», conclut Estelle Fallet. Elles ont trait notamment à la consruction de logements ou au développement du réseau de chemin de fer. La ligne Le Locle - La Chaux-de-Fonds est inaugurée en 1857. La liaison avec Neuchâtel est achevée en 1860. /DAD



DANIEL DROZ

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Les révolutionnaires du temps


Constant Girard
Né en 1825, Constant Girard a activement participé aux événements de 1848. Son nom est resté dans l'histoire pour une tout autre raison. Il fonde à La Chaux-de-Fonds la maison Girard & Cie en 1852. Il épouse ensuite Marie Perregaux et la Manufacture Girard-Perregaux naît en 1856. Constant Girard a également pris part à la vie sociale et politique en faisant partie des autorités chaux-de-fonnières. Il est décédé en 1903.
Frédéric William Dubois
Cet horloger loclois de grand talent est né en 1811 et mort en 1869. Il a entretenu des relations intimes avec la dynastie horlogère danoise des Jürgensen, qui étaient aussi installés dans la Mère-Commune. Avec ses contemporains Sylvain Mairet, Louis Richard et Fleuri Grandjean, iI a cherch à doter le canton de Neuchâtel de l'industrie des chronomètres de marine.
Henri Grandjean
Née au Locle en 1803, Henri Grandjean-Perrenoud-Comtesse a reçu de nombreuses distinctions lors de sa participation à des concours ou expositions, en Suisse et à l'étranger, qui ont honoré la qualité de ses produits. Initiateur du quartier du Progrès au Locle, il a aussi été le promoteur de la construction de l'Observatoire de Neuchâtel et, comme Fritz Courvoisier, un ardent défenseur de la ligne ferroviaire du Jura industriel. Sur le plan politique, Henri Grandjean a été préfet du Locle de 1842 à 1852, député au Grand Conseil et conseiller national.
Aimé Humbert
Suivant de près les événements révolutionnaires de février-mars 1848, il est dès le 2 mars à La Chaux-de-Fonds et devient, le lendemain - il est alors âgé de 29 ans - secrétaire du gouvernement provisoire présidé par Alexis-Marie Piaget. Membre de l'Assemblée constituante, il en devient le secrétaire, et occupera, dès le mois de mai, le poste de conseiller d'Etat en charge de l'Instruction publique. Il participe, avec Alexis-Marie Piaget, dont il est très proche, à l'élaboration des lois fondatrices de la République. En 1859, il prend la présidence de l'Union horlogère, association chaux-de-fonnière. /réd


Le témoignage de Friedrich Engels


«Cela vous intéressera d'entendre parler pour une fois d'un petit pays qui a bénéficié jusqu'à une date récente des bénédictions de la domination prussienne, mais qui fut le premier de toutes les provinces assujetties à la couronne de Prusse à planter le drapeau de la révolution et à chasser le paternel gouvernement prussien.» De novembre 1848 à janvier 1949, Friedrich Engels, le philosophe et journaliste allemand et compère de Karl Marx, est en exil en Suisse. La Révolution neuchâteloise l'intéresse. Il en parle dans un de ses nombreux articles qu'il écrit pour la «Nouvelle Gazette rhénane». «La République et le canton de Neuchâtel se trouvent d'ailleurs visiblement en bien meilleure posture qu'autrefois la principauté de Neuenbourg et Vallendis (réd: le nom prussien de la principauté de Neuchâtel); car, lors des dernières élections au Conseil national suisse, les candidats républicains ont obtenu plus de 6000 voix, tandis que les candidats des royalistes, des Bédouins comme on les appelle ici (réd: ils prêchent dans le désert), en comptaient à peine 900.» Le climat? «L'industrie horlogère du Jura et la manufacture de dentelles du Val de Travers, les principales ressources vitales du pays, commencent aussi à se mieux porter et les Montagnards retrouvent peu à peu leur ancienne gaieté, malgré le pied de neige qui recouvre déjà le sol.» /dad


Fritz Courvoisier a représenté les couleurs radicales au National pendant trois ans


Promu major cantonal des carabiniers après la Révolution, Fritz Courvoisier refuse d'abord tout mandat politique et reprend la direction de sa fabrique d'horlogerie. Il sera tout de même conseiller national radical de 1851 à 1854, année de son décès. Jusqu'à sa mort, il défend ardemment la compagnie ferroviaire du Jura industriel. /réd

http://www.arcinfo.ch/journal/region/canton/article/251031/fritz_courvoisier_a_represente_les_couleurs_radicales_au_national_pendant_trois_ans_les_horlogers.html