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 Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?

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Jabiru
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Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?   Empty
MessageSujet: Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?    Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?   EmptyDim 12 Juil 2020 - 15:44

La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?  



Préambule

Il y a une question qu'on me pose souvent, c'est de savoir quelle est la montre dont je ne me séparerais pour rien au monde. Franchement, je n'en sais rien et cette question "bateau" à vrai dire n'a pas grand sens.  Par contre, il y a une autre question qui m'amuse d'avantage, c'est quelle est la montre qui a été la plus difficile à trouver.

Attention, on ne parle pas d'une montre de série sur liste d'attente, non, c'est d'une pièce un peu particulière, un peu rare voire unique…  


J'ai longtemps été à l'affut des chronomètres de concours, ces pièces dites d'observatoires qui remportaient des premiers prix et étaient travaillées des mois durant par des chronométriers jusqu'à obtention d'un réglage fin, parfait ou presque. Entre un 135 bracelet et son homologue de concours, je prends le second sans hésiter. Le hasard a mis sur ma route des montres de concours primées, c'est l'époque où j'ai trouvé cette montre que j'appelais mon Graal.

   https://forumamontres.forumactif.com/t48514-je-vous-presente-mon-graal-zenith?highlight=graal

De ces montres de concours faites pour remporter la bataille de la précision, je me suis passionné mais en dépassant le cadre des observatoires suisses et anglais, je me suis intéressé aux montres présentées à l'Observatoire Naval de Washington. Pourquoi s'intéresser aux montres présentées devant un observatoire militaire, me direz-vous ? La réponse est que les montres primées devenaient des montres militaires que le gouvernement achetait pour l'US Navy. Le gouvernement de Roosevelt créa même en 1904, une nouvelle discipline dédiée aux "Torpedo Boat watches", montres destinées aux navires militaires de l'US Navy. Cette fois le jeu devient double puisque les montres forcément très rares, sont à la fois prix de chronométrie et montres de bord de l'US Navy.

Le premier concours dédié aux Torpedo boat watches eut lieu en 1905, l'appel d'offres ayant été lancé en 1904. Imaginez une seconde avoir entre les mains la montre qui aurait été la première montre primée du premier concours et qui aurait remporté le premier prix …  Impensable ! Impossible ! Je n'en aurais même pas rêvé… C'est pourtant cette montre-là, pas le deuxième prix ou un autre, non celle du premier prix du premier concours que les recherches que j'ai menées ont mise sur ma route. La montre, une Ulysse Nardin, était vendue avec une réédition de son prix d'époque et son classement. Les vérifications faites ensuite avec le Musée du Locle et les archives militaires américaines ne laissaient planer aucun doute, la montre que j'avais acquise était number one !

 https://forumamontres.forumactif.com/t236133-l-epopee-des-premieres-montres-a-bord-des-navires-militaires

Ces montres de l'US Navy m'ont animé jusqu'à ce que je tombe sur un article dans une revue allemande qui faisait référence aux montres Longines qui, une quinzaines d'années après Ulysse Nardin, devinrent les montres officielles de l'US Navy. Moins rares que les Ulysse Nardin ces montres somme toute assez courantes avaient une réserve de marche de 36 heures et la taille de montres de poche classiques. En faisant une recherche sur les mouvements avec des documents d'archives Longines, je suis tombé sur des livraisons très particulières faites aux USA à l'agent américain de Longines et portant sur des pièces spéciales, 8 jours et dotées de cadrans de près de 8 cm de diamètres. Cette fois on ne parle pas de dizaines de pièces mais de quelques unités, sans doute moins de 6.

