INDUSTRIE Jeudi3 février 2011
Zenith investit 20 millions de francs au Locle pour rénover son site de production
La manufacture horlogère en mains de LVMH a réalisé un chiffre d’affaires en hausse de 60% l’an passé. A terme, il pourrait tripler, voire plus
Bastien Buss
Zenith et son PDG Jean-Frédéric Dufour ont apparemment réussi leur pari. La marque horlogère locloise, qui s’était dispersée de manière dangereuse durant les récentes années de bulle et avait dû par la suite licencier le cinquième de ses effectifs, recueille désormais les fruits de son repositionnement. En charge depuis le 1er juin 2009 de la société en mains du groupe de luxe LVMH, le patron, artisan de ce redressement, tire un bilan «très positif» de l’exercice écoulé.
«Les ventes ont progressé de 60% grâce à nos efforts de retour aux valeurs de la marque. C’est-à-dire à une société qui élabore, selon nous, le meilleur chronographe automatique du marché avec le mouvement El Primero, qui n’a jamais cessé ses activités depuis 1865 et poursuivant toujours les mêmes buts de qualité et de fiabilité», a-t-il dit au Temps. Selon nos estimations, les ventes de la société aux 297 brevets, 2500 prix de précision et fabriquant ses mouvements de montres à l’interne, se situent aujourd’hui entre 135 et 150 millions de francs.
Depuis son arrivée, Jean-Frédéric Dufour, ancien de Chopard, Blancpain ou encore Ulysse Nardin, a fait un travail en profondeur sur les collections, en réduisant les références, allant à l’essentiel. Et la demande est au rendez-vous. «Nous travaillons actuellement sur notre site du Locle (NE) en trois fois huit pour les ébauches et les platines et le personnel effectue une heure de travail supplémentaire par jour. Les employés ont aussi passé quelques samedis à la manufacture», témoigne le directeur général, nommé homme de l’année 2011 par un aréopage de journalistes de la branche.
Hausse de 10% des effectifs
Pour faire face à sa croissance, Zenith se lance dans un processus de transformation et de rénovation de ses capacités de production, qui aura lieu en trois étapes. «La première, destinée à optimiser le processus de fabrication et l’organisation logistique, débutera dans trois semaines, pour un investissement de 20 millions de francs, sur notre site historique», a révélé le PDG.
Corollaire de ces travaux, la production, qui pourrait s’élever cette année à 22 000 ou 23 000 montres, va croître ces prochaines années. Pour le moyen terme, Jean-Frédéric Dufour évoque un potentiel de 40 000 à 50 000 montres. Soit un chiffre d’affaires qui pourrait – idéalement – être propulsé à 500 millions de francs. «Ce serait une bonne taille pour une entreprise comme la nôtre. La barre des 300 à 400 millions de francs est tout à fait atteignable.» En attendant, l’entreprise est à la recherche de 26 nouveaux employés, qui viendront rejoindre les 250 collaborateurs actifs au Locle.
Croissance aux Etats-Unis
Pour l’exercice en cours, Jean-Frédéric Dufour se dit «hyperoptimiste». Présent à Genève il y a deux semaines durant les salons horlogers, alors que la marque expose traditionnellement à Baselworld, le patron a déjà enregistré 50% de ses commandes budgétisées pour la totalité de l’année. «Et pourtant nous n’avons pas rencontré beaucoup de détaillants. Je suis donc impatient d’aller au salon bâlois [ndlr: du 24 au 31 mars].»
L’Asie, à l’instar de l’ensemble de l’horlogerie suisse, tire la demande, avec en fer de lance la Chine. Ce pays va devenir d’ici à 2020 le plus vaste débouché au monde pour le secteur du luxe, selon une étude publiée mercredi par CLSA, courtier spécialiste de l’Asie contrôlé par la banque d’affaires Calyon. Pour Zenith, il convient toutefois de ne pas négliger les autres marchés. Comme les Etats-Unis, qui sont également en croissance, même si à des taux nettement moins vertigineux. Jean-Frédéric Dufour considère l’Inde comme un territoire encore vierge malgré huit points de vente, avec une maturité économique qui ne rivalise pour l’heure pas avec l’Empire du Milieu.
«Zenith se trouve en pleine phase de croissance, roule à grande vitesse, mais il ne faut pas rater le prochain virage», met en garde le patron. La force du franc constitue à ce titre un défi. Si la marque n’a pas encore adapté ses prix, la réflexion se poursuit. «N’oublions pas que le client final européen n’a pas pour autant un pouvoir d’achat de 15% plus élevé», allusion à la hausse de la devise helvétique face à la monnaie unique l’an passé.
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Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).