Bonjour à tous,
Il y a quelques mois, j’ai persuadé mon père de me laisser son gousset en « pension ». Celui-ci ne fonctionnait absolument plus, remontage extrêmement difficile voire impossible et une tentative de désarmage du ressort de barillet s’est soldée par un échec.
J’ai donc pris mon courage à deux mains et me suis lancé dans une opération de réparation du dit gousset. C’est d’ailleurs une situation où la pression est plus forte que lorsque l’on achète une pièce dans l’optique de se faire la main. Ici, je me disais que je n’avais pas droit à l’erreur. Et croyez moi, ça motive à faire attention !!
Je vous propose donc de vous exposer mes travaux. Si l'on part du principe que c'est grosso modo mon premier "rhabillage", que ma connaissance est très livresque, complétée par les excellents conseils de reparatheure (que je remercie encore de sa patience), j'attends toutes vos critiques (constructives of course !), conseils et compléments. Sachez que je ne dispose pas de tour et que si certaines manières d'agir vous paraissent abracadabrantes, vous avez le droit d'hurler.
La bestiole, gousset non identifié (d'ailleurs si quelqu'un avait une idée !) de 18'' 3/4
a d'abord été démontée puis nettoyée de manière tout ce qu’il ya de plus manuelle, à savoir dans le benzinier et au fusain.
A ce titre, j'ai été horrifié de ce que j'ai retrouvé au fond du benzinier: cela a été la preuve matérielle du phénomène d’abrasion. Avec la limaille issue du nettoyage, j'aurais pu me couler un beau lingot d’acier !!
Les premiers dégâts se situaient sur cette partie. La tige de remontoir était trop longue, sortait par la creusure de la platine côté barillet et touchait parfois les dents du barillet. J'ai donc dû raccourcir la tige à la lime, en refaçonner l'extrémité en pointe et repolir pour enlever les bavures.
Ensuite, le pignon coulant avait son trou rendu presque rond par l'usure et avait donc un jeu assez grand avec le carré de la tige de remontoir. Faute de temps pour courir les fournituristes et incapable de tourner une nouvelle tige, j'ai coincé mon pignon sur la potence entre deux poinçons plats et ai forgé les deux extrémités du trou qui se sont ainsi un peu resserrées et rabattues : le jeu a presque disparu.
On passe à la suite :
Au départ, la partie remontoir et mise à l'heure ne m'avais pas posée de problèmes, si ce n'est qu'une vis manquait au niveau de la plaque de maintien. C'est lorsque j'ai retrouvé et remis une vis que je me suis aperçu que le vissage total faisait appuyer la plaque sur la bascule et la coinçait, empêchant son retour lors du passage de la position "remise à l'heure" à la position remontage.
Après avoir vérifié a planéité de la plaque, je l'ai limée en dessous, donné deux légers coups de poinçons en croix sous un des pieds de la plaque pour la surélever (oui je sais, pas bien !!) et donné un petit coup de pierre sur la bascule pour la rendre parfaitement lisse.
Toujours de ce côté, le trou laissant passer la tige du pignon de roue de centre a été légèrement élargi car il y avait un gros frottement. J'en profite pour vous demander si l'on graisse ou si l'on huile ces trous de roue de centre côté pont et platine ne comportant pas de rubis et comment procède-t-on ?
La partie remontoir terminée, je suis passé de l'autre côté.
Là ça a pas mal bloqué, au propre et au figuré. Lors du remontage du mouvement, j'ai positionné uniquement la partie remontoir-mise à l'heure, le barillet, la roue de couronne et la roue de centre et là, impossible d'actionner le mécanisme de remontage ou alors en forçant comme un dément sur la couronne. Si je libère le cliquet du rochet, le barillet ne tourne même pas, si je monte uniquement le barillet sans le rochet, cela tourne sans problèmes et si je monte barillet sans rochet et roue de centre, cela tourne sans problème.
J'ai vérifié les jeux avec la platine, le pont, et les parois du barillet pour l'arbre : il y en a peu mais j'ai réussi à donner une très légère élévation au niveau de la platine et mon axe de barillet dépasse maintenant très légèrement au-dessus du trou du pont de barillet.
Ceci étant, cela continue parfois à coincer mais de manière moins régulière. Il me semble que des frottements agissent mais je n'ai pas encore trouvé où. Bref je reprends tout cela attentivement point par point : j'ai laissé passer trop de défaut.
Je trouve une première la raison du problème : le trou carré du rochet qui vient se loger dans la partie carrée de l'arbre du barillet est mal formé. Du coup, le rochet se positionne en biais sur l'arbre du barillet et quand je serre la vis du rochet, celui-ci frotte sur le pont sur un de ses côtés. Après un petit passage du côté des puces pour des conseils très avisés je me suis attaqué à mon rochet. Deux petits coups de limes dans les angles, remontage et .... ça tourne !!!!!
C'était donc ça. Maintenant mon rochet est bien positionné à plat sur l'arbre du barillet, il n'y a plus de frottements. J'attaque donc la suite du remontage en espérant ne trouver aucun autre pépin. J'ai crié victoire trop tôt ! Donc, remontage et comme ça pour voir, avant de mettre l'ensemble des roues, je fais un petit essai. Je tourne ma couronne, une fois, deux fois, trois fois : ça bloque!! Il m'a fallu un peu de temps pour comprendre : le noyau de la roue de couronne grippait et du coup la roue de couronne ne tournait pas librement et entrainait le noyau avec elle dans sa course et, comme c'est une vis à gauche, en remontant la montre, je serrais de plus en plus la vis de la roue de couronne !