La gageure relevée par Longines était de "remplacer" à la demande de l'US Navy, les chronomètres de marine par des montres ayant un diamètre aussi grand que les chronomètres de marine montés sur cardans et un mouvement doté d'une réserve de 8 jours avec affichage de la réserve. Diable ! L'armée américaine voulait un chronomètre de 8 jours ayant la mobilité d'une montre, un cadran aussi lisible que celui d'un chronomètre de marine et qui resterait précise autant au 8ème jour qu'au premier ! La demande faite par l'US Navy daterait des années 1913/1914 et aurait eu comme objectif d'équiper les sous-marins américains notamment sans dérouter les habitudes des militaires et en leur donnant la même règle de sécurité quant au remontage régulier de la montre qu'avec les chronomètres de marine Négus auxquels ils étaient habitués à bord des gros navires de guerre.

Tout le monde s'est penché à la même époque sur la manière de faire des calibres de 8 jours "miniatures" et fiables du 1er au dernier jour. La société anglaise Smith and Son avait bien un calibre mais la dérive au delà de 4 jours était inacceptable. Ulysse Nardin, Zenith, Longines et les manufactures américaines se risquèrent à des recherches et essais ...infructeux et surtout horriblement couteux.

Seul Longines persévéra, d'abord en travaillant comme les autres sur la taille du barillet mais, invariablement, la précision descendait au delà de 4 à 5 jours même en jouant sur la qualité de la trempe du ressort ou la puissance du ressort de barillet. Toute l'année 1913 tourna autour de recherches orientées sur le barillet. Ensuite, les calibristes s'essayèrent à abaisser la fréquence mais le gain était dérisoire. Longines s'attaqua alors, à grand frais, aux trains de rouages. En modifiant les couples pour abaisser le besoin en énergie, le gain devenait sensible. Si à cela, la manufacture ajoutait d'agrandir un peu le barillet et de réduire drastiquement les frictions… Si en plus l'ancre était modifiée alors … Longines obtenait les 8 jours avec une montre chronomètre de haut niveau quelle que soit la tension du ressort. Pour faire simple, le "truc" était d'avoir un ressort qui puisse tenir 10 jours et de n'exploiter que ce qui servait dans les 8 premiers jours, un arrêt de Malte bloquait le remontage sans permettre d'aller au bout et ainsi Longines exploitait la meilleure plage de détente du ressort.

Simple en théorie, la réalisation du calibre prit des mois, puis des années … jusqu'à ce que le mouvement soit mis au point. C'est peut-être l'un des calibres dont la mise au point a coûté le plus cher à Longines. La montre emboitée dans une grande carrure de 8 cm de diamètre et livrée dans un coffret en bois vitré de petite taille pouvait en être extraite et avoir la mobilité d'une montre de bord classique. Le résultat était fantastique, unique, extraordinaire mais lorsque Longines put livrer ses premières montres, ce fut en 1920 et la guerre était terminée depuis deux ans. Le commandement de l'armée avait changé et si l'US Navy était toujours intéressée, elle avait aussi besoin de faire des économies budgétaires.

Longines présenta malgré tout ses montres dites "Master Navigation Watch" au concours de l'Observatoire naval de Washington et fut primée pour cette montre exceptionnelle à la technologie d'avant garde. Ensuite, l'histoire se complique considérablement car si on sait que Longines put présenter deux de ses montres 8 jours, on ignore ce qu'il advint de la seconde et on pense même qu'elle ne fut pas livrée ce qui expliquerait que sa carrure fut en laiton et indissociable d'une boite vitrée en bois. En revanche, l'autre montre admise au concours fut primée et livrée à l'US Navy avec sa boite assortie d'un numéro d'inventaire et gravée.

Les recherches faites semblent indiquer que 6 montres ont été faites et 5 livrées (admises au concours), la sixième aurait été refoulée. Sur ces 5, et après moultes recherches je n'en ai identifié avec certitude et c'est là que je me dis que parfois il ne faut jamais se décourager, j'ai retrouvé cette montre chez un marchand et j'ai pu l'acquérir auprès d'un marchand spécialisé. Un professionnel américain m'a confirmé la rareté extrême de ce type de pièce. Lui-même, grand pro depuis 25 ans n'en avait jamais vu mais en connaissait l'existence par ouïe dire. Il l'a découverte sur FAM et s'est montré capable d'en parler incroyablement. Il s'est fait traduire ce sujet car Google translate ne lui semblait pas bon et il m'a contacté. Cette montre, m'a-t-il confié, est une pièce historique ultra intéressante car elle "pousse plus loin encore la recherche de mobilité de l'heure à bord des navires". Sa réflexion soulignait l'activité extraordinaire de Longines et son travail avec les armées dont l'US Navy.

J'ai choisi de publier à nouveau l'histoire de cette montre qui est sans doute, ma plus grande aventure horlogère en quête d'une pièce que je n'avais quasiment aucune probabilité de trouver. Je reste étonné d'avoir mis la main dessus et pour le coup, je sais que nombre de conservateurs de musées sont "scotchés " par cette pièce. Voici donc l'histoire que j'en avais publié !  Chinois    


Citation :
Longines réserve de ces merveilles qui ont intrinsèquement une histoire singulière dans la conception des mouvements mais aussi des boites et des assemblages… Je mets la dernière main à une histoire fabuleuse purement technique et je vais vous en faire partager le contenu. Mais quelle manufacture fantastique !

Je sais, ça a un côté un peu teasing mais cette montre, c'est une pépite qui fut compliquée à trouver et qui réservait des surprises. Alors avant de vous présenter la montre, je vous donne quelques éléments de contexte …


Tout commence par la recherche de montres faites pour l'US Navy au début du 20 ème siècle. Plus précisément, je cherchais à savoir comment et quelles manufactures suisses avaient livré l'US Navy. Si la marine américaine avait bien testé des montres suisses à la fin du 19ème, ces montres n'étaient que des montres de poche qui ne lui avaient pas donné satisfaction. Ainsi, au travers d'un horloger parisien (Lefèbvre), l'US Navy avait essayé notamment une montre de poche équipée d'un calibre Lecoultre. Les résultats étaient bons au plan horloger mais la montre fut estimée trop petite (50 mm de diamètre), pas assez lisible et pas adaptée à l'usage à bord des navires. Nous sommes là en 1898.

En 1902, Ulysse Nardin (dirigée par Paul David Nardin fils d'Ulysse)  soumet à l'observatoire de Washington des montres de 65 mm de diamètre et dotées de l'affichage de réserve de marche. La précision est bluffante et le gouvernement américain achète les pièces (2 ou 3) et les fait tester par l'US Navy.

Il s'en suit une levée de boucliers des manufactures américaines qui refusent de voir des Suisses leur prendre une place auprès de l'US Navy que les industriels américains estiment faire partie de leur domaine réservé. Le gouvernement américain trouve une parade et met en place en 1904 un appel d'offres et un concours en 1905 qui sera organisé par l'observatoire naval de Washington pour sélectionner les meilleures montres .

Les meilleures pièces sont les Ulysse Nardin. Elles remportent le concours "haut la main" avec des résultats qui sont meilleurs que ceux des chronomètres de marine Negus jusqu'alors en place sur les navires militaires. Ulysse Nardin va renouveler ses records d'année en année ce qui stimule évidemment les concurrents américains et suisses de la marque. Longines tente au début en vain, d'aller sur le même terrain que Nardin et finira malgré tout par remporter aussi certains concours de l'observatoire militaire américain.

Longines, en 1913, se penche sur une autre technologie où personne ne réussit vraiment à coupler précision et longue réserve de marche de 8 jours. Les montres mises au point jusqu'alors sont précises lorsque le ressort est armé au maximum mais la précision décroit sensiblement sur les 3 ou 4 derniers jours. Les chronomètres de marine avec des entrainements par fusée/chaine sont bien plus réguliers grâce à une force constante exercée sur le mécanisme. Les systèmes à ressort sont plus capricieux, ce qui mécaniquement est une évidence.