Bref, en agrandissant et en approfondissant la creusure où loge le noyau de la roue de couronne, c'est bon ça passe. Un petit dessin vaut mieux qu'un long discours :
Donc mon noyau touchait là où je l'ai indiqué sur le dessin et également sur son pourtour. C'est donc à ce niveau là que j'ai abaissé la creusure de la roue. Reparatheure m'avait également conseillé de mettre une rondelle de clinquant sous le noyau, ce que j’ai fait.
J'ai ensuite remonté toutes les roues. Pas de problème majeur à souligner de ce côté. Un petit coup de remontage léger, on lache : ça tourne et la roue d'échappement revient même légèrement en arrière, ce qui je crois est bon signe.
La suite a été plus coriace et là vous n'aurez pas de photos car cela dépasse mes capacités macroscopiques qui sont encore plus faibles que mes compétences horlogères !!
Pour la partie balancier, le spiral était nickel, donc un petit coup dans le one-dip et on ne touche plus !!
Le balancier, une fois posé sur l'équilibre aux balanciers, présentait un petit balourd. Un petit coup de lime dans la fente de la vis qui tombait toujours vers le bas lors de l'essai sur l'équilibre et cela va déjà beaucoup mieux.
Ayant lu dans de nombreux ouvrages qu'une raquette devait être fendue si elle ne l'était pas, j'ai fendu la raquette. Pour cela, je me suis mis sur une pièce de monnaie, en positionnant la partie à fendre entre deux lettres de la pièce et tchac, un petit coup de burin. Gagné ! Par contre, après remontage du coqueret, la raquette était trop libre. Il a donc fallu diminuer légèrement le dessous du coqueret.
Je me suis ensuite lancé dans une tentative d'achevage. En effet, l'observation de l'échappement montrait un chemin perdu et un repos très forts sur la palette de sortie alors qu'ils étaient inexistants sur la palette d'entrée. Constatation confirmée sur les 15 dents de la roue, donc pourquoi ne pas essayer ?
Les palettes ont été dégommées dans de l'alcool chauffée puis réinsérées dans leurs logements et repositionnées. L'ancre est ensuite remontée pour un essai. Après de très nombreuses retouches (sans appareil et à l'aide d'un simple pique huile pour faire bouger les palettes c'est un peu ardu !!) je suis parvenu à obtenir un chemin perdu court mais existant et un repos sur les palettes d'une longueur qui me semble correcte. Les palettes ont ensuite été regommées à la gomme laque.
Heureusement les partagements étaient tous corrects et l'ébat de l'ellipse entre les cornes également. En ce qui concerne les ébats de cornes, dards et coin, j'avoue ne pas avoir trop réussi à les mesurer, faute d'habitude, mais il m'a semblé qu'ils étaient corrects.
Une petite retouche a été effectuée sur une goupille de limitation. Les cornes ont été bercées avec un bout de lame de suspension de pendule et les côtés du bras de l'ancre nettoyés et j'ai passé un coup de lame très aiguisée pour les "racler" et enlever toute éventuelle salissure collante.
L'ensemble est remonté et l'ancre effectue ses déplacements presque toute seule en position verticale, mue par la seule gravité. Ceci fait, on passe à la suite.
Le spiral est posé sur le coq renversé sans le balancier : ouf, il est bien centré !
La virole est ensuite repositionnée sur le balancier, le tout posé sur la potence, un petit coup de poinçon creux pour resserrer la virole, vérification de la position de la virole pour la mise au repère et ça roule.
Le piton est ensuite revissé; le spiral inséré entre les goupilles de la raquette, on vérifie que la raquette tourne librement et que son arc suit bien celui du spiral.
Le coq est saisi, le balancier positionné, les vis serrées, et là c'est le coeur qui se serre. Je ne sais pas si vous connaissez ce moment d'angoisse mais je trouve qu'à ce moment tout est suspendu : balancera ? Balancera pas ? Le ressort est remonté, remonté, remonté, rien ne se passe, angoisse, petite secousse, ça y est !!
Ne restent que le positionnement de la chaussée, le huilage, le positionnement du cadran, quelques petits ajustements des pieds de cadran pour qu'il soit bien centré, pose des aiguilles, emboîtage et voilà !
Je suis véritablement très heureux et un tout petit peu fier également !
Je reste cependant lucide et n'ai pas la prétention d'avoir réalisé un vrai travail d'horloger, mais peut-être un peu mieux que ce que vous qualifiez de "bricolo"
Je vous le répète, toutes les critiques constructives sont les bienvenues.
Pour la petite histoire, ce gousset appartenait à mon arrière grand-père. Celui-ci l'a offert à mon père car par un heureux hasard de prénoms, le monogramme correspondait. J'ai subtilisé ce gousset à mon père il y a quelques mois et ai réussi à le terminer pour la fête des pères !! Mon père fût très heureux, tellement qu'il m'a annoncé vouloir à nouveau le porter. Très léger pincement au cœur : secrètement j'espérais un peu qu'il me laisse le gousset!! Je m'y étais attaché moi!
Ceci étant, il est encore chez moi pour l'instant afin de vérifier sa marche et pourquoi pas pour effectuer une tentative de réglage.
Aujourd'hui il avance de 2 minutes par 24H.