Longines va donc s'intéresser à la distribution de l'énergie dans le mouvement (à ressort) et travailler sur l'architecture du mouvement et sur les trains de rouages qui distribuent la force du ressort … L'idée est audacieuse car il faut aller contre un principe physique de base et réguler une énergie qui par essence est à force variable sur la durée. Nous verrons comment Longines a trouvé le moyen de contourner la difficulté.

Ces informations acquises dans ma recherche, il fallait partir à la recherche de la montre. Il existe un exemplaire chez Longines mais "conditionné différemment", moi je voulais une pièce pur jus, sortie d'un navire de guerre du premier quart du siècle. Ce que j'ai voulu savoir, c'est comment Longines est arrivé avec ce calibre à "convaincre" l'observatoire naval de Washington et ce que furent réellement ces montres pour l'US Navy. L'idéal était évidemment de trouver un exemplaire de la montre fabriquée en toute petite quantité et pour laquelle le nombre de pièces faites pour l'US Navy est encore plus limité et le nombre de montres restant aujourd'hui en circulation est d'autant plus faible que les navires qui les ont portées ont, pour beaucoup, tout simplement coulé.

Voilà vous savez tout de ce défi qui m'a stimulé pendant des mois d'autant plus que les probabilités de dénicher la pièce étaient très faibles, ceci sans qu'évidemment je ne puisse en parler sans prendre le risque de me faire souffler une pièce si j'en trouvais une …    

Cette montre "très très spéciale" sera le sujet de mon prochain article ici-même où nous découvrirons le résultat des travaux de Longines…

Cette recherche fut très intéressante mêlant les contacts en Suisse auprès de Longines que je remercie, de musées suisses et américains et de collectionneurs spécialisés sur les montres militaires en Europe (Angleterre et Pays-bas et aux Etats-Unis).





Citation :
Longines, manufacture de chronomètres



Préambule

C'est comme les vagues quand on est sur la plage au milieu de l'automne. Il n'y a plus personne, à part un promeneur ou deux égarés au loin, et la mer sans cesse ramène sur le bord un morceau de planche en bois puis l'éloigne avant de le ramener à nouveau jusqu'au moment où la mer s'étend avec une vague plus grande et dépose l'objet à vos pieds. Les montres de poche ont le charme désuet sans doute du contact, de la manipulation. Elle portent la chaleur de la poche, s'ouvrent comme des huitres pour laisser accéder à leur intimité et laissent parfois voir un mécanisme savamment étudié pour conserver une mesure de l'heure précise et cela de manière pérenne. Certaines ont plus de 100 ans et infailliblement donnent encore aujourd'hui une heure juste comparable aux montres contemporaines pilotées par des quartz ou par un signal radio réputé ne varier que d'une seconde tous les mille ans.

Quelle performance, il y a un siècle, de pouvoir livrer un instrument aussi précis que seuls les horlogers pouvaient comparer avec des pendules de parquet, instruments de référence des ateliers. Certes toutes les montres n'offraient pas l'heure parfaite avec le même talent mais les pièces aptes à conserver le tempo chronométrique n'étaient pas nécessairement des pièces inaccessibles porteuses de complications. Le 19ème siècle puis le 20ème siècle ont mis l'heure juste à la portée de tous. Les fabricants se sont emparés de l'échappement à ancre qui permettait les plus grandes prouesses pour fabriquer des mouvement imperturbables faisant fi du magnétisme, des variations de température, de taux d'humidité et de pression barométrique. Les plus grands physiciens se sont penchés sur l'enfant pour imaginer des alliages insensibles aux paramètres extérieurs. Charles Edouard Guillaume, fut sans aucun doute le père du balancier moderne, le génie du spiral et de la serge.  
Tous les fabricants se sont espionnés, étudiés, comparés, entendus, disputés et affrontés dans les concours de précisions des observatoires du monde entier.
Hambourg, Kew-Teddington, Genève, Besançon, Neuchâtel, Washington…

Ils ont tous fondé l'horlogerie moderne et offert au public des montres qui n'étaient pas des objets de luxe mais des instruments fonctionnels destinés à donner l'heure. L'industrie horlogère n'était pas encore un élément de l'industrie du luxe. La recherche et le développement des mouvements était permanent, parfois s'avérait être un gouffre chronophage et coûteux pour un résultat aléatoire ou impossible à développer en volume pour des raisons de coûts exorbitants une fois passé en fabrication.  Les exemples foisonnent de calibres sans avenir commercial et pourtant prodigieusement inventifs et précis.


Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?   Longin18


Les recherches de Longines pour une longue réserve de marche assortie d'une précision chronométrique
 

Longines travaille en 1913 sur un calibre révolutionnaire, un mouvement de 19 lignes, un diamètre classique pour l'époque, doté de 8 jours de réserve de marche sans porter un barillet surdimensionné et profitant d'une architecture qui facilite la distribution d'énergie de manière reconsidérée au regard des créations antérieures. Il existe déjà des montres "huit jours" chez divers fabricants mais toutes ou presque ont le défaut de profiter d'une précision dépendante du niveau de tension du ressort de barillet. Le ressort très tendu lorsque la montre est remontée à fond, perd de sa force lorsque le ressort est détendu et cela influence la bonne marche du mouvement y compris quand par un système dit croix de Malte, la marche est cantonnée sans écart de remontage médian.

19 lignes est le format de calibres le plus gratifiant. Sans être excessif, il permet de loger de grands balanciers et de garantir une précision chronométrique qui au début du 20ème siècle est un excellent argumentaire de vente. Le public cherche un instrument qui lui donne l'heure la plus précise car il n'a pas d'autre moyen de transporter l'heure.  



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Le projet auquel s'attèle Longines en 1913 est fondé sur un stockage optimisé de l'énergie du ressort et surtout sur des trains de rouage qui assurent la distribution de l'énergie en garantissant une force constante quel que soit le niveau de remontage du ressort. Le travail de Longines est sans doute le fruit de l'une des recherches les plus astucieuses sur le sujet. Au terme d'études qui s'allongent dans le temps, Longines aboutit en 1914 à la conception d'un mouvement dont la régulation de distribution de l'énergie est si bien calculée que le mouvement est aussi précis du début du cycle de remontage jusqu'à son terme. Même les concepteurs du mouvement vont être étonnés de cette performance qui ne situe pas qu'au seul niveau des éléments réglants les facteurs de bonne marche d'une montre. .





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Un calibre hors-norme


Baptisé 19-41, le calibre est complété d'une raquetterie qui permet un réglage fin et, en contradiction avec tout ce qui s'était fait jusqu'alors, il n'est équipé que d'un petit balancier théoriquement moins générateur de précision. Les prototypistes de Longines se font alors plaisir et choisissent une raquette dite en étoile qui permet de maitriser le réglage à la seconde près. Les prototypes sont testés dans les 5 positions et sur toute la durée de développement du barillet. Les résultats sont époustouflants. L'écart de marche est infime et la montre est dans les normes chronométriques, le reste non seulement sur les 8 jours mais encore quelle que soit la position.

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Loin d'être une somme de "coups de chance" comme le sont parfois les créations de calibres, c'est le soin extrême mis à chaque étape de la conception et de la fabrication qui porte ses fruits.  La somme des savoir faire des équipes de Longines offre un résultat extraordinaire qui a toutefois un défaut majeur : le coût de revient des mouvements. La complexité de l'assemblage induit des personnels mieux spécialisés et qualifiés forcément plus chers que les ouvrières habituellement requises. Le nombre de pièces spécifiques à ce calibre génère en outre un surcoût et le réglage final induit du temps et une manipulation plus lourde que sur un mouvement classique.

Le mouvement n'est pourtant pas un 23 ou un 21 rubis mais un 17 rubis qui sera présenté sous deux versions. L'une à remontage à clé (celle qui a servi au développement) et l'une plus aboutie à remontage par remontoir au pendant. La prouesse s'accompagne d'un affichage de la réserve de marche qui permet de connaître l'état de tension du barillet. La précision est comparable à celle des chronomètres de marine les plus sophistiqués et cela va beaucoup intéresser l'US Navy qui cherche à remplacer, sur ses navires de petit tonnage, ses chronomètres de marine par des pièces plus mobiles, moins fragiles et garantissant une heure sécurisée et fiable.


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Une livraison à l'US Navy


Longines livrera ses pièces à l'US Navy au début des années 1920 par l'intermédiaire de son distributeur A. Wittnauer C°. Officiellement, Longines n'a livré que des mouvements avec leurs cadrans et leurs aiguilles mais de fait, les boites livrées avec les montres sont bien des Longines. L'assemblage s'est-il fait sur le sol américain comme la réglementation protectionniste américaine l'imposait sous peine de taxation dissuasive mais alors, il aurait fallu que la boite fut américaine ce qui n'est pas le cas, ou bien la manufacture Longines a-t-elle exporté des montres complètes, ce qui induirait un enregistrement erroné dans ses livres ou enfin, l'expédition des calibres et des boites s'est elles faite séparément pour répondre au cahier des charges de l'US Navy ? La dernière solution à cette énigme semble la plus probable.

Un calibre de 19 lignes soit environ 44 mm dans une boite de 79 mm a de quoi étonner mais l'US Navy a voulu remplacer ses chronomètres de marine par des montres dotées de cadrans aussi grands que ceux des chronomètres de marine afin de préserver, à l'équivalent, une lisibilité parfaite et ceci sans troubler les habitudes des utilisateurs. Le nombre de mouvements fabriqués reste très limité et toutes les pièces acquises par l'US Navy furent lauréates des concours de précision organisés annuellement par l'Observatoire Naval de Washington pour départager les meilleures montres aptes à un service pour la marine militaire. La pièce fut lauréate du concours de l'Observatoire de Washington en 1922, le temps de la maturité pour ce calibre puisque son remontage est passé d'une version à clé à un système au pendant.  

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Sans aucun doute, cette montre puisqu'il s'agit bien d'une montre malgré sa taille de presque 80 mm n'est pas dans le format des montres de poche mais bel et bien dans celui d'une montre de bord de grande taille. Le format des montres de bord de l'époque est davantage contenu aux alentours de 65 ou 67 mm. Cette fois le parti pris est de préserver clairement la taille des cadrans des chronomètres en bois de la Marine militaire.

De l'exception à la réalité du quotidien

La force de Longines comme d'autres grandes maisons fut de pouvoir faire ces pièces d'exception tout en maintenant en parallèle la fabrication à grande échelle de pièces précises certes avec des réserves de marche plus classiques ramenées au mieux à moins de 40 heures mais faites avec le même soin que ces pièces rares. Le calibre 19-85 est par exemple dans un laps de temps parallèle au développement du 19-41, un mouvement particulièrement performant et moins complexe à produire que ce dernier mouvement.

La production en volumes imposait de pouvoir faire assembler les montres par des ouvriers et ouvrières peu qualifiées voire même des ouvriers à domicile mais les fabricants faisaient profiter à leur production de masse des innovations faites pour des pièces confidentielles. L'interchangeabilité des pièces fut pour cela une avancée technologique considérable.

Le 19-85 profite d'une raquette de grande qualité que Longines a exploitée également sur ses mouvements Express Monarch et Express Leader, deux autres très grandes créations de Longines qui s'est imposée comme l'une des manufactures les plus innovantes au 19ème comme au 20ème siècle jusque dans les années 1970.    

cf : https://forumamontres.forumactif.com/t117359-dcouverte-le-calibre-express-monarch-de-longines &

https://forumamontres.forumactif.com/t125878-une-ppite-pour-les-amoureux-d-horlogerie-le-leader-express-longines


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On observera par comparaison le train de rouage du calibre 19-41 qui offre une démultiplication spécifique à la sortie du barillet et est très différent du 19-85. Longines est sans doute l'une des manufactures les plus productives quant au nombre de ses calibres différents, une diversité qui ne peut que forcer l'admiration et qui dénote une culture de recherche et de développement extraordinaire. Les différences entre les mouvements Longines sont toujours subtiles et la manufacture a fondé son travail sur la création de familles de mouvements dont la somme est absolument incroyable. Patrick Linder s'était essayé dans un ouvrage volumineux à un recensement des mouvements Longines, un travail énorme et passionnant.

Les grandes maisons comme Longines, Lecoultre, Omega, Zenith, Ulysse Nardin et tant d'autres ont une histoire exceptionnellement riche faite de recherches et développements où les horlogers se sont laissés entrainer par leur enthousiasme sans regarder les coûts de revient et avec le souci de conserver l'heure au plus précis. La plupart des pièces de l'époque sont plus ou moins directement les héritières de ces recherches y compris des montres très classiques avec des mouvements qui portent 15 rubis. C'est une autre manière de regarder l'horlogerie sans le prisme déformant du marketing moderne, une manière de rester attaché au prodige mécanique que fut l'évolution de l'horlogerie.

Droits réservés - Forumamontres - Joël Duval - Janvier 2019 - Juillet 2020

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MessageSujet: Re: Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?    Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?   EmptyLun 13 Juil 2020 - 18:51

Superbe! Je bois du petit lait en lisant ces lignes...
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MessageSujet: Re: Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?    Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?   EmptyLun 13 Juil 2020 - 19:55

Comment Longines passe d'une manufacture d'exception à un emboiteur de calibre dans un segment marketing dilué du Swatch Group... Pleure 2
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MessageSujet: Re: Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?    Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?   EmptyLun 13 Juil 2020 - 21:57

Un café, cette page, pour finir la soirée c’est top. Merci Zen
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MessageSujet: Re: Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?    Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?   EmptyMer 2 Sep 2020 - 23:36

Bonsoir,

Merci pour ce post particulièrement passionnant que je ne cesse de lire en boucle !

A la suite de sa découverte je me suis mis en recherche d’une Longines 8 jours en montre de poche. Je suis tombé sur une montre qui me semble très intéressante, qui dispose d’un mouvement avec 8 jours de réserve de marche mais qui n’est ni un 19.41 ni un 24.41. Après avoir sollicité les services de Longines, cette montre apparaît dans le registre comme étant équipée d’un mouvement 19.8 en version 8 jours. Cette montre a été vendu en 1915 au distributeur officiel de Longines en Italie à cet époque (d’ailleurs je viens d’acheter la montre en Italie). Le numéro de série correspondrait à une date de fabrication vers 1912.

Des photos de la montre :

Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?   92f27210
Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?   9f677510

@zen est-ce que tu penses que cette montre pourrait faire partie des modèles d’essai dans la phase de développement du mouvement 8 jours auquel tu fais référence dans ton article ?

Est-ce que quelqu’un a déjà vu ce mouvement, et/ou aurait des informations à son sujet ?

Merci d’avance pour votre intérêt !!
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MessageSujet: Re: Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?    Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?   EmptyJeu 3 Sep 2020 - 9:04

Bonjour

Merci de votre intérêt pour cet article. Modèle d'essai, je ne pense pas mais plutôt une déclinaison. Longines a développé un brevet et une technique et l'a testé et/ou adapté à plusieurs mouvements ce qui témoigne d'une qualité élevée de développement industriel. Ce mouvement 19.8 est très intéressant car comme celui que j'ai montré, il joue sur des développements de la force motrice très pointus.

Si l'on cherchait bien peut-être y aurait-il un destinataire particulièrement intéressant pour cette livraison.

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MessageSujet: Re: Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?    Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?   EmptyJeu 3 Sep 2020 - 10:59

Incompréhensible

17 rubis sur les 2 mouvements !!!

alors que, ne serais ce que visuellement, on peut en voir un de plus sur le calibre us
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MessageSujet: Re: Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?    Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?   EmptyJeu 3 Sep 2020 - 12:30

ZEN a écrit:
Bonjour

Merci de votre intérêt pour cet article. Modèle d'essai, je ne pense pas mais plutôt une déclinaison. Longines a développé un brevet et une technique et l'a testé et/ou adapté à plusieurs mouvements ce qui témoigne d'une qualité élevée de développement industriel. Ce mouvement 19.8 est très intéressant car comme celui que j'ai montré, il joue sur des développements de la force motrice très pointus.

Si l'on cherchait bien peut-être y aurait-il un destinataire particulièrement intéressant pour cette livraison.

J’ai demandé à Longines si ils ont des éléments complémentaires à me transmettre au sujet de cette montre. J’ai également commandé le livre de P. Linder sur les calibres Longines en espérant y trouver des informations ! Vers quelle direction tourner les recherches pour recueillir des informations sur le destinataire de la montre ? Merci d’avance pour cette précieuse aide !
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MessageSujet: Re: Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?    Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?   EmptyJeu 3 Sep 2020 - 12:31

Je me demande si Longines comptabilisait ses rubis de palettes d'ancre…

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MessageSujet: Re: Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?    Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?   EmptyJeu 3 Sep 2020 - 12:33

Le livre de Patrick Linder ne donnera de renseignements que sur le calibre. Il faudrait demander à Longines à qui ce fut livré en Italie … Cairelli ? Après c'est compliqué sur ce secteur géographique. Y a-t-il un quelconque marquage sur ou à l'intérieur du boitier ?

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MessageSujet: Re: Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?    Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?   EmptyJeu 3 Sep 2020 - 15:31

Information de Longines :
«  Ce garde-temps a été facturé le 2 novembre 1915 à la maison Blum & Ostersetzer, alors notre agent pour l'Italia. »
Pas de marquage particulier sur la montre :
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MessageSujet: Re: Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?    Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?   EmptyJeu 3 Sep 2020 - 16:09

Ca va être très compliqué à tracer. La date de livraison fait penser à une pièce qui aurait pu être celle d'un officier lors de la première guerre. Les 8 jours étaient recherchées pour ceux qui se déplaçaient sur de longues distances.

J'ai peur qu'il ne soit impossible d'aller plus loin. Blum & Ostersetzer faisait dans les montres de luxe haut de gamme et donc pas dans les livraisons militaires de base. .

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MessageSujet: Re: Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?    Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?   EmptySam 3 Oct 2020 - 15:42

Je confirme que le livre de P. Linder n’a pas apporté d’élément complémentaire. Les calibres concernés sont les 19.41 (correspondant à l’époque de la montre) et le 24.41 (postérieur). Il est cependant fait mention des efforts et de l’intérêt porté par un certain Pfister quant au développement du calibre 8 jours. A bien lire les numéros sur les mouvements et boîtiers des autres Longines 8 jours que j’ai pu voir sur internet, celui de la mienne semble faire partie des tous premiers modèles (je n’en ai pas trouvé avec un numéro inférieur). @Zen pourriez vous partager les éléments au sujet du brevet en question développé par Longines ?
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MessageSujet: Re: Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?    Récit : La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?   EmptyDim 4 Oct 2020 - 11:23

Très intéressant sujet, en tout cas. Merci Zen de nous avoir partagé le récit de tes recherches.
